Balade | Un fleuve sort de son lit | Avec Alexandre Field



illustration : le Bassin versant du ruisseau Aygalades-Caravelle et le futur parc du ruisseau des Aygalades.
Photos : La mauvaise réputation © Geoffroy Mathieu
“Un bassin-versant est quelque chose de merveilleux à prendre en compte : ce processus (pluie, cours d’eau, évaporation des océans) fait que chaque molécule d’eau sur terre fait le grand voyage tous les deux millions d’années. La surface est sculptée en bassins-versants – une sorte de ramification familiale, une charte relationnelle et une définition des lieux. Le bassin-versant est la première et la dernière nation dont les limites, bien qu’elles se déplacent subtilement, sont indiscutables. Les races d’oiseaux, les sous-espèces d’arbres et les types de chapeaux ou les habits de pluie se répartissent souvent par bassins-versants. Pour le bassin-versant, les villes et les barrages sont éphémères et ne comptent pas plus qu’un rocher qui tombe dans la rivière ou qu’un glissement de terrain qui bouche temporairement la voie. L’eau sera toujours là et elle arrivera toujours à se frayer un passage. Aussi contrainte et polluée que puisse être la rivière de Los Angeles aujourd’hui, on peut aussi dire que de manière plus globale cette rivière est vivante et qu’elle coule bien en dessous des rues de la ville dans des caniveaux géants. Peut-être que de telles déviations l’amusent. Mais nous qui vivons à l’échelle des siècles et non de millions d’années devons maintenir ensemble le bassin-versant et ses communautés afin que nos enfants puissent profiter de l’eau pure et de la vie qui gravite autour de ce paysage que nous avons choisi. Du plus petit des ruisseaux situés au sommet de l’arête jusqu’au tronc principal d’une rivière approchant les plaines, la rivière ne constitue qu’un seul lieu et qu’une seule terre.”
Gary Snyder