Istres les doigts verts

On se retrouve dimanche matin vers 9h45 à l’Office du tourisme de Istres. Nicolas Memain attend, cache sa veste de cantonnier dans un café avec les habitués et sort à l’heure précise.

La marche violette contre les féminicides marque une journée où les piéton.ne.s sont autorisé.e.s à ralentir les voitures, à la main des fleurs blanches offertes par les fleuristes de Istres. Ici la nature par les fleurs représente des vies de femmes arrachées par le sexisme.

Nicolas Memain prévient : nous serons attentif.ve.s dans cette marche à la référence. Subtiles ou grossières, inavouées ou extravagantes, les références façonnent l’urbanisme et l’architecture. « C’est tout ce qu’il nous reste, postmodernes que nous sommes ». Entre évocation ou invocation, savoir-faire qui laisse place à l’existant, ou symbolisme demandant à la ville de prendre la forme de ce qu’on imagine d’elle, une fiction californienne adolescente des années 90.

Istres, dans son nom même est une de ces références aux non-humains qui composent la ville et que l’on oublie trop souvent. Istres, première fois nommée dans une charte de Conrad le Pacifique, viendrait de la même racine qui a donné « huîtres ». La ville fait référence aux producteurs de calcaire qui en compose son sol. Illustration : le calcaire dans lequel est faite la porte d’Arles, l’arc de triomphe au coin de l’allée Jean Jaurès, juste à côté de l’office du tourisme, laisse affleurer quelques coquillages nous rappelant que le minéral lui-même ne serait sans l’organique, la pierre est faite de milliards et milliards de coquillages et autres organismes marins concassés, dont les huîtres, qui apparaissent de ci de là sur les parois rocheuses.

L’arc de triomphe se situe à l’entrée du vieil Istres à la forme d’une olivette.

La ville, nous explique-t-on, est fait de nombreuses collines et de fond de vallées. La tache urbaine est carrée, coincée entre l’étang et la base aérienne 125.

La Zone Industriao-Portuaire de Fos est décidée en 1964. en 68 il est décidé de ne pas faire une grosse ville nouvelle, mais d’étendre les villages existants de Istres et Fos. En 1972 est crée l’EPAREB qui pilotera au nom de l’Etat cette croissance. Dès le début, une pensée écologique de prévention des risques et de respect de l’existant sera intégrée aux projets de ZACS.

C’est donc une ville nouvelle que nous allons traverser. Beaucoup des intelligences de la nature en ville que nous remarquerons sera l’héritage du travail du paysagiste de l’EPAREB[1] : Georges Demouchy. il s’agissait déjà pour EPAREB d’accompagner, plutôt que de remodeler, un terrain d’expérimentation qu’il est bon de fréquenter pour penser nos aménagements d’aujourd’hui.

Mais avant d’y aller, un petit tour par la ville ancienne s’impose, car les savoir-faires avec la nature ne date pas d’hier. L’allée Jean Jaurès est un Cours, forme urbaine typique en Provence, référence au Corso italien, une mode qui arrive au 17e siècle. Deux allées de platanes à feuilles caduques : ombrages en été, ouverture sur le soleil en hiver. Expression de l’intelligence des feuilles de ces arbres qui mériteraient certainement mieux que les pas d’arbres qui leurs sont aujourd’hui imposés. Le Cours est tordu : marque de l’ancienne enceinte de la vieille ville.

Piétonnisée, des parcelles démolies accueillent quelques arbres formant placette, dont des melia beaux toutes les saisons et des micocouliers résistant aux maladies. On arrive ensuite à la fontaine moussue, ou rocaille moussue au fond du boulevard Paul Painlevé, qui imite la formation naturelle de végétation dans les grottes. Cette drôle de protubérance moussue qui ruisselle de manière discontinue a une fonction rafraichissante, douce humidité pour les canicules, dont le bruit des gouttes d’eau trompe notre cerveau et lui donne des impressions de fraicheurs de fond de vallée. Certain.e.s recherche que Nicolas l’ont conduit a soupçonné que le centre de bourse de Marseille avait été pendant un moment pensé comme une rocaille moussue, donnant une toute autre image de ce que Belsunce aurait pu être. Le réseau d’arrosage serait, dit Nicolas, tombé en panne.

Passant devant des cyprès florentins et des oliviers en pots, l’occasion se présente de discuter de la différence entre deux types de plantes, qui catégorisées par la façon dont on les utilise dans nos histoires humaines de paysagisme : les plantes culturelles et les plantes écologiques. Certaines plantes sont utilisées pour des raisons plus « écologiques », elles sont soit déjà présentes, et on fait avec, soit sont introduites pour des fonctions de climatisation, de maintien du sol, comme habitat ou autre, de manière à s’accorder au mieux à l’écologie d’un lieu. D’autres sont convoquée pour une cohabitation qui n’a de raisons que culturelles.

Par exemple, les cyprès florentins, les lauriers roses et les oliviers se retrouvent souvent affublés d’une mission de représentation de l’identité provençale, qu’il faille pour ce faire le mettre en pot pour que cela soit viable ne pourra pas les détourner de leur fonction : nous nous dirons face à ces plantes qu’ici nous sommes bien en Provence.

Nous quittons le centre ville passant, direction la Romaniquette, en passant par dessus une branche du système Crappone. Le système Crappone est un système d’irrigation qui s’étend de Salon-en-Provence, Lamanon, jusqu’à Arles et irrigue toute la plaine de la Crau, qui demande un grand apport en eau pour la production du celèbre foin de la Crau, unique denrée non-alimentaire protégée par une appellation d’origine controlée, la culture de foin se fait en champs inondés. Certain.e.s se mettent à rêver du reflet du ciel dans l’eau. L’eau fait elle aussi des références au ciel ?

Une deuxième branche de canal, cette fois-ci abandonnée nous raconte une autre histoire : celle de la déprise agricole, ce canal en effet est plus en hauteur, et les hauteurs, zones les moins fertiles, sont les premières zones délaissées quand les activités agricoles diminuent. Ici le rapport de référence s’inverse : c’est la spécificité des vivants qui repeuplent une branche de canal abandonné qui racontent l’histoire des mutations sociétales humaines.

Deux essences d’arbres attirent notre attention : ils rejouent une nouvelle fois la question de la référence, sur un mode encore nouveau. Il s’agit du Catalpa et du Melia Azedarach, il s’agit de deux arbres installés ici dans ce quartier récent qu’est la Romaniquette, ce sont deux arbres très graphiques, que les paysagistes et architectes doivent souvent dessinés dans leurs études. Il paraîtrait même que le catalpa de la cour des Beaux-Art de Paris aurait rendu tous les étudiants passant par là sensibles à ses formes : on plante ce qu’on connaît. Que l’histoire soit vraie, peu importe. Ces deux arbres sont arrivés ici pour des qualités ni écologiques ni culturelles, mais plutôt pour leur qualité graphique et pédagogique, qui leur a valu d’être dans les esprits des aménageurs. Les manières dont les non-humains font intrusion dans les histoires humaines se multiplient au fil de la balade.

La réalité tremble et Nicolas nous fait perdre nos repères urbanisés, empruntant presqu’exclusivement des chemins d’écoliers, ces chemins qui passent à l’arrière des maisons, dans des interstices aménagés pour que les enfants puissent aller à l’école à pied en toute sécurité. Par ces sentes vertes internes, qui sont soit des passages au dessus d’anciens canaux, ou de canaux toujours en activité, voir même des espaces entre les maisons et d’anciens fronts de tailles de carrière, la part faite à la nature est belle : les enfants, mais aussi les insectes, les plantes, de petits animaux, et des imaginaires loin du tout-au-béton et du tout à la voiture peuvent toujours se frayer un chemin. On voit très peu le goudron et les voitures, la ville nous offre un tapis paradis.

On arrive au Parc de la Conque. Nous entrons depuis une sente pédestre du côté du chemin du cros de la carrière. C’est un petit parc qui représente bien la façon de penser de Demouchy, sa manière de se jouer des références à l’histoire du paysagisme et de laisser l’existant nous offrir des manières de réinventer cet héritage. .Il reprend des lignes de forces qui existent déjà dans le paysages : un front de taille, un bout d’aqueduc, il les intègre pour dessiner un petit jardinet de cloître rêvé , tradition paysagiste et lignes de forces préexistantes : les grandes références se mêlent au quotidien. Une petite gloriette en béton et en inox fait elle aussi référence à d’autres jardins, les grands jardins aristocratiques, mais ses matériaux se font beaucoup plus discret pour raconter cette grande histoire.

Les références s’enchevêtrent : la plupart des maisons qui nous entourent sont des maisons en bois, recouvertes d’un enduit imitation pierre, les tuiles sont en ciment, mais imitent l’argile.

Le paysage devient une fiction, mais une fiction subtile par laquelle on se laisse prendre.

On se rapproche du front de taille qui constitue l’une des bordures du parc : elle nous rappelle ce qui constitue Istres, les coquilles d’huîtres en quantité se laissent voir dans les calcaires : de la nature ou du paysagiste, on ne sait plus qui invente les plus improbables fictions…

Nous remontons vers le parc de la Romaniquette en empruntant d’autres sentiers pédestres, en y croisant quelques atriplex, ou pourpiers de mer. Ces plantes sont les stars du réchauffement climatique. Peu demandeuses, elles poussent sur des sols très pauvres et contribueraient à reconstituer les sols tout en offrant de l’ombrage et de la protection contre le vent à d’autres essences, habitats pour d’autres règnes.

Ces plantes sont comestibles, légèrement salées, ce goût dit à nos papille la présence non lointaine du sel.

Et c’est bien là que pour la première fois du chemin notre vue s’ouvre sur l’étang de Berre, juste après avoir croisé les traces rouges et jaunes du GR2013. C’est une autre petite gloriette qui nous attire et nous surprend avec sa vue sur l’étang de Berre, nous permettant de comprendre le rapport particulier que la ville entretien avec l’étang : on ne le voit presque pas : Istres est sur un plateau qui commence en falaise au bord de l’étang avec une douce pente jusqu’à la plaine de la Crau.

Nous arrivons près de l’école primaire Jacqueline Auriol, par d’autres sentiers pédestres, le chemin du bois joli, pour constater d’autres pratiques du paysagisme, confrontés à un micro paysage plus récent, assez typique de ce que l’on pourrait qualifier de paysagisme comptable : devant l’école, pour protéger les enfants des voitures est installé un par-terre, une plate-bande sur un sol stérile et blanc (ici des coquillages, mais qui sont là comme référence au vide), avec des points « devis », probablement dessiné à l’ordinateur avec sur le plan, des points qui réfèrent directement au devis de la plante à installer.

Plutôt que d’intégrer des lignes de force et de laisser la place au vivant, le paysagisme pense par une fonction préalablement décidée : il faut que les enfants restent éloignés de la route, déviation artificielle des enfants, plutôt que ralentissement des véhicules motorisés.

C’est un décor de centre de rond point hors du centre du rond point.

Nous nous échappons par le chemin de la Tortosa, qui nous fait longer une nouvelle fois l’étang de Berre, sous les structures, le calcaire tendre est soufflé par le vent, ne reste que le calcaire plus compact qui forme ces étonnantes architectures minérales. Une souche de bois mort montre un autre changement de mentalité dans la gestion des parcs : laisser le bois mort permet une meilleure régénérescence des sols. Là où nous avions tendance à tout « nettoyer », nous apprenons aujourd’hui à accompagner la façon dont la nature se recycle elle-même : les champignons pyrophiles décomposent le bois brulé, et en fait de la matière organique pour nourrir l’écosystème.

La vue que nous avons sur l’étang de Berre nous offre une occasion de penser à lui et d’échanger ce que nous en savons, la vue sur la centrale hydro-électrique de Saint-Chamas, « embouchure artificielle de la Durance », nous invite à raconter la pollution à l’eau douce et les problèmes d’anoxies de l’étang : par grande chaleur l’eau tend à manquer d’oxygène, l’eau douce, turbinnée en quantité immense, se mettant en surface et ne se mélangeant que lentement avec l’eau saumâtre, accentue grandement les phénomènes d’anoxie en plus de perturber le fonctionnement de l’écosystème. Saint-Chamas étant un point d’appoint électrique pour toute la côte d’Azur, tous les climatiseurs de la côte forment un deuxième pic de consommation électrique qui demandent aux centrales de turbiner d’autant plus au période de grosses chaleurs. La nécessité de repenser les climatisations naturelles en ville s’en fait d’autant plus sentir. Nous débouchons de ce petit sentier où l’on ne voyait plus Istres mais seulement l’étang, sur le plateau des Bolles. A nouveau c’est une zone de lotissements pensée par l’EPAREB [1] avec leur savoir-faires particuliers. Des changements de couleurs sur les briquettes du sol racontent beaucoup, invitent aux usages, laissent deviner une référence lointaine à une antiquité grecque. En s’enfonçant dans les lotissements, on observe une voie laissée derrière les maisons dessinées par le front de taille d’une ancienne carrière, ombragée et humides, on s’aventure entre les maisonnettes, qui s’organisent avec des petites placettes avec quelques arbres, ou de simples placettes triangulaires, aberrations économiques, mais tellement importantes en ce qu’elles ouvrent des espaces où l’on n’est pas trop vu, où l’on peut sortir d’un régime de performance et productivité. Ces endroits invitent à rêver à partir de rien.

La démonstration des aménagements nous invitent à penser du rien intelligent, en changeant les couleurs des briquettes au sol ce sont d’autres espaces qui s’ouvrent, sans trottoirs, on ne sait plus quels espaces sont destinés à la voiture et lesquels sont destinés au piéton.ne.s. Les rues ne sont pas droites, les espaces sont appelés à être des espaces qui se négocient, c’est-à-dire des espaces où l’on se rencontrent. La philosophie des aménageurs EPAREB se laisse deviner : comment faire mieux, avec moins.

Dans cette philosophie, trouver des manières justes d’intégrer l’existant à la planification, c’est-à-dire de mettre de reprendre l’existant et ses formes pour en hériter autrement, semble d’une importance capitale : une ancienne ferme traditionnelle a par exemple tellement été fondue dans le paysage des Bolles que personne ne la remarque.

Nous commençons à voir au loin, en contrebas, les Quatres Vents, autre quartier de ces années-là. ZAC, zone d’aménagement concerté, qui mettait déjà à l’époque le « participatif » comme valeur importante de la question de l’habitation. On s’attache d’autant plus à son territoire que l’on a son mot à dire sur son dessin… Le plan d’aménagement prend deux barres d’immeubles des années 50 comme ligne de force et se construit autour parsemé de bout de pinède qui précédait la ZAC : au lieu de faire de la ville et de rajouter de la nature après, ici, on laisse des trames de natures dans la façon de composer la ville.

Mais avant de se lancer plus en avant dans les quatre vents, nous passons par le parc des salles.

Somptueux parc, qui conserve comme axe de composition une ancienne départementale détournée, ici c’est de l’ancien « urbain » qui sert à organiser de la « nature ». C’est là qu’on s’arrête pour manger.

Pont du parc, Bernard Lassus, grille d’abeilles sculptées en fer forgé, inspiration des pratiques des papys dans le nord. Le pont est une fausse rocaille, inventée de toute pièce, dans lequel on aurait creusé le passage pour la route. Mais quand on tape sur la roche, c’est creux, c’est du polyester recouvert de ciment.

On passe sur la rocaille fictive comme si on ne quittait pas le parc. Sous le pont : on voit 4 voies, des immenses ronds points : Istres a été une ville test de la voirie, on y expérimente les rond-points,. on s’est rendus compte qu’ils étaient beaucoup trop grands. Quand Istres est devenue sous-préfecture de la métropole, on a eu de la spéculation immobilière qui attendait 200 000 habitants, or on est resté à 49 mille, les infrastructure sont immenses, la population y est fictive. C’est comme un rêve de ville faite de maisons individuelles avec garage pour un peuple manquant.

Ecole ouverte, la cours de récré est la pinède d’à côté. « La nature, c’est ici ! », nous crie un enfant au milieu d’un stade de foot à qui nous disions la chercher. On marche vite, sentiers pédestres, pédibus, arrière couloir sans véhicules : c’est important pour la façon dont c’est entretenu aussi. Pourtant, on n’y croise personne.

Fossé drainant. Piscines olympiques, plus qu’à Marseille. Paysages composite de la fin, des cinémas, une ancienne patinoire, des salles de spectacles, on entend chanter « joyeux anniversaire » par une fenêtre…

On est en retard on doit arriver pour 17h au centre ville de Istres. On perd un peu le fil… Une immense villa romaine en béton avec colonnades nous surprend sur la droite. La fiction semble prendre le dessus sur la réalité.

[1]Etablissement Public d’Aménagement des Rives de l’Etang de Berre

Voir articles de presse sur cette balade

Maritima et Marcelle

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« Istres, les doigts verts » par Nicolas Memain – Dimanche 10 novembre 2019

 

Istres est un vieux village et une ville nouvelle. Entre étang-s, collines et plaine de la Crau, les plans des ZACs des années 1970 et 1980 ont prévus parcs, espaces verts, mails piétons, chemins d’écoliers que nous arpenterons dans le calme, la volupté et la recherche de l’ombre. Une journée complète à explorer cette ville nouvelle, pour y apprendre ensemble comment la nature rend service à la vie urbaine, et comment elle nous aidera à nous adapter au changement climatique. L’action municipale, à travers les actions d’urbanisme passées et en cours et du rôle du service des Espaces Verts, y seront éloquentes et exemplaires.

 

Ce récit est tiré de promenades que s’inscrivent dans le programme de 5 ans du projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) qui favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.

Conversation marchée #1

Les conversations marchées sont une invitation à regarder ce qui est là avec un scientifique qui ne connaît pas forcément les lieux mais avec qui nous pensons avoir des « sujets de conversation »…

Qui vit là et comment?

Alors c’était un mercredi matin, ciel menaçant, et une colline Foresta particulièrement verte pour la période de l’année. But de jeu de la matinée: regarder ensemble avec les chercheuses du laboratoire le LPED (laboratoire population environnement développement) Magali Deschamps-Cottin et Carole Barthelemy ce qui est là, dans un espace naturel profondément modifié par l’homme et aux conditions difficiles (pente, embruns, vent…). 

Toutes deux travaillent sur la nature en ville, et plus particulièrement à Marseille. 

Magali est écologue, elle regarde les relations et interactions entre les plantes, les animaux…et les hommes, avec une prédilection pour les papillons. 

Carole est sociologue, elle travaille sur les relations entre la nature et la société plus particulièrement dans les quartiers populaires de Marseille. Ça veut dire les usages qu’ont les habitants de la nature, les représentations mais aussi les modes de gestion de cette nature urbaine qui n’est pas toujours perçue ou nommée comme telle (les délaissés, les friches, les collines habitées…).

Après une petite introduction presque polémique à propos des prédateurs domestiques que sont les chats (qui en trop grand nombre affaiblissent la biodiversité), nous partons marcher.

A Foresta on se trouve majoritairement dans ce qu’on appelle un milieu ouvert. Or les papillons aiment bien ces milieux, plus que les forêts… Ils ont par contre besoin d’habitats diversifiés, notamment pour passer l’hiver.

Par exemple certains papillons passent l’hiver à taille adulte en ce cachant dans des vieux murs ou dans les ronces (donc oui, les ronces c’est important et pas que pour ramasser des mûres…).

Tiens, là le vieux mur qui sous tend aujourd’hui le Lycée de la Viste, relique bâtie de la colline d’origine. Un bon gite…

D’autres papillons passent l’hiver sous forme de chenilles ou de chrysalide, directement sur les plantes.

Dans le fenouil qui poussent un peu partout ici on trouve le Machaon. La Machaon aime le fenouil. Les papillons ont en effet des plantes hôtes, des plantes spécifiques que chaque espèce choisira pour pondre ses oeufs et qui sera la base alimentaire de la chenille. Les plantes sauvages parfois considérées comme mauvaises herbes peuvent ainsi être précieuses vues par une autre espèce…

On se fait un petit tour des espèces qui apprécient les friches et les zones abandonnées de nos contrées. Certains sont migrateurs, traversant la Méditerranée et élargissant ainsi leurs capacités à trouver le bon climat, la bonne plante… 

Et beaucoup ont des noms plein d’imaginaire…

Le Grand voilier, le Vulcain, la Belle dame ou encore le Pacha, qui n’accepte comme plante hôte que l’arbousier. Nous pourrions même rencontrer un papillon dont la femelle est appelée la Mégère quand son mâle se nomme le Satyre… 

Bon, en l’absence d’arbousier pas d’espoir de Pacha pour l’instant à Foresta…

On croise sur la dyplotaxie (la roquette sauvage) des chenilles de Pierrides, un papillon plutôt « tout terrain « .

 

Ici il faut se mélanger…

Un terrain artificialisé comme Foresta est le lieu de vie des champions de l’adaptation, de ceux (plantes, animaux et… humains…?) qui arrivent à trouver des stratégies pour faire avec les difficultés et qui finalement en font une opportunité.

En profitant de la « coupe » provoquée par l’installation des lettres de Netflix, on peut voir que la couche du sol vivante, propice à la vie, est très fine. En dessous les remblais des multiples modifications du site. La présence de l’argile joue aussi sur la perméabilité des sols. En gros soit c’est trop sec, soit c’est noyé… 

La réponse qu’ont trouvée les plantes à cette situation est de faire des cycles courts, aller vite pour réussir à se reproduire dans les deux périodes « viables » le printemps et l’automne. On voit aussi que dans ces terrains remués urbains qui ont constitué le terroir marseillais avec ses bastides et ses fermes, les plantes se mélangent, les espèces héritées des jardins côtoyant les spontanées reines de l’adaptation.

La planque du moustique…

Globalement, on est toujours agréablement surpris de constater que Foresta, tout en étant resté un espace ouvert, est plutôt « propre ». Peu de déchets, quelques bagnoles abandonnées de temps en temps mais finalement rien de trop alarmant au regard de la taille des lieux.

Mais malgré tout on trouve des petits amoncellements de temps à autres qui sont des vrais villas pour moustique, notamment les tigres qui adorent les humains et leur capacité à laisser traîner des récipients d’eau stagnante. Un peu d’eau qui traine dans une canette suffit à installer une nurserie, un cycle de reproduction pouvant se dérouler en 1 semaine. Si une partie des espèces de moustiques sont nécessaires dans un milieu, Magali nous invite quand même à sérieusement éviter ce genre d’habitat collectif qui dérégule les équilibres entre les espèces et nous bouffe quand même un peu la vie 

Adopter un âne ou un quadra…

Nous arrivons devant l’un des quadra installés par SAFI dans Foresta. L’idée est d’avoir une petite zone d’observation détaillée des plantes pour que son inventaire exhaustif dans le temps nous apprenne comment évolue le terrain, par exemple suite à la venue des ânes qui depuis cette année se chargent du débroussaillage de printemps. Est-ce que les ânes vont modifier les plantes et le terrain? Affaire à suivre…

Cet inventaire est participatif et ses résultats sont consignés sur le site du mouvement « Tela botanica », où des milliers de personnes en France inventorient les plantes sauvages de leur quartier.

Ailantes Versus Chênes?

Nous nous trouvons à la lisière entre une relique de la colline ancienne et de la colline transformée. D’un côté un bout de forêt avec des chênes pubescents, de l’autre une prairie sèche peuplée d’Aillantes qui ont réussi, c’est l’une de leur caractéristiques, à s’installer sur cette terre appauvrie. L’Ailante est considérée comme invasive. En même temps elle a la qualité d’arborer des zones dégradées par les hommes et où il est difficile d’habiter quand on est un arbre. Un petit débat démarre sur la menace, ou pas, que l’Aillante représente pour les chênes de l’autre côté du chemin. Battle à poursuivre lors de la prochaine balade d’exploration à partir des arbres…

Les écologues nous invitent à observer la dynamique d’évolution de cette micro-forêt:  Y a t’il de jeunes arbres ? Progresse t’elle ou régresse t’elle ?

Dans le même ordre d’idée, posant ainsi la question des régulations qui deviennent parfois complexes pour la nature anthropisée, Magali nous raconte que quand on met trop de ruches d’abeilles domestiques, ce qui ne semble au premier abord qu’une bonne idée, on met la pression sur les espèces sauvages. On crée une concurrence autour de la ressource des lieux avec d’un côté des abeilles sauvages qui butinent seules, et de l’autre des abeilles domestiques qui fonctionnent en colonies et qui « ratissent » très efficacement les zones de pollen. Tout est histoire d’équilibres…

Un peu plus loin on découvre un « arrangement » entre deux cèdres de l’Atlas plantés trop serrés et des mûriers à papier. Ré-équilibrer la répartition en taillant fragiliserait surement l’équilibre de l’ensemble, notamment racinaire, les rendant ainsi plus vulnérables au vent…

Dans ce cas on conclue qu’il faut au contraire laisser faire, observer, faire régulièrement des photos pour documenter et se rendre peu à peu compte de comment ces arbres et ce paysage vit.

Un bassin à ménager…

Nous finissons devant l’un des deux bassins de rétention de Foresta. Ces ouvrages techniques sont aussi des lieux de vie, notamment celui-ci qui a la qualité de ne pas être bétonné, ce qui le rend beaucoup plus hospitalier pour plein d’espèces de plantes et d’animaux. Tout peut y circuler, il crée un milieu dynamique, plein d’interactions. Nous nous promettons de rechercher les résultats de l’enquête sur les oiseaux nicheurs, réalisé récemment par le LEPD et l’association la Chevèche.

On regarde également la ressource que représente les cannes, que nous apprenons à tresser et à utiliser comme ressource de construction à Foresta.

Nous concluons notre conversation en se confirmant avec nos deux scientifiques qui découvraient les lieux pour la 1ère fois que cet espace naturel, pivot également dans les enjeux de corridors écologiques (trames), était vraiment précieux. 

Vaste, usager, à la fois marqueur historique et révélateur de toutes les stratégies de la nature pour s’adapter, cet endroit peut participer à nommer et à prendre soin d’une nature urbaine qu’on ne valorise pas ou peu et qui souvent devient un enjeu, conflictuel, au moment où on la perd (pour une construction).

On se dit que plus qu’une « Zone à Défendre », c’est une belle « Zone à Ménager », qu’on a du temps pour ça et qu’il faut en profiter…

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Mercredi 7 novembre 2018 avec SAFI

Les Conversations marchées invitent des scientifiques, écologues, botanistes… à éclairer notre regard. Elles nous donnent à voir et à comprendre ce qui constitue le site de Foresta, quels sont les enjeux qui le traversent et en quoi il participe d’un écosystème.

Les invités :
Carole Barthélémy – Maître de conférences en sociologie,
Magali Deschamps-Cottin – Maître de conférences en écologie
du LPED – Laboratoire Population Environnement Développement.

 

Ce récit est tiré de promenades que s’inscrivent dans le programme de 5 ans du projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) qui favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.

Réformés Fontobscure

Une sortie de secours depuis le centre-ville vers l’Etoile, en s’inscrivant dans la tradition de la « promenade » comme aménagement urbain.

Depuis le 152 Canebière, nous allons marcher sur le fond de vallée entre le plateau Saint-Charles et le plateau Saint Michel. Ce fond de vallée c’est la Canebière et le boulevard Longchamp. 

On est sur des sols artificiels, l’un date de 2006-2007 là où a été faite le tramway, et un qui date de 1977, l’espace Léon Blum et les allées Gambetta, puisque c’est le toit d’un parking.

De là on passe sur la point des allées, devant le kiosque, micocouliers et platanor et tilleuls. Puis vers le square Stalingrad où il y a la terrasse des Danaïdes. Là aussi les micocouliers ont replacé les platanes malades du chancre doré (fin 70s). Les voitures cantonnées à l’extrémité, le tramway, un grand espace piéton avec des arbres adultes de 50 ans, une fontaine entourée d’un bassin: ici le projet urbain est achevé, c’est la matrice qu’il faudrait répliquer partout. 

Cours Joseph Thierry et boulevard Longchamp, qui sont des promenades, mais plus tardives, années 1830, et opérations privées. Sous les écorces des platanes, le tigre du platane. Sur Longchamp, il reste quelque vieux platanes, et de ombreux tilleuls. Des arbres viennent d’être abattus. Au 60, on visite le jardin d’un rez-de-chaussée. On est devant l’âge d’or d’un modèle urbaine: le 3-fenêtres marseillais. Les appartements sont traversants entre un boulevard planté et un jardin privé, avec des arbres des deux côtés. Ceux du rez-de-chaussée ont le jardin et la jouissance de l’ombre, mais ceux des étages profitent aussi des arbres des voisins, comme en témoigne une voisine du troisième étage depuis sa fenêtre. 

Le palais Longchamp est situé dans un parc, un des très beaux parcs publics de Marseille. Le monument est à la fois un château d’eau et un monument commémoratif de l’arrivée des eaux à Marseille (Espérandieu 1867). C’est là où l’on quitte le fond de vallée pour monter sur la butte Longchamp. On commence par aller à droite du musée, où se trouve le « petit jardin de la directrice ». Un très vieux magnolia au-dessus du buste d’un des inventeurs de la zoologie marine. C’est notamment lui le premier à avoir fait des comptages de poisson dans la rade de Marseille, qui s’est aperçu de la diminution des quantités de poisson. Dans le jardin abandonné, des couches de déblai sous le sol, un délaissé qui offre un paysage d’arbres sauvages en ville – ailantes, figuiers.   

Après l’arc de triomphe de la patrie centrale (une grande cascade en rocaille, reconstitution de géologie pittoresque), on le long des escaliers a pour la première fois une strate arbustive, qui permet la présence d’autres animaux. Tout le monument est une ode à l’économie agricole provençale. Dans l’ordre de la description de 1914 par Gustave Mouriès, on a « des filets dans lesquels des poissons sont pris, des corbeilles qui débordent de fleuves, de feuilles et de fruits, des coquilles marines, des dauphins ». Et dans le groupe central, l’allégorie de la Durance, qui est « portée par un char tiré par 4 taureaux, le gonflement plein de sève de la plastique, tout en elle révèle le germe fécondant le terre nourricière, et à ses côtés on a les allégories du blé et de la vigne ». Ce qui crée un lien symbolique entre Marseille et son terroir, le lieu d’une conciliation entre l’urbain et le rural.  

Dans la galerie derrière le corps central, le buste de Montricher et une très belle grotte qui était une promenade, un espace rafraishissant d’avant la climatisation. Nous avions l’eau et l’ombre, avant la climatisation. Sur le plateau Longchamp, la terrasse centrale est le toit du château d’eau avec uniquement de la pelouse, mais sur le côté gauche, petites promenades à l’anglaise dans des massifs, et on grimpe dans l’un des massifs pour voir les souches laissées en place (dans le cadre de la nouvelle stratégie biodiversité de la gestion des parcs et jardins). On y trouve des sentes d’enfants. Un sophora japonica. Pavillon d’arrivée des eaux au fond du jardin, qui est la tête de la dérivation Longchamp, qui alimente le centre-ville depuis 1848, que nous allons remonter durant le reste du parcours. Bien qu’entièrement busée, c’est une trame bleue potentielle, qu ice trouve au sommet de l’éperon rocheux entre la vallée du ruisseau de Plombières et celle du Jarret, qui zigzague de part et d’autre de l’avenue des chutes-Lavie.  

On passe un petit pont pour entrer dans le parc zoologique, puis on tourne à droite vers le projet de parking Longchamp (un gros projet de parking de 400 places, enterrée avec un toit végétalisé). Un très grand platane a été coupé il y a 3-4 ans, sous prétexte qu’il était malade, mais les copeaux ont été répandus sur la pelouse, chose interdite. Et aucune trace de maladie sur les morceaux qu’on a pu trouver. Le parc Longchamp, jardin d’enfance de Roncayolo, est une promesse témoin de ville-nature – la ruine-témoin de la promesse tenue de Montricher. Au temps de Napoléon, le terradou c’était des vignes; ce parc témoigne d’un terroir urbain métamorphosé par l’eau. 

Depuis notre point de départ, nous enchaînons une série de parcs et de promenades – que nous allons tirer vers le nord jusqu’à Fontobscure.

Etre à l’ombre en ville, au calme. Une belle séquence au 18e et 19e qui ne se prolonge pas au 20e, et c’est dommage car il y a le potentiel.     

On quitte le parc zoologique par l’avenue des Chutes-Lavie, en suivant la trace de la dérivation du canal par un terre-plain central en pelouse, le pavillon du partage des eaux, et un siphon de la dérivation qui passe sous la route. On remonte l’avenue avec un premier détour par le boulevard Bossy au bout duquel on trouve un très grande propriété avec un parc de 5000 m2 (1/2 ha). Un deuxième détour à gauche par la cité Méditerranée: entre le premier bâtiment et l’avenue, on a un délaissé en pente forte, sur lequel on trouve des nombreux arbres, arbustes et fleurs. 

On continue sur l’avenue, et on trouve au milieu du boulevard Guigou une honteuse allée centrale d’oliviers en pot. On fait un crochet à gauche pour faire le tour du parc Beauvoir, une résidence entourée de talus sur 3 côtés, on apprécie la présence du végétal autour des maisons. Sur les talus, on voit des sentiers très utilisés, et un pommier en fruits. Dans la résidence on a des alignements d’arbre qui semblent plus anciens et semblent avoir été gardés de l’ancien domaine agricole.  

Un détour à droite par la traverse Force, on pousse une grande porte en métal, et devant on a une bande de pelouse de 400 m par 6 m, qui passe entre les parcelles privées, habitée par un clochard. C’est l’ancienne emprise du canal basé en dessous, entretenue par des aygadiers, qui sont obligés de débroussailler pour éviter les incendies. Le canal a été à ciel ouvert jusqu’à la fin des années 1980. Ces emprises du canal sont toujours propriété de la ville de Marseille – certains en route, d’autres en pelouse. La plupart sont inaccessibles, c’est la première fois qu’in peut y accéder: on y fait un pique-nique. 

On repart vers le nord par l’avenue des Chutes-Lavie, un drôle de petit parc public sur la gauche avant la pont sur l’avenue Fleming. On recroise l’emprise du canal muré jusqu’à l’avenue Parrocel. A droite, l’emprise du canal est appropriée en petit jardin privé. Sur la droite, on a des résidences neuves qui se construisent dans l’ancien parc d’une emprise religieuse. 

Première rue à gauche, boulevard Moulin Guieu, on passe entre de vieux bâtiments industriels. Dans les années 1880 se sont construits des groupes de moulins, qui profitaient de la « houille blanche » des eaux du canal. Au fond du boulevard, on aperçoit l’emprise abandonnée du canal, il y a beaucoup d’eau, les arbres poussent si fort qu’ils éventrent les murs. De là on remonte vers la rue André Isaia: les chutes de Monsieur Lavie qui ont donné leur nom au quartier. Au début de la rue, la maison du directeur avec 3 beaux palmiers dans son jardin. En descendant de la rue, des petits arbres et de l’herbe poussent dans les craquelures du bitume, épargné par le brossage mécanique. 

Au fond à gauche, on emprunte la traverse Montcault, une des dernières belles traverses agricoles marseillaises, route étroite entre les murs, témoin de l’ancien paysage bastidaire. De là, grâce à une clef qui nous a été prêtée, nous entrons dans la cité-jardin Saint-Just. Du HBM de la fin des années 1920, la cité-jardin paraît être bâtie de petits pavillons individuels qui en fait sont composés de 4 appartements avec jardins privatifs. En haut, c’est le « plateau des Marguerites » (où la plupart des jardins sont comblés par le petit bâti des vérandas), que l’on quitte par des chemins d’écoliers à l’azur des voitures, intégrés par le plan de départ. Au fond de l’avenue des Renoncules, on voit le grand parc mitoyen de la cité-jardin, qui appartient à l’institution religieuse Saint-Jean de Dieu. C’est un parc qui doit faire 5 ha, dans lequel on a même vu des chevaux et des biches.  

On quitte la cité par l’avenue des Clématites, qui est sur un talus fortement planté de platanes, et on descend l’avenue Corot en passant sous l’aqueduc. Première à gauche, traverse de la Palud, et on a une entrée dans le parc de Fontobscure. On a ainsi relié le parc Longchamp à celui de Fontobscure en suivant du végétal en ville. Notre promenade souligne ou invente un fil de trame verte urbaine potentielle. Le parc de Fontobscure est un ancien domaine basttidaire acquis par la ville et transformé en parc à la fin des années 1970 (comme Brégante, Billoux, Maison-blanche, Château Saint-Cyr…) selon la politique de la Direction des Parcs et jardins.

Un premier crochet à gauche nous permet de voir un ancien bassin de répartition des eaux du canal, aujourd’hui en ruine. On grimpe sur la colline pour profiter du panorama sur toute la ville jusqu’à la mer et vers les collines de l’Etoile au nord qu’on espère rejoindre en prolongeant la trame verte. 

On quitte le parc vers le Nord par l’avenue Prosper-Mérimée en traversant les deux grandes pelouses intensément utilisées par les promeneurs, on fait le tour des anciens bassins, où les arbres sont tellement grands qu’on se promène à l’ombre.

Un projet de coulée verte qui n’a pas été fait, mais qui avait été formulé par Jollivet au début des années 1980: au lieu de buser le dérivation du canal Longchamp, on aurait pu en faire une ligne de parcs. 

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« Longchamp-Fontobscure, la trame verte des canopées » par Safi et Nicolas Memain – samedi 6 octobre 2018

Des allées Sénac de Meilhan au parc de Fontobscure, une traversé de Marseille pour découvrir et interroger l’héritage d’un sentier métropolitain ombragé.

Ce récit est tiré de promenades que s’inscrivent dans le programme de 5 ans du projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) qui favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.

La quête de l’ombre à Miramas

Il fait 35°C. Nous avons des bouteilles-glaçons moulées sur le crâne.

La gare est importante puisque Miramas le neuf est une ville cheminote, créée par et pour le PLM, qui arrive ici en 1848. Dans cette gare il doit y avoir 40 connections par jours avec Marseille, c’est la 3e gare TGV de la métropole, comme dit Fouchier. Depuis les quais de la gare, c’est les seuls endroits où on peut avoir un léger aperçu sur le triage, car c’est un immense plateau, une des plus grandes de France. 

La ville de Miramas est à la rencontre  deux géographies: la grande platitude de la Crau à l’Est, et les collines de l’étang de Berre à l’Ouest. 

De là, on traverse une zone en devenir, où il y a un projet de nouveau quartier autour de la gare, une future offre résidentielle métropolitaine (ilex paysagistes de Lyon). Au loin, il y a l’ancienne usine Areva. C’était une zone industrielle lourde et une zone technique de la gare assez importante. Nouveau parking aménagé de la gare, mais de part et d’autre, des délaissés. Au fond, on arrive sur le chemin de l’autodrome, qu’on suit vers l’Est, et à l’entrée des habitations d’Areva, à l’entrée du site, on passe sur le canal de Craponne (branche d’Istres), qui date du 16e siècle, et qui là est en eau. C’est le grand système de Craponne, et avant ça la Crau était réputée stérile. L’eau filait entre les pierres. C’est l’arrivée de cette eau qui fat que les melons ont bouché les trous, et on a fini par recréer de l’humus. On est passé du désert à l’oasis.

On borde un petit jardin ouvrier qui a une 20aine d’années, et derrière inaccessible les champs de foin de la Crau, avec leurs grandes haies coupe-vent dans le sens Est-Ouest. On a le droit d’utiliser le bord du canal pendant une centaine de mètres (chemin d’aygadier), on est au bord de l’eau, entre les murs arrière d’un lotissement 70 et sur les droites des haies très vivantes complètement opaques. Au bout, on voit une petite martelière de répartition.  

On quitte le bord du canal par un chemin d’écolier, à l’intérieur du lotissement du Mas-Neuf, avec des chemins piétons à l’arrière des parcelles. On enchaîne une petite série de 3 chemins d’écolier, et on quitte le lotissement pour entrer sur l’avenue Marius-Chalve, où il y a un drôle de rond-point. C’est la grosse départementale 35, par laquelle on part vers le centre-ville en profitant de l’ombre des platanes. Puis sur la droite, on prend un délaissé qui est une ancienne emprise ferroviaire de la voie de desserte de l’ancienne usine Areva. Les chemins piétons sont relativement fréquentés, traces de canaux d’irrigation. Au fond, un mur nous empêche de passer, on passe dans un trou de grillage d’une petite résidence, où on trouve une boîte à chats. 

Sur l’avenue Aristide-Briand, on est sur le terrain d’un ancien groupe HBM, qui a été rasé il y a quelques années, groupe « Miramas A », et le terrain a été laissé tel quel, il ne reste que les alignements de mûriers-platanes, plantés dans les années 1930 avec le groupe HMB, un héritage de la soierie. Par l’avenue Adrien-Mazet, on continue sous l’ombre des pins parasols, caractéristique des années 1970, où on a essayé de planté des espèces locales, mais ils ont l’inconvénient que leurs racines défoncent les chaussées. On arrive au parc de la Carraire, une espèce de pelouse abandonnée au soleil, portant la trace d’une ancienne serpentine, et un bassin abandonné avec des installations en bois qui essaient de faire de l’ombre. De l’autre côté de la rue, le parc se continue. On est au bord d’une salle polyvalente avec pas mal de figuiers, et une sente piétonne jusqu’à l’avenue Jean-Moulin, où nous trouvons de nombreuses mues de cigales sur un pin parasol.    

Sur l’avenue Jean-Moulin (départementale 10), plantée platanes 19e s. (très grands, très beaux), nous bénéficions aussi de l’ombre étroite des bâtis alignés sur la rue. Après le pont sur la voie ferrée de la côte bleue qui passe en tranché, on tourne gauche chemin de Colomb, et là en pleine ville on a une prairie d’u demi-hectare. C’est le premier champ de foin AOC de la Crau qu’on rencontre. Cette prairie de fauche en pleine ville est possible car la rente du foin est plus importante que la rente immobilière. Le champ est plat en léger dénivelé, bordé par un canal, tous les jours irrigué par une inondation. La terre est gorgée du limon gris de Durance. Il a fallu aplatir le terrain, la mettre en léger dénivelé, avoir un canal, l’entourer de haies coupe-vent (car le vent assèche l’eau), et les rendements sont tels qu’il y a jusqu’à 3 fauches par an. Diverses espèces floristiques – graminées, légumineuses… La seule AOC sur un produit agricole qui n’est pas destiné à l’alimentation humaine. 

Au fond du champ, nous longeons le canal ombragé (canal de Raoux, plutôt 19e), qui contrairement au canal de Craponne-Istres est tout en sinuosités, sur les courbes de niveau dans les collines. On passe au-dessus de la voie ferrée (PLM) et on voit le safre (calcaire très tendre) et on arrive sur le petit chemin de Chantecoucou, la bordure droite du chemin étant une dérivation du canal de Raoux étant recouvert par des dalles en béton sous lesquelles on entend l’eau chanter. C’est l’irrigation d’une petite série de jardin ouvriers qu’on imagine être des jardins cheminots. On remonte un peu le chemin de la Concorde qui longe la voie de la Côte bleue, et au fond de l’impasse de Raoux, une ancienne ferme toujours en état. Par-dessus le mur de pierre sèche, un ancien champ agricole offre l’aspect d’une pelouse caffi de divers arbres fruitiers. Du foin pour les bêtes, du fruit pour les confitures. On rejoint le canal de Raoux qu’on suit dans une séquence urbaine de 200 m. Ici le canal est étanche (cuvelé en béton) et on peut le parcourir en pleine ville. C’est la rentabilité du foin de la Crau qui fait que ce canal est toujours en ville. 

La beauté de ce canal n’est pas éternelle, on remonte la rue Louis-Blériot, entre de belles maisons individuelles 70s, au fond de quoi on trouve des terrains agricoles abandonnés mais intensément fréquentés par le grand lycée régional. On imagine que les lycéens du quartier vont au lycée à pied en entretenant ces chemins. L’arrière du lycée Jean-Cocteau, à l’architecture postmoderne très étrange inspirée des ruines des arènes de Nîmes. Entre les anciennes parcelles agricoles et les fausses ruines aux abords du lycée-théâtre qui voulait rayonner, on est dans un entre-deux non réglementé sans barrière, à l’ombre d’une jeune guarrigue.  

On s’en sort vers le nord par un accès pompier, et on arrive par le bord de l’étang de Saint-Suspi, un étang artificiel aménagé dans les années 1990. La nappe phréatique est très proche en dessous. Il est entouré de belles allées plantées. On profite de leur ombre pour pique-niquer. 

Comme il fait trop chaud, on renonce à une boucle qui devait nous emmener à l’ancienne ferme de Saint-Suspi et profiter des bosquets de pins parasols qui l’entourent, voire d’aller jusqu’au grand parc urbain « du Couvent » aménagé dans les années 1970, où l’on trouve le golf le moins cher du sud-est de la France, appartenant à l’EPAREB/EPF, réserve foncière du projet « Miramas 300 000 habitants ».  

On prend un raccourci qui nous emmène au HLM des Molières par la rue Daniel-Paul comportant deux rangées de micocouliers, de part et d’autre. Le HLM est un petit grand ensemble 60s sont les aménagements paysagers ont été réhabilités en 1991 par Alain Marguerit, qui est un des inventeurs de la réhabilitation des grands ensembles par le paysage. Rue Albert-Schweitzer, où entre les parkings et les immeubles, on suit une allée piétonne plantée de catalpas (non de paulownias). On a ici un chemin piéton à l’ombre: c’est de l’aménagement. « S’asseoir l’été à l’ombre ». Etant en ville dans des situation critique, à cet endroit-là la plantation d’arbre nous permet de passer de l’invivable au vivable. Les aménagements continuent, en cœur d’îlot, où il a recrée une butte allongée qui sert à protéger les immeubles du terrain de sport, et ça permet une promenade à l’ombre (arbres, borne-fontaine, portique-pergola avec une vigne qui a pris, des bancs, jeu d’escaliers et d’alcoves…). L’avenir de la ville, c’est la réhabilitation par la plantation du HLM des Molières.

On quitte la zone des Molières par l’avenue Jean-Mermoz, et on va jusqu’à marcher au milieu de la route pour suivre l’ombre des arbres (pins parasols et platanes). Puis on tourne à droite sur l’avenue des Anciens-Combattants, on passe derrière une station de lavage de voiture pour retrouver un canal. On est juste derrière le lycée agricole de Fontlongue (le canal sert à irriguer les terrains du lycée). Le lycée (privé) est plus que centenaire, l’enseignement du lycée se fait en partenariat avec les services techniques municipaux. Le canal est préservé pour le lycée. Dans les champs pédagogiques, on retrouve les grandes haies Est/Ouest.

Sur le boulevard de l’Olympie, vrai boulevard à bagnoles de ZA des années 70s, il y a la piscine municipale avec les cris d’enfants, puis le projet de salle omnisports, à droite. A gauche, les haies de champs de foin du lycée agricole. Au milieu de la route, un parking à l’ombre de pins parasols. Au bout de 100 m, on retombe sur le canal de Craponne. L’eau arrive, par un canal surélevé, dans un demi-tonneau en béton, 70s. Par-dessus le canal, un petit pont nous permet de récupérer le chemin de la Péronne. Par un trou dans la haie, on tombe dans un champ de foin, on fait attention à ne pas se mouiller les pieds. De là, on arrive dans l’allée de la Péronne, une vieille allée de platanes qui menait au mas de Péronne. Les platanes doivent avoir 2 siècles, on est dans un nef d’ombre. On a froid. Le chemin mène en ligne droite au mas, rénové et intégré à l’opération du village des marques. 

On passe les fouilles à l’entrée, et on découvre ce nouveau modèle de centre commercial qui est dans le pastiche régionaliste, une incroyable ville provençale factice, comportant des espaces d’ombre brumisé. Les aménagements paysagers devant le village des marques: sur la masses parkings, toutes les places de stationnement sont en dalle gazon (des grilles de béton troués de terre, dans lesquelles l’herbe pousse, et recouvre le béton – c’est aussi cela l’avenir de la ville): on garde la perméabilité du sol. Devant le village des marques, il y a une grande prairie qui se veut exemplaire qui se veut exemplaire par son économie d’eau. Certains d’entre nous se baignent dans le canal de Craponne.

On revient dans l’incroyable allée de platanes de Péronne, où un employé municipal nous explique que l’allée et les champs de foin ont été achetés et vont devenir des parkings pour l’extension du village des marques. 

De là, on rentre vers la gare, toujours en longeant le canal de Craponne, derrière le lotissement de Fontlongue. On traverse le boulevard Aubanel, lui aussi planté de pins parasols sur la berme centrale, et à l’ombre d’une grande haie de cyprès coupe-vent, on arrive dans la cité PLM.

La cité PLM est sur une grille dessinée par les ingénieurs du chemin de fer. Sur chaque îlot, on trouve 6 immeubles collectifs de 3 étages. Entre les immeubles, des haies coupe-vent pour protéger le cœur d’îlot. On aperçoit des traces des anciens lavoirs et d’étendages collectifs faits en rail de chemin de fer. On quitte la cité cheminote par le petit jardin d’enfants qui est devant l’ancien dispensaire (à l’ombre de platanes plantés à la fin des années 1940) et on rentre vers la gare par la rue Gabriel-Péri qui est très sèche, on passe devant la coopérative PLM et on arrive sur la place Jourdan où se trouve le monument aux morts de la Seconde Guerre mondiale où un cheminot musclé terrasse l’aigle du fascisme. 

Comment l’économie agricole peut créer de la nature en ville (on trouve ainsi un exemple à Bordeaux, cf. pape-Clément; cf. les exports de boues urbaines des plaines de Paris, le vieux système pré-automobile) 

Composition du paysage, trames d’occupation du sol. Type d’agriculture change les trames. Le paysage urbain garde les anciens tracés agricoles. Mutation successive des trames.  

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« La quête de l’ombre à Miramas » par Nicolas Mémain – Lundi 9 juillet 2018

 

Comme d’habitude, une boucle marchée de 12 km,
en quête d’ombre
autour et dans la chair urbaine du Miramas de 2018 :
– du lotissement cheminot
– des canaux système Craponne, un peu de ZAC de Pont-de-Bottine,
– un peu de foin de Crau AOC, l’étang et le canalet du Parc du Couvent,
– et le Village des Marques.

Ce récit est tiré de promenades que s’inscrivent dans le programme de 5 ans du projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) qui favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.

ZAC Cézanne et ZUP verte d’Encagnane

La ZUP verte d’Encagnane, la ZAC de Jas-de-Bouffan, les rives de l’Arc : cette exploration des zones de croissance d’Aix-en-Provence propose de découvrir différents motifs aixois des relations ville-nature, autour de l’échangeur A8/A51.

De l’extrémité de la gare routière, on voit les travaux du futur BHNS « Aixpress », et une grande affiche qui annonce le doublement des plantations d’arbres (« 600 arbres et 40 000 arbustes dans le trame verte de l’Aixpress »).

On part vers l’ouest sur l’avenue de l’Europe, et on traverse l’avenue Max Juvénal, une parkway des années 1960 : une route sans trottoir, uniquement pour les voitures, interdite aux piétons, mais dont la pelouse porte des « lignes de désirs » témoignant du passage de piétons. On arrive dans la ZUP d’Encagnane, et on peut marcher à l’ombre car les bâtiments sont loin des voies de circulation, avec une double rangée d’arbre. On voit des jardinières artisanales des Incroyables comestibles (face à l’épicerie du Coing, qui vient de mettre la clé sous la porte). 

On continue avenue de l’Europe, en faisant un petit détour par la bastide de la Maréschale. On voit des parterres à la française, restes de l’ancien parc de la bastide. On passe sous le pont de la voie ferrée, toujours par l’avenue de l’Europe, qui doit passer l’autoroute A51 et la passe par en dessous : c’est un point bas – il y a eu de fortes inondations, comme le 23 septembre 1993, tous les RDC avaient été inondés (images du journal de la 2 sur l’INA).    

On passe en dessous de la bastide de Jas-de-Bouffan, qui a été habitée par Paul Cézanne. Dans dans les années 1880, il partait d’ici vers le Sud-Est, comme nous, pour aller peindre sur le motif. L’avenue de l’Europe où nous nous trouvons a été décaissée pour passer sous l’autoroute : il faut donc imaginer Cézanne marchant dans le ciel, quelques mètres plus haut. Après être passés sous le pont de l’autoroute, on tourne à gauche par des petites sentes piétonnes (le chemin des Flâneurs), on aperçoit un camp de gitans, et on entre dans la ZAC de Jas-de-Bouffan.  

On traverse la ZAC par le parc Gilbert Vilers, aménagé à partir de 1978, 5 ha, les immeubles sont de plain-pied avec le parc, avec de forts mouvements de sol qui offrent des vues dégagées notamment sur la Sainte-Victoire. Un grand bassin est laissé en partie en roseaux, et le théâtre de verdure est adossé à une colline, probablement issue des remblais des fondations des immeubles. On quitte la ZAC vers le sud, on passe devant une résidence étudiante postmoderne avec un incroyable jardin méditerranéen (résidence La Verdière, années 1990), 3 corps de bâtiments en U avec un jardin intérieur, qui est le toit de bureaux en sous-sol. On traverse une petite bastide en sortant, on emprunte un petit escalier qui témoigne des anciens jardins. 

La route de Valcros va nous permettre de quitter la ZAC et la ville. Passé le pont sur l’autoroute A8, on apprécie le front urbain net entre la ville et la campagne. La route de Valcros traverse en zigzaguant ce qui reste de campagne aixoise. Toutes les propriétés sont cachées dans des terrains clôturés. La bastide de la Constance est reconvertie en centre équestre. C’est là qu’on commence à voir les premiers champs de blé. Le blé de la campagne aixoise est très réputé, c’est un blé dur très riche en protéine, qui sert à faire tourner les semouleries marseillaises. Dans cette campagne proche de la ville, l’activité est si rentable qu’elle arrive à concurrencer le marché immobilier.

Le blé est vert et en épis.

La route va faire un grand virage à droite puis à gauche, pour passer sur le ruisseau de la Thumine. Le vallon est très prononcé, les versants du vallon sont boisés. On devine de très belles propriété avec tennis et piscine, murs de sécurité, caméra, panneaux « Interdit aux promeneurs ». Les voitures sont rares mais roulent vite dans cette toute étroite. On prend à droite un petit chemin agricole classé dans le domaine public, pour pique-niquer à 100 m de la route, à l’ombre d’un chêne blanc. Au loin, on voit la ligne du massif de l’Etoile, et la cheminée de Gardanne. 

On reprend la route de Valcros et au numéro 1907 on a fait un petit détour par des chemins agricoles où l’on voit une ancienne bastide qui est en train d’être reconvertie en logements. Devant la bastide, de gros platanes, et une allée plantée de jeunes arbres. Au bout de la rue de Valcros, on passe sous la voie ferrée d’Aix à Rognac, où autrefois il y avait des départs de chemin qui sont aujourd’hui fermés. On est à l’extrémité de la ZAC de la Constance qui propose de recréer depuis ici des continuités modes doux.

Sur la droite, une maison abandonnée, on comprend que c’était une exploitation agricole car des escaliers montent directement au premier étage, le RDC étant consacré à l’exploitation – une histoire de la campagne qui mute en ville, doucement. 

A partir du rond-point, on est dans la zone commerciale de la Pioline. L’ancien chemin de la Pioline est une deux fois deux voies. Un bâtiment commercial est entouré d’une nappe de parkings. Un restaurant présente vers la route une terrasse ombragée de parasols, qui ne nous autorise pas à boire un café. Sur la gauche, il y a une belle rangée de pins. Tout de suite, le terrain descend vers la rivière de l’Arc. On poursuit la promenade jusqu’au point de la Pioline sur l’Arc, ce qui permet de voir l’exutoire de la station des eaux usées. La moitié du débit du plus grand fleuve côtier des Bouches du Rhône est constituée des effluents des eaux usées d’Aix en Provence. 

On revient sur nos pas pour passer de l’autre côté de la voie ferrée dans les collines des domaines de la Constance et de Bellevue. Les versants de la colline sont en pinède, les deux premiers plateaux qu’on croise sont en oliveraie, et on se repère aux pylônes d’une ligne à haute tension. On traverse sans chemin tracé des campagnes abandonnées depuis une dizaine d’années, car les terrains sont gelés pour le projet de ZAC de la Constance. Ces campagnes ont été arpentées par Cézanne, et c’est de là qu’il a dégagé ses vues sur la Sainte-Victoire. A partir de l’analyse des photos aériennes anciennes, on arrive à savoir où étaient les restanques, ce qui était en vigne, en blé et en olivier. La pinède, mal entretenue, avec les arbres tombés au sol, on se demande s’ils sont tombés avec les dernières chutes de neige en 2009, ou bien suite à la grande tempête de 1999. 

Le projet de ZAC a été gagné par Christian Devillers en 2016 ou 2017. Les grandes lignes du projet, c’est, dans l’axe Nord-Sud, de conserver la Thumine et un de ses petits affluents, en soulignant avec avec des passerelles en hauteur ses ravins existants, transformés en parc paysager, vont servir de bassin d’orage. Dans dans le sens Est-Ouest, la composition est structurée par de grands axes vides qui pointent sur la Sainte Victoire, pour recréer les tableaux de Cézanne. 

Pour sortir de ces campagnes abandonnées, il a fallu rouvrir un chemin pour franchir le ravin de pas de Goule par un pontet envahi de mauvaises herbes. On arrive au golf d’Aix, où des gens puttent vers la Sainte-Victoire sous un ciel blanc. Au loin dans le virage, un petit bidonville de roms est toléré là par la ville. Avant le bidonville, on pique à droite dans les déblais du chantier de la future Smac (salle de musiques actuelles). En quittant le chantier, on passe dans la zone d’entrepôt des futurs abribus du bus Aixpress. On arrive chemin des Aubépines, on passe dans la résidences Les Hameaux de Martelly (relogement pour les gens du voyage). On entend les coqs. Les arrières de la résidence servent de bassin d’orage. Le chemin des Aubépines passe sous l’autoroute A8, on voit la fondation Vasarély qu’on longe par le chemin des Flâneurs. On tourne à droite sous les voies ferrées dans ce no mans land entre le rail et l’autoroute, où se loge encore un bidonville. Une passerelle sur l’autoroute A51 nous permet de rentrer dans la ZUP d’Encagnane. 

Dessin : Benoît Guillaume

Cette ZUP fin 60s début 70s dessinée par l’urbaniste Raymond Lopez avec dès le départ une volonté d’îlot ouvert plantés à l’intérieur et entourés de voies avec alignements d’arbre. Les documents d’époque nous disent que 40 000 m3 de terre végétale décapées avant la construction ont été conservées et remises en place pour les plantations. La liste des essences d’arbres est la suivante : cèdres bleues, pins noirs d’Autriche, pins parasol, cyprès bleus, cyprès verts, sapins, platanes, tilleuls, acacias besson, peupliers pyramidaux, saules concorta et catalpas. 5000 arbres qui ont aujourd’hui en moyenne 50 ans et sont tous à maturité. C’est une vraie ZUP verte. La traversée d’Encagnane va se faire par un grand détour. On suit d’abord la longue promenade parallèle à l’autoroute derrière le mur antibruit – jeux de boules, aire de jeux pour enfants, cour d’école. Au carrefour de l’A8 et de l’A51, la vie est rendue possible par cette promenade en longueur protégée des nuisances. Après un premier petit jardin partagé qui règle des problèmes de bas d’immeuble, on trouve une fontaine abandonnée puis on suit l’ancienne allée d’arbres de la bastide d’Encagnane (arbres plus que centenaire) et on atteint à l’extrémité sud de la ZUP le jardin partagé de Lou Grillet. On apprécie comment la rénovation de la ZUP se fait avec des jardinières, des plantations et le respect de plantation existantes. On traverse la ZUP, rue Camus on passe par des arrières d’immeubles frais et en arbres. Avenue du 8 mai, on voit des jardinières partagées. Rue des Frères-Vallon, les pins plantés devant les barres d’immeubles R+4 arrivent à maturité, tous les balcons sont dans la canopée des pins dont les troncs s’inclinent, pour s’éloigner des bâtiments et occuper le volume de la rue. 

On quitte la ZUP par la grande place du Marché. Là encore, des projets de fontaines aujourd’hui à sec. Les arbres souffrent du marché et de son nettoyage. On reprend l’avenue de l’Europe en faisant un petit détour par le parterre du Pasino, pelouse rase et puis en topiaire : on apprécie le contraste extrême avec tout ce qu’on a vu depuis ce matin.  

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« La ZUP verte d’Encagnane » par Nicolas Mémain – Dimanche 3 juin 2018 
La ZUP verte d’Encagnane, la ZAC de Jas-de-Bouffan, les rives de l’Arc : cette exploration des zones de croissance d’Aix-en-Provence propose de découvrir différents motifs aixois des relations ville-nature, autour de l’échangeur A8/A51.

Ce récit est tiré de promenades que s’inscrivent dans le programme de 5 ans du projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) qui favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.

Trame verte pratiquée #3

C’était juste avant. C’était le samedi juste avant. On était là. On faisait bisou du pied.

On prenait le bus et Stéphane faisait rire tout le monde, surtout le chauffeur. On était arrivés en haut. Aux Pennes-Mirabeau, en prenant le bus 89 jusqu’à l’arrêt les Tabors. Début de la trame verte.SAFI nous invitait à explorer un potentiel couloir écologique nord.Il y a deux massifs au nord de Marseille : La Nerthe et l’Etoile. Mais pas de vraie connexion entre ces deux espaces naturels. A proximité une autre ligne de force traverse le paysage, le fleuve des Aygalades.L’enjeu de cette « trame verte » est de relier ces trois «objets» de paysage en imaginant un couloir qui contourne l’urbain et permette aux êtres qui le voudraient de circuler. Nous cheminerons à partir d’une carte réalisé, par Noé Chassage du Service Environnement de la Ville de Marseille, comme une hypothèse de trame verte.La stratégie a été de quadriller le territoire, chaque carré se voyant attribuer des points pour ses qualités (surfaces perméables, quantité de biodiversité…), et de relier les mieux notés pour dessiner une trame verte. Construite à partir de données, le tracé n’a encore jamais été expérimenté en réel. SAFI nous propose pour mission de pratiquer cette trame verte et d’en explorer les conditions de passage.En mettant nos pieds dans cette carte et en suivant les pollens, ils nous invite à explorer l’incarnation de cet aménagement, ses potentiels, ses fluidités et ses empêchements dans nos villes et pour le vivant.Ensemble, allons pister les pollens !

Des poussières éclaireuses.

Issu du Grenelle de l’Environnement, la trame verte est l’ambition d’une circulation du vivant, qui, en de reliant des îlots de nature, permet à chacun d’accomplir son cycle de vie.

Ici, impossible d’aller tout droit, d’un massif à un autre, il faut composer avec des réalités foncières, écologiques, géographiques, sociales, politiques. C’est une serpentine qui se dessine en zigzaguant entre les réalités. Le pollen, invisible à l’oeil nu nous oblige à lire sa présence, et parce qu’il est en lien avec de nombreuses espèces, révèle des circulations et des interactions à l’oeuvre dans la trame verte. Suivre les pollens nous invite donc à lire le paysage et à le décrypter.

Un véhicule qui ne se déplace pas tout seul.

C’est dans le cadre de la fécondation que ça joue, les pollens.

Les plantes sont fixes et ont besoin du voyage du pollen pour qu’il y est rencontre avec un autre. Ce voyage contribue au brassage génétique des végétaux et offre aux plantes la capacité d’évoluer et de s’adapter aux changements environnementaux. Il existe des formes de reproductions non sexuées qui favorisent une extension rapide, mais génèrent des clones où la faible diversité des individus entraîne une mortalité accrue.

Les pollens sont donc chargés du transport des gamètes mâles jusqu’à l’ovule, partie femelle de la plante. Les plantes ont dû inventer des stratégies pour ce transport, certaines l’ont confié au vent et d’autre aux animaux ( notamment aux insectes).

20 % des plantes ont confiées leur pollen au vent (anémophiles).

Cette pollinisation du hasard, oblige les plantes à émettre mille fois plus de pollen. C’est une stratégie fréquente dans les pays froids où les arbres perdent leurs feuilles en hiver, ce qui facilite la circulation de l’air, mais cela provoque un risque d’auto-pollinisation très important. Aussi, la plupart des plantes anémophile ont des fleurs à sexes séparés. C’est le cas des conifères (pin…) de beaucoup de graminées (blé), des chénopodiacées (les épinards) et des polygonacées (l’oseille)

80 % des plantes confient leur pollen aux insectes (entomophiles)

Cet échange, précis et orienté se fonde autour d’un pacte : fécondation contre nourriture. Il est issu d’un processus de co-évolution. L’apparition d’odeurs, de formes, de couleurs et la fabrication de nectar chez les plantes s’est déroulé en même temps que l’évolution de la perception et des adaptations morphologiques chez les insectes.

Des balises pour que les insectes trouvent leur chemin.

Une plante est attractive pour un insecte, lorsque sa fleur contient du nectar ou du pollen abondant, nutritif ou appétissant. En prélevant sa nourriture, l’animal récolte le pollen situé sur les étamines (les parties mâles de la fleur) et le dépose sur une autre plante lors de son butinage, le pollen féconde ainsi l’ovule qui se développe pour devenir graine, à maturité elle aura aussi un voyage à faire, mais c’est une autre histoire. Bien visibles, odorantes, nectarifères, les fleurs ont souvent des couleurs attractives et des stries pour guider les pollinisateurs vers les organes à visiter et des formes adaptées aux pièces buccales des insectes. La fleur peut avoir un rôle clé dans la circulation des insectes; soit elle attire les insectes de manière massive et permet au passage la pollinisation d’espèces moins attractives ou, au contraire,  elle capte tous les insectes disponibles et diminue les chances des plantes moins attractives. Ce qui peut être le cas d’une plante nouvellement introduite.

Beaucoup de plantes ont des organes mâles et femelles dans la même fleur (amandier, chou sauvage…). Pour éviter de s’auto-féconder (autogamie), elles ont mis au point des systèmes qui évitent le contact entre les pièces mâles et femelles d’une même fleur, comme la maturation des pièces sexuelles étalée sur des périodes différentes (protandrie) ou une disposition étagée des organes reproducteurs (hétérostylie). Certaines plantes ont des fleurs uniquement femelles et des fleurs uniquement mâles sur la même plante. (noisetier, chêne, concombre sauvage…).D’autres plantes sont divisées en 2 pieds : un pied à fleurs mâles, et un pied à fleurs femelles et sont physiquement séparés (saule, silène, houblon, if…). La trame verte, c’est aussi ça.

Être plus connecté à son environnement, et capable de mieux s’adapter.

Des fictions corporelles.

Plonger, petites loupes botaniques à la main dans une communauté d’Erodium à petites fleurs violettes. Cette plante, de la famille des géraniums, laisse apparaître au centre de la fleur, une sorte de trompe trompe, en fait, le pistil qui mène à l’ovule, et de minuscule marteaux flexibles, les étamines qui portent le pollen,  une anatomie complexe et séduisante pour qui sait la lire.

Ici, à l’ombre d’un bosquets des plantes plus odorantes que ostentatoires, dans ces milieux sombres les insectes pollinisateurs passent moins, les plantes ont donc misées sur les odeurs pour les attirer de loin.

Là, un trou à la base de la corolle indique qu’un insecte n’a pas honoré le pacte, en passant par l’extérieur de la fleur il a subtilisé le nectar sans passer par la pollinisation.

Lunettes à filtre UV, plongés dans l’univers coloré des insectes, tout se modifie. l’urbain s’éteint, la roche s’éteint, tout de ce qui fait d’habitude attraction pour nous humain s’éteint. Alors les corolles des fleurs s’allume, deviennent fluorescentes, elles deviennent nos balises, notre obsession.

Petit à petit, sens en éveillent, nous devenons insectes, fleurs, vent, odeurs…

Un chemin qui nous rattrape.

Le chemin se ferme, le terrain qui faisait jonction se clôt, son nouveau propriétaire nous indique la route du contournement. Le passage dans la cité de la Castellane se complique et impose un détour par l’autre réalité qu’est Grand Littoral. Long couloir stérile, effluves chimiques, sol brûlant, absence de nectar, absence de partenaires, absence de repos, l’insecte que nous somme déplie ses jambes pour franchir ( et fuir ?)  les obstacles. Ici et là, en pas japonais, de petite taches vertes de pelouse (est-ce encore un habitat ?) descendent doucement vers la ville qui se fait plus « verte » .Cela nous laisse envisager des possibles. Par un trou du grillage, traversant le cimetière, nous plongeons vers le ruisseau des Aygalades où rencontrons la trame bleu, encore un chemin, celui des rivières ouvre les portes de la Méditerranée. Relier deux massifs à la Méditerranée est donc possible, mais plus facile pour certaines espèce que pour d’autres, une ligne d’équité est encore à dessiner.Le bus 30 nous ramène vers le centre-ville. Reprenant nos perceptions d’être humains, qui allait dans quelques jours, on ne s’en doutait pas, être capturé par un tout autre invisible et allait nous tenir à distance de ces couloirs du nord et de ces trajectoires entrelacées.

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Trame verte pratiquée #3 –  Samedi 14 mars 2020

Le déplacement des espèces

 

À partir d’une hypothèse cartographique, ce troisième volet nous invite à tester une possible trame verte à Marseille. Suivant les flux écologiques, les déplacements des graines, des pollens, des insectes… Nous tentons d’explorer une jonction qui relie les massifs de la Nerthe et de l’Etoile.

 

Cette promenade proposée par SAFI s’inscrit dans un programme de 5 ans du projet Nature 4 City Life (2017-2022) qui veut favoriser une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique. En partenariat avec Yes We Camp dans le cadre du projet Foresta, parc métropolitain.

Bouclette à Sainte-Marthe

Le portail, la Mauve et la biodiversité

C’est face à un portail que la balade d’aujourd’hui commence. Pas n’importe quel portail, celui de la ferme de la Tour des Pins, là juste à côté du boulevard. On commence à deviner la complexité de cet espace. Le bus nous dépose dans un contexte très urbain, immeubles et routes, béton, panneaux, travaux, et puis quelques pas plus loin, se dessinent les traverses – il y a là la traverse Cade, en cours de réaménagement, pour la circulation ici dans le quartier, la traverse de la Croix qui est un chemin de broussailles et d’Acanthes – par endroits les Figuiers débordent au dessus des vieux murs de pierre.

On s’arrête ici quelques instants, ça ressemble à un bon endroit pour commencer à parler de la biodiversité dans la ville. De part et d’autre du portail ça pousse, des deux côtés on a la Mauve que l’on retrouve presque partout ici à Marseille, avec son air bravache de plante qui aime s’installer dans les talus, les pieds d’arbres, les vagues parkings ; elle voudrait que ce soit partout un peu la campagne. Mais nous, on ne l’accepte pas forcément… alors on va essayer aujourd’hui d’observer et de comprendre la présence de la nature autour de nous.

Pour commencer, la biodiversité, qu’est-ce que c’est au juste ? On peut dire, c’est l’ensemble du vivant, donc les plantes, les animaux, tous les insectes ; ce qu’on aime, les beaux grands arbres et les fleurs, mais aussi ce qui nous plait moins, ceux et celles que l’on dit invasifs, nuisibles : mauvaises herbes, pucerons ou limaces… C’est ce qu’on voit, ce qui nous est invisible. Mais encore, la biodiversité, c’est aussi l’habitat : la terre, les types de sols, l’eau, le vent, le soleil, et puis, l’ensemble des interactions que les espèces ont entre elles et avec cet habitat… Autour de nous, elles ont besoin de vivre, se nourrir, se reproduire et pour cela de se déplacer. La biodiversité, c’est une grande chose.

Alors, avec notre portail ici à Sainte-Marthe, où en est-on de tout cela ?

On se rend compte, d’abord, qu’il y a en ville une grande fragmentation des espaces : ici une autoroute, ici une résidence, là une ferme, un parking, un jardin composé, une friche. L’espace urbain est séparé en poches, qui ont des caractéristiques et usages très différents, et entre lesquelles passent routes, murs et trottoirs. Ce passage, justement, c’est une question très importante qui va nous revenir à l’esprit plusieurs fois aujourd’hui, guider notre cheminement à la recherche de celui des plantes. Il y a la fragmentation et le passage…

Devant le portail, un premier passage : on parle du vent et de la pollinisation, celle du Pin par exemple, dont les graines s’envolent pour voyager et prendre vie ailleurs. Ici nous leur avons laissé la place, entre les grilles, par-dessus le mur ou dans les replis de ses pierres, on les laisse circuler et on les accueille. Mais ce que l’on voit aussi, c’est une nature comme enserrée, elle est dedans derrière la grille, et autour il y a le reste, la ville, nos activités à nous. On a mis une route, des murs, on aménage, et ce sont des gestes qui ont un impact sur la biodiversité. Parfois une menace, on ne laisse plus traverser. Au bord de la route un effort, on a créé une continuité entre elle et le terre-plein planté de nombreuses espèces, avec un paillage naturel… Ce que l’on voudrait faire, c’est favoriser, intégrer, et pour cela, observer encore un peu…

La ferme, la prairie et la ville

Nous voilà entrés dans la ferme et on chemine. C’est le domaine bastidaire, le terradou, où l’on habitait et où l’on cultivait. Aujourd’hui, ça change… mais ces années d’activité ont produit un sol d’une grande richesse, et il en reste une partie préservée. Sur ce territoire, une mosaïque de paysages : culture et pâture, prairie refuge des insectes, sous-bois, ou encore habitat. On découvre leur complémentarité.

On commence aux abords de la ferme, c’est un espace aménagé (avec les moyens du bord !), que l’on parcourt sur un chemin entre les enclos, où l’on croise les chèvres, les brebis, les vaches. Parce qu’ici est demeuré une exploitation agricole, on fait du fromage. Ça ne fonctionne pas tout à fait comme autrefois, on habite moins, cela tient plutôt lieu d’un geste de résistance, et aussi d’apprentissage. La société a changé et l’agriculture s’est éloignée de la ville, ou agrandie, industrialisée. Alors ici, malgré l’extension urbaine, on expérimente, on se demande s’il est possible de maintenir ou même de faire revenir une agriculture de proximité, là presque au cœur de la ville. La ferme de la Tour des Pins est aussi un lieu pédagogique, d’éducation à l’environnent par des animateurs.

Nous avons un premier milieu, qui est la partie cultivée. Ici le végétal rend service, remplit un rôle pour les hommes, les animaux mangent les herbes et les fleurs, et on fait le fromage.

On poursuit notre marche et on se dirige sous les arbres là-bas un peu plus loin. Le paysage change, tout est plus touffu et les herbes hautes et sauvages, un petit ruisseau passe par là, nous pataugeons juste un peu et sommes heureux d’être là, on ramasse une plume avec un liseré bleu, c’est une plume de pie. Ici c’est une autre gestion, ce n’est pas cultivé et la nature est laissée à elle-même. Les herbes hautes sont un refuge pour les insectes, qui viennent y pondre et se nourrir, les arbres mêlés pour les oiseaux. On apprend qu’ainsi, en n’intervenant pas, on laisse aux végétaux le temps d’accomplir un cycle entier, ils grandissent, font des fleurs et des fruits, qui servent de nourriture aux insectes et oiseaux (les bonnes prunes), avant de tomber à terre et de venir fertiliser le sol. Lorsque le végétal meurt, il poursuit son rôle pour la biodiversité, ce sont les cycles naturels. On observe donc, à cet endroit, beaucoup plus de la vie grouillante de la nature que ce n’était le cas un peu plus tôt, où le végétal était l’aliment des mammifères de la ferme. On observe aussi une plus grande diversité des plantes elles-mêmes. C’est un fouillis heureux, derrière l’ ‟abandon”, la vie…

La tèse, l’ombre et le jardinier

Dans notre mosaïque, il y a également un autre lieu : c’est la tèse, ce petit chemin entre les arbres, aux allures de sous-bois frais et humide, ombragé, avec sa glissée d’eau, cascade aménagée aux airs sauvages. La température est descendue et on sent l’humus, c’est un autre type d’espace de la biodiversité.

Mais ici, l’homme est intervenu, avec son bon sens et sa connaissance, c’est le jardinier, qui sait ménager des espaces nécessaires de fraicheur dans une région au climat parfois trop chaud et sec : il sait utiliser les végétaux et apporter l’eau, pour créer un micro-climat agréable à l’homme mais pas seulement, les insectes eux aussi viennent se mettre au frais ici, c’est un des micro-habitats que nous observons aujourd’hui !

Cela nous permet d’introduire la question du réchauffement climatique, de la nécessité de penser autrement les espaces que nous aménageons. Dans la balade, nous passons aussi sous un grand soleil qui brûle les herbes, et plus tard, sur la route d’asphalte, où les températures grimpent très rapidement et rendent le lieu moins hospitalier, aux hommes comme aux plantes et aux insectes. Apprendre à jardiner l’ombre…

La bastide, le Platane et le jardin d’acclimatation

Plus loin, nous arrivons aux abords de la bastide. Si elle n’est plus vraiment un lieu d’habitat agricole comme elle a pu l’être autrefois. Nous trouvons ici l’occasion d’une discussion qui commence avec le souvenir d’un platane… Ceux qui donnaient un peu d’ombre à ce terrain ne sont plus, semble-t-il en raison du chancre coloré qui les a emportés, comme de nombreux arbres de cette espèce… Cette maladie des platanes, apportée avec les caisses de munition des États-Unis lors de la Deuxième Guerre mondiale, nous a donné une leçon : celle du besoin d’acclimatation des plantes. 

Les platanes américains s’étaient de l’autre côté de l’Atlantique habitués au chancre coloré et n’en souffraient plus, mais cela a été fatal aux nôtres qui ne le connaissaient pas… C’est un phénomène que l’on retrouve en d’autres endroits aujourd’hui, et où notre manière de jardiner et d’aménager reproduit des erreurs dont nous connaissons pourtant les finalités. Les plantes des jardineries par exemple sont souvent importées, et plantées dans nos jardins sans un temps nécessaire d’acclimatation ; elles y développent des maladies. Une des manières qu’ont les plantes de se protéger sont les tanins, une amertume des feuilles qui les défend contre certains insectes. On se rend ainsi compte du sens du jardin d’acclimatation, et du besoin que nous avons de mieux gérer la temporalité des implantations des espèces.

Cette histoire de temps et d’adaptation, c’est aussi celle du soleil et des conditions difficiles. Le Chêne vert, qui résiste à la forte chaleur, grimpe plus haut dans la colline, et il offre un couvert végétal même avec très peu d’eau ; le tilleul aux larges feuilles qui transpirent, offre une ombre fraîche, très bonne pour nous et les insectes, et lui aussi sait s’adapter : s’il n’y a pas assez d’eau, les feuilles deviennent plus petites et se couvrent de poils blancs qui retiennent l’humidité. Face à la rapidité du changement climatique, qui est aujourd’hui une menace, le temps qu’ont pris les plantes à s’adapter à un milieu difficile est un atout pour nous et pour la biodiversité, et nous devons y porter attention.

Le Cyprès, le bassin et la connaissance

Non loin de là, le Cyprès chauve, qui a lui aussi une histoire à nous transmettre. Pour sa part il est plutôt adapté aux milieux très humides, on le trouve par exemple dans les bayous de Louisiane, étrange donc de le rencontrer ici… mais pas tout à fait ! Sa manière à lui de faire avec son milieu (les pieds dans l’eau), est d’avoir développé des pneumatophores, racines qui ressortent de terre pour permettre à l’arbre de respirer même dans un terrain inondé. 

Pourquoi il se sent bien ici… ? En bas de la pente, il bénéficie des fuites du bassin de rétention des eaux du Verdon situé un peu plus haut ! Ces petits dysfonctionnements sont en fait une bénédiction pour la flore qui s’en trouve irriguée. Donc les réparer oui, mais pas trop, puisqu’aussi la présence de ce Cyprès, dont les feuilles tombent et ainsi nourrissent le sol, est un atout. 

Ce cyprès fut un jour installé là par un jardinier malin et plein de savoir, et ce mélange d’action humaine et de laisser faire, de maitrise et de naturel, donne plutôt de bons résultats.

Se dessine alors l’importance de la connaissance que nous avons de la nature, des espèces avec qui nous vivons, de leur fonctionnement. Cette question de nos manques de connaissances reviendra régulièrement dans les conversations d’aujourd’hui, chacun reconnaissant que pour prendre soin de la nature, mieux nous inscrire dans ses cycles et éviter les erreurs (comme celle de couper les pneumatophores !), il est bon d’apprendre.

Le chercheur, l’apprenti et le désherbage

Cheminant, nous arrivons au Parc Urbain des Papillons, autre exemple de gestion de la nature en ville et autre pièce de la mosaïque. Ici, l’ambiance est à la friche douce… Il s’agit d’un lieu de recherche observé par le LPED, dans le cadre d’études sur la nature en ville, et mis en travail par les élèves du lycée agricole des calanques, futurs jardiniers de nos villes. On travaille ici sur les réservoirs biologiques, et on apprend à jardiner autrement.

L’un des constats de ces études est que plus on va vers le cœur de la ville, moins les espèces présentes sont différentes : on y trouve des plantes généralistes, pas forcément méditerranéennes, et la diversité est bien moindre que là où la nature se régule elle-même. Cette sélection sur les espèces végétales impacte la présence des insectes : là aussi leur diversité diminue. Aussi on Parc Urbain des Papillons, on travaille à améliorer cette diversité, dont le papillon est un bon indice. Il s’agit de comprendre quelle plante permet à une espèce de venir s’installer (habiter, se nourrir et nourrir sa chenille). 

Dans un souci esthétique, certaines espèces sont dénigrées dans les jardins, publics ou privés, au profit d’autres qui n’attirent pas forcément les espèces méditerranéennes ; choix des espèces par goût, et désherbage de ce qui dépasse et ne plait pas… Ici en revanche il s’agit de comprendre quels gestes favorisent la biodiversité. Le désherbage est tout un art et un apprentissage, il se fait à la main, la machine ayant tendance à labourer les sols et tuer la vie. Mais pour bien désherber il est nécessaire de savoir reconnaitre les plantes et leur utilité à chacune… la connaissance encore.

Le parc est composé de parcelles : certaines sont des espaces réserves auxquels on ne touche pas, où on laisse le naturel évoluer. Ainsi, le liseron a disparu et des pruniers ont grandi. D’autres parcelles sont plantées, même s’il y a une intervention très légère : le Baguenaudier a été planté, qui attire une sorte spécifique de papillon, le Fenouil (qui attire le Machaon du fenouil), la Lavande, l’Immortelle, l’Arbousier (qui attire le Pacha à deux queues)… Ainsi les espèces de papillons présentes sont déjà passées de 24 à 36 !

Le talus, l’abandon et le potager

À propos de plantes sauvages… Nous prenons le temps de nous arrêter sur un talus. On retrouve ici dans toute leur vigueur ces fameuses indésirables, herbes folles méconnues, coriaces, qui s’installent où ne voudrait pas. Elles profitent d’un terrain en attente d’aménagement, d’un coin de friche, et y profilèrent. On trouve que cela fait abandonné, pas entretenu, et on voudrait désherber… Non ! Derrière cette impression d’abandon encore une fois, c’est la grande vie, et cela regorge d’astuces pour la biodiversité (chenilles et papillons, les guêpes y virevoltent, trouvent ici la cellulose des feuilles pour faire leur nid), pour nos papilles, et même pour le changement climatique.

On continue d’apprendre que toutes nos plantes cultivées ont des ancêtres sauvages présents ici que l’on peut aujourd’hui encore déguster. Alors petite cueillette et dégustation, cours en plein air de cuisine sauvage. On croise et on explique : la Calament nepeta (qui se ramasse sur le chemin et qu’on goûtera en tisane), la Chicorée, la Mauve où tout se mange du fruit aux feuilles, la Roquette sauvage du trottoir, piquante et amère, le Rumex ancêtre de l’épinard, Beta maritima d’où vient la betterave (par sélection des tiges les plus rouges) et les bettes (ses feuilles), le Chardon ancêtre de l’artichaut, le bon Fenouil sauvage… Comme un savoir oublié avec lequel nous sommes très heureux de renouer, il aura suffit de quelques explications et déjà germent les idées de potager sauvage.

Ce qu’on apprend aussi, c’est que ces espèces délicieuses ont pris l’habitude de s’installer dans des espaces difficiles, sur une terre sèche en plein soleil, en pente… et que si elles sont dites envahissantes, elles sont aussi très résistantes, et peuvent nous être utiles à adapter notre environnement au changement climatique, favoriser la vie des insectes et des sols dans des conditions moins favorables, et finalement penser autrement la nature en ville.

Le Buis, la pouzzolane et la diversité

Presque au terme de notre balade, on se dirige vers le quartier Mirabilis, là haut où on commence à voir la colline. Urbanisé récemment, l’endroit fait encore bien propre et neuf, avec son jardin très contemporain : espèces choisies plus ou moins exotiques et en un nombre assez réduit, bien délimitées les unes des autres, et un sol recouvert de pouzzolane (roche volcanique utilisée en paillage dans les massifs d’arbustes pour éviter la pousse des herbes indésirables, qui de plus renvoie la chaleur et fait grimper la température !). Au milieu passe un chemin bien net, puis la route d’asphalte. En somme, une sorte de contre-exemple de ce que nous avons rencontré un peu plus tôt ?

Un petit inventaire, on trouve notamment ici  beaucoup de Buis déjà attaqué par la fameuse pyrale qui en dévore les feuilles et provoque de gros dégâts,  la Sauge d’Afghanistan ou la Verveine de Buenos aires. Beaucoup de plantes que l’on ne croise pas dans ce cadre méditerranéen normalement. On voit ici la maitrise humaine, et des espèces choisies par goût et esthétique, un arrangement qui facilite un entretien rapide. Mais dans cette volonté de maîtrise, on décèle aussi précipitation et erreur, avec des plantations qui ne tiendront pas et déjà se dégradent, par défaut de connaissance. C’est le cas de ce pauvre buis, et plus tôt dans la balade peut-être de ces jeunes arbres plantés trop proches les uns des autres.

C’est aussi le calme du côté des insectes, et on observe seulement une sorte d’abeilles, car une seule fleur est présente (la petite fleur bleue de la Verveine). Il n’y a pas de possibilité pour d’autres espèces d’insectes de se trouver bien ici, par exemple l’abeille sauvage du Genet de la colline, qui ne trouve pas ici son alimentation. Alors avec les leçons que nous donnent les plantes sur leurs cycles, leurs modes de reproduction, on se dit que l’on pourrait faire autrement… mêler le planté et le non planté, ce qu’on aime et les plantes spontanées à qui laisser une place.

Le trottoir, le Coquelicot et nous

Retour à la Mauve, ou au Coquelicot ou à toutes les autres, mais pourquoi pas le Coquelicot, assez emblématique puisqu’il transporte sa beauté fragile au bord des routes, le long des murs, dans les failles des trottoirs, pour notre grand plaisir. Ces fameux trottoirs qui se fendillent, se fissurent, entre lesquels ressurgissent les herbes qu’on avait privées d’habitat, et de passage. 

On se raconte des histoires de voyage… de papillons qui traversent la Méditerranée ou d’habitants qui traversent la rue, de Coquelicots qui voyagent, eux aussi, dans la ville. Car c’est ainsi que se déplacent les plantes, en suivant tout simplement les mêmes itinéraires que les nôtres. Parmi nous circulent les graines prises dans le vent, qui se frayent un chemin dans les espaces disponibles, grandissent, et au fil des générations repartent dans le vent s’installer ailleurs.

Nous nous rendons compte aujourd’hui que nous partageons cet espace commun de la ville, et comprenons la nécessité de changer notre regard et nos pratiques.

Dans notre trottoir on trouve Lactuca perennis, une laitue, le Laiteron maraicher, longtemps vendu sur les marchés, on en faisait des salades, ou encore Dittrichia viscosa (l’Inule visqueuse), qui a l’avantage de fleurir après les autres et de nourrir les papillons… Aux pieds des arbres, les plantes sauvages les aident à rester au frais, et les insectes trouvent là du nectar pour polliniser l’arbre qui pourra continuer à faire ses graines. 

Ce qui ressemble à un manque d’entretien remplit un rôle dans la biodiversité, à nous aussi de changer de regard, comme le propose audacieusement une participante tout en avouant son aversion pour les herbes folles qui poussent dans sa traverse… A nous de jouer! 

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Récit de Carole Lazarus à partir d’une bouclette guidée par SAFI à Sainte-Marthe le 15 juin 2019

Cette promenade s’inscrit dans un programme de 5 ans du projet Nature 4 City Life (2017-2022) qui veut favoriser une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique. En partenariat avec Yes We Camp dans le cadre du projet Foresta, parc métropolitain.

Balade du Capri Sun – Opération Plastic Valley

Je marche le long du ruisseau Caravelle-Aygalades, sur le bord du fossé, je pousse du pied un sachet argenté, brillant comme un diamant. Je le retourne, il me sourit. C’est un sachet de CAPRI SUN tropical cruch, la boisson à la mode, déchet omniprésent de ma rivière préférée. 

Cette marche de Septèmes-Les-Vallons à Marseille invite à découvrir le ruisseau des Aygalades dans le contexte particulier d’une journée de ramassage citoyen des déchets du ruisseau (Calanques propres coordonnée par l’association Mer-Terre).

Plusieurs points de ramassage le long du fleuve côtier ont ainsi été ainsi organisés par diverses associations récemment regroupées en collectif, le collectif des Gammares, pour mener ensemble avec conviction mais aussi avec humour L’Opération Plastic Valley

La balade du Capri Sun relie ainsi les points de collectes de déchets, permet de faire des rencontres et propose de raconter cette action de mobilisation autour du devenir du Ruisseau des Aygalades/Caravelle.

L’action collective

Nous menons cette promenade dans une démarche de dynamique collective.

La situation du ruisseau des Aygalades/Caravelle, très dégradé dans son fonctionnement écologique mais aussi dans les représentations que l’on s’en fait (il est souvent perçu comme inexistant, comme un égout ou au mieux comme un cours d’eau sans véritable fonction) nécessite à la fois de retrouver de la connaissance (pour comprendre ce qu’il est) et de l’imaginaire (pour se motiver à agir).

Nous avons pour cela préparé quelques outils à utiliser ensemble au cours de la balade…

Le « Panini Capri Sun Valley » est un album d’images à coller tout au long de la balade, et qui nous raconte la rivière tout en nous invitant à collectionner des pochettes de Capri sun.

Chaque point de rendez-vous permet ainsi de découvrir un aspect des histoires du ruisseau et de ramasser les Capri suns, grâce à des pinces en canne de Provence fabriquées pour l’occasion.

A la source

A partir du Vallon du Maire on peut choisir de regarder au loin les montagnes où se forme la source ou de s’intéresser à l’eau qui est à nos pieds.

Le Ruisseau Caravelle/Aygalades trouve ses sources dans le Massif de l’Etoile, à la lisère entre Septèmes et Bouc Bel air. Lafarge y exploite une carrière et une cimenterie. Au fil du temps, la carrière a excavé la roche formant peu à peu deux lacs constitués des multiples sources du vallon. Ces lacs sont plus bas que le niveau naturel du ruisseau et ont de fait captés l’eau et fortement bouleversé le débit, l’eau n’étant plus versée dans le lit que par pompage, en fonction des niveaux d’eau de ces bassins de rétention à vocation industrielle.

Quant à l’eau qui coule sous nos yeux, elle est également très liée à un usage industriel, celui de la société SPI Pharma qui fabrique des produits pharmaceutiques notamment à base de sels d’aluminium.

Nous rencontrons dans ce vallon un groupe de jeunes ramasseurs accompagnés par le centre social de la Gavotte-Peyret.

Ils nous racontent leur prise de conscience de l’existence du fleuve notamment en découvrant peu à peu le lit du cours d’eau à proximité de leurs espaces de vie (collège, stade…). Un livre sur le ruisseau est également en préparation avec cette jeune équipe, en lien avec la trame turquoise mise en place par la ville dans le cadre de l’agenda 21.

Nourriture/Energie/Médicaments : un tryptique industriel

Nous nous installons sous les frênes, au bord de l’eau pour écouter la lecture d’une histoire qui raconte les liens étonnant entre SPI Pharma et le Capri Sun, à l’origine de deux pollutions majeures du ruisseau.

Un peu plus haut dans le Vallon du Maire, au-dessus du terrain de pétanque, un filet d’eau coule dans un fossé, en fait, une dérivation du Ruisseau des Aygalades. Il s’écoule depuis l’usine SPI Pharma, dont la grille me barre l’accès. J’imagine que Spi Pharma utilise cette eau pour son processus industriel. En me penchant au-dessus du filet d’eau, j’aperçois le fond couvert de neige. Je tends la main vers le fond de l’eau, c’est solide ! On dirait du sel. Un sel qui aurait pétrifié chaque brindille et transformé le fond de l’eau en paysage polaire.

Au milieu de cet étrange paysage une botte de paille, je m’interroge.

La récente étude de l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale a révélé et mesuré la présence d’ions d’aluminium et d’arsenic dans la rivière. Les mesures effectuées à la source ont affiché une conductivité entre 400 et 1000 microsiemens/ cm, en aval de l’effluent les mesures sont entre 8 000 et 16 000 microsiemens/cm et sur l’effluent lui-même le capteur a saturé à 40 000 microsiemens/cm.

SPI Pharma a évoqué 1,6 millions euros de dépenses en 3 ans pour la gestion de l’environnement.

Mais alors… La botte de paille ?
Serait-ce une réponse frugale, fragile, de l’entreprise face à son problème de filtration des eaux usées ?

SPI Pharma fabrique des anti- acides, des adjuvants pour les vaccins, des poudres pour comprimés et notamment une poudre d’aluminium hydroxide.

Spi pharma est une branche d’ABF Ingrédients, une holding qui regroupe des industriels qui produisent des adjuvants alimentaires ou industriels :

À travers ses filiales ABF Ingrédients produit des céréales soufflées, des aliments extrudés, des saveurs de synthèses, des émulsifiant, des lubrifiants, des adjuvants pour médicaments et du carburant bio éthanol à partir de sucre.  Le triptyque nourriture, énergie et médicament est en place.

Là réapparaît la petite poche d’aluminium, aperçut plus tôt, dans et aux abords de la rivière,  le CAPRI SUN, brillant comme un diamant dans la rivière.

Cette boisson à base de jus de fruit qu’un chimiste Allemand Rudolf Wild, appelons le Mr «Sauvage», a inventé en 1969. Il est fabriqué sans édulcorants, sans arômes artificiels, sans colorants et sans conservateurs, mais bourré de sucre – 19 gr par poche.

Le succès auprès des enfants lui vaut de vendre en 2014 plus de 6 milliards de poches dans les 119 pays – une par habitant de la planète. La NASA qui adore la pochette argentée fabriquée à base de polyester, d’aluminium et de polyéthylène a collaboré en 2011 avec les ingénieurs et mis au point une poche à envoyer dans l’espace.  En 2014 Wild flavors, fabricant du Capri Sun est racheté par la holding Archer Daniel Midland(ADM) une entreprise qui produit du sucre, des colorants, des saveurs de synthèse des émulsifiants, des levures pour l’alimentation et la médecine mais aussi et du bio carburant à base de sucre.

Ce trio gagnant : médicament, nourriture et pétrole, cela vous dit quelque chose ?

SPI Pharma qui fabrique Gaviscon, ABF Ingredients qui fabrique Capri Sun…

Se pourrait-il que derrière cette drôle d’association, Capri Sun et Gaviscon, on trouve un monde agroalimentaire globalisé qui viendrait, pour rentabiliser ses excédents, échouer ses déchet dans les nos rivières, nous laissant seul prendre en charge le coût de leurs bénéfices ?

Peu après dans le lit du ruisseau, nous rencontrons l’Espace Jeune de Septèmes-Les-Vallons. Une équipe composée notamment de très jeunes habitants se mobilise sur le nettoyage du lit. Un jeune garçon nous explique ce qu’est un bassin versant et pourquoi fleuve et mer dialoguent ensemble. Une fois encore on constate que la présence du ruisseau, longeant la route mais encaissé, est peu perceptible dans les usages urbains habituels. C’est en allant à sa rencontre, ici les pieds dans l’eau, qu’on mesure sa présence, sa fraicheur et qu’on se rend mieux compte de son rôle.

Inventaire

A la lisière de Marseille nous rencontrons le groupe organisé par l’AESE (Action Environnement Septèmes et Environs).

Ils ont ramassé toute la matinée et viennent de finir de catégoriser les déchets amassés. Chaque point de collecte le long du ruisseau utilise les mêmes outils pour comptabiliser les déchets. On distingue ainsi les matériaux (plastique, verre, caoutchouc…), les natures de certains objets identifiables (bouteilles, vêtements, pneus…), on repère les marques des produits, on pèse…

Pour ce point de collecte où les habitants on ramassé environ 3h on trouve donc 150 kg de déchets et un inventaire plutôt poétique…

1 Iphone 7

2 rameurs

1 rasoir électriqure

1 porte vélo

1 grille-pain

1 fer à repasser

1 moteur

1 valise

Des jarres en terre

Du Polystyrène

De très nombreux emballages de mozzarella

Des urnes mortuaires

Des tuyaux d’arrosage

Des pots de peintures

198 canettes de bière Heineken

46 kg déchets divers

12kg de vêtements

9kg de plastiques

16 kg de carton

30 kg de métal

… et des colonies de Capri Sun

Inventer le chemin

Arrivés à Saint Antoine nous retrouvons quelques membres du Comité d’Intérêt de Quartier de Saint Antoine. Ici le ramassage s’arrête car le CIQ nous raconte la relation travaillée de longue date et avec persévérance avec les services de la ville et qui permet d’effectuer régulièrement des nettoyages.

Nous voyons toutefois ici et là des sacs poubelles et des cartons de pizza.

Ce qui nous préoccupe ici c’est de pouvoir marcher le long des berges. Aucun trottoir ne nous permet de suivre le fil de la rivière. La chasse au Capri Sun se transforme en exploration des abords pour finalement inventer un chemin nous permettant de garder la rivière à l’oeil.

Le récit dessiné

A la cascade de la Cité des arts de la rue où plus de 80 personnes de tous âges se sont mobilisés pour le ramassage, on en est aussi à la caractérisation avec 1 tonne de déchets ramassés !

A l’ombre des figuiers qui bordent le ruisseau, les participants de la balade racontent à tous les initiatives rencontrées et les questions abordées au cours de ce grand voyage au fil de l’eau. Stéphane dessine à partir des récits de chacun, révélant peu à peu l’image commune de cette première opération collective à l’échelle du ruisseau pour défendre et prendre soin du fleuve, de sa vallée et de la mer Méditerranée.

More Informations

« Capri Sun Valley » par SAFI et Raphaël Joffrin – Samedi 25 mai 2019

 

Une marche pour découvrir le ruisseau, relier les points de collectes, faire des rencontres et raconter l’opération PLASTIC VALLEY.

Opération Plastic Valley est l’une des étapes d’une mobilisation collective autour du devenir du Ruisseau des Aygalades/Caravelle.

Cette promenade s’inscrit dans un programme de 5 ans du projet Nature 4 City Life (2017-2022) qui veut favoriser une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique. Cette balade s’inscrit également dans l’opération PLASTIC VALLEY menée par le collectif des Gammares -réunissant des associations et acteurs actifs le long du Ruisseau – et dans le cadre de la journée Calanques propres organisé par l’association MerTerre. En collaboration avec 13 Habitat et Synergie Family.