Récit de la conversation marchée du 16 avril 2022
Ça se passe dans le 4-5… de Marseille, obviously.
14:00 aux 5 Avenues. 25°. Soleil, soleil, soleil.
Nord, Sud, Ouest, Est. Les participants arrivent de partout et se regroupent sur cet embranchement qui porte bien son nom.
Les habitués se claquent la bise. Les quelques non-inscrits sont acceptés malgré une liste aussi longue que la feuille A4. On n’attendra pas les retardataires.
C’est à une respectueuse balade, érudite et sensible, ludique et informelle pédagogique et sensorielle que nous invite Dalila. Ouverte à toutes et à tous (pas Dalila, mais la visite !), proposée par la Mairie du 4-5, avec comme promesse en fin de journée, un amour acquis ou accru pour tout ce qui bouge et des inscriptions futures à des tas d’initiatives de consultations citoyennes de proximité.
Penser la ville et sa biodiversité. S’attrister, s’émerveiller, s’offusquer. Constater. Fulminer. Rire du gâchis, de la gabegie, du grabuge. Se fâcher. Se relâcher. Respirer. Sentir, humer. Parfois, se boucher le nez, dans notre souvenir ou en vrai. Ne pas en croire ses yeux ni ses oreilles.
Se sentir rassuré, rasséréné. Au moins, un p’tit moment. Retrouver son calme, sa sérénité, grâce à nos sentinelles, oiseaux, papillons, abeilles et à nos jeunes et moins jeunes, gardiens du temps, actifs chacun à sa manière. Au moins, un p’tit moment. Car ça urge, cette histoire de danger climatique.
Balade de prévention sans prétention, pleine de précisions et de circonvolutions qui va nous mener en zigzag autour du parc Longchamp sans jamais y pénétrer ! ça, c’est très fort et on est très fiers d’avoir nargué en le frôlant ce majestueux mastodonte au pouvoir imposant !
Calme des petites rues en crête de colline. La ville en contrebas vrombit de l’effervescence politique du meeting du président candidat, juché lui aussi sur un promontoire, près du zéro degré de la mer.
Parcourir pour Comprendre. Comprendre en regardant. Se faire expliquer. Découvrir. Partager. Marcher, grimper. Monter, descendre, remonter, redescendre.
S’arrêter. Ecouter.
Prendre des notes, prendre des photos, prendre le temps, prendre le pouls de la ville. Mettre les lunettes de soleil, le chapeau, enlever l’écharpe, la veste, le pull… Sortir la gourde. Resserrer ses lacets. Trouver un banc, vite vite. A l’ombre, svp ! Se retrouver bras nus après 2 h à haleter en plein soleil.
Déambuler, piétiner. Croiser des gens perplexes ou goguenards.
Contribuer. Participer. Enrichir le récit avec une anecdote vécue, un souvenir d’enfance.
Comprendre mais comprendre quoi ?
Du flou et du moins flou. Les enjeux, la planète, la ville dans sa complexité, les travers des habitants, les contraintes des intervenants techniques, les services municipaux, la Métropole, les entités incontournables qui gèrent tant bien que mal notre confort urbain, les acronymes ronflants (la SEM et la SERAM), la chaleur, accablante et bienveillante, l’artificialisation qu’il faut contrer par nos astuces, aussi infimes soient-elles…
Et l’eau, encore et toujours Elle, héroine de Marseille : écologique à 200%, gaspillée ou économisée à tort ou à raison, précieuse et dangereuse.
L’eau qui fuit, l’eau qui coule, l’eau qui stagne.
L’eau qui s’infiltre, l’eau qui résiste.
L’eau que l’on gâche et celle que l’on préserve.
L’eau très très cruche, qui se perd et celle, plus astucieuse, qui se recycle dans les fontaines. L’eau qui permet la vie. La vie, rien que ça !
Et l’insecte. Bestiole énigmatique, si simple à décrypter, limpide à décoder : il est comme nous ! C’est bête à dire mais il fallait le dire.
« Il a besoin de se …. et de se… et de se…. et de se… » (devinette pour les participants). De se nourrir, de se reposer, de se transporter, de se reproduire.
Il se balade, traverse, reste, cohabite, communique, s’abrite, se désaltère. Il se pose, mange un brin, boit un coup, se regroupe avec ses compagnons… Comme nous. Comme nous, il pratique le brassage des gènes ; il cherche et trouve un autre lui, différent, pour s’adapter et survivre. C’est mieux à deux ou trois ou dix. United we stand.
Les clichés tombent les uns après les autres
Au fil des rues et des arrêts
coup de balai
à nos notions erronées
tellement ancrées
bien trop romantiques pour être vraies :
* La garrigue : cruelle et perfide envers les insectes, peu accueillante car elle ne propose pas d’ombre. Car où se protéger ? Incessante quête d’une zone d’abri pour le gîte et le couvert, se cacher, ralentir son métabolisme.
* Le papillon : insecte territorial pas du tout pacifique, éminemment belliqueux, maître de sa zone de guet d’où il alterne attaque et défense
* Le bâtiment : obstacle qui gêne la graine
Or, la graine DOIT voyager. Car de sa rencontre avec le substrat, naît la plante.
* La danse de l’abeille : pas du tout un manque de coordination incohérent, erratique. Au contraire, un système ingénieux de messages codés pour optimiser déplacements et productivité en échangeant des infos cruciales avec ses congénères (mime de l’intervenante avec le corps, la voix, les bras levés ‘viens par ici, ya du bon’, ‘encore un peu à droite, le festin te tend les bras’, ‘je suis là, je suis la belle, la resplendissante, toute parée d’indices comme un étendard vers mon suc’, ‘j’ai de grands pétales, tra la la, pour mieux t’attirer’, ‘mon cœur tout foncé te guide’, ‘prend le chemin vers moi’…)
* Les chats errants trop bien nourris : c’est faire une bonne action envers Dame Nature que de leur apporter à manger. Car l’inciter à ne pas courir après les oiseaux, c’est maintenir intacte la fragile chaîne de vie. Une des mille leçons de la journée : On peut, on doit, on n’a pas le choix que contribuer, à notre modeste niveau, à tout ce qui peut permettre à la vie de prospérer
* La canne de Provence : plante aux mille usages, utilitaires, religieux, biologiques dans des domaines variés comme en musique, liturgie, écriture, mise à l’abri… On évoque pèle mêle les très actuels Rameaux de la tradition chrétienne, La Canebière pour Marseille qui fut un grand comptoir de chanvre (en provençal ‘canebe’) pour la fabrication et le commerce des cordages, les valeureux étudiants paysagistes penchés sur des parcelles qu’ils sortent de l’anonymat pour l’étonnement des yeux et le bien-être des bestioles (encore elles !)
* Les trottoirs : la terre est rendue stérile par des siècles d’activités. La bitumisation qui imperméabilise et engendre des risques d’inondation. Tout ce qu’on pensait bienfaisant pour le confort de nos semelles est nuisible à long terme
* La rosée : seules les plantes savent la capter. La Nature est ainsi faite qu’elle surpasse en ingéniosité le plus diplômé des humains aménageurs d’espaces
Butiner = Aller chercher du nectar avec sa trompe.
Se débrouiller. L’offre et la demande. Ces gracieuses créatures du vivant sont très variées pour répondre à la morphologie des appareils buccaux. Et puis, si chaque pétale est une fleur, toutefois, une fleur épuisée donne un nectar de moindre qualité et pas toutes les fleurs confient leur pollen aux insectes.
Heureusement que le vent jardine, comme nous.
Corolle, pistil, pollen… Organe femelle, organe mâle. On a vu ça en SVT, sans prendre du tout du tout conscience à quel point c’était précis et précieux.
Vigilance de tous les instants
Sur les parterres de fleurs devenant vite débarras commode pour le fainéant : rats, pigeons, détritus, déchets, encombrants et crottes, beaucoup de crottes.
Sur le danger d’extinction du papillon alcoolique qui a besoin de fruits pourris qu’on nous a appris à jeter
Sur la surabondance de bitume trop chaud, bien trop chaud
Sur la présence décorative de jardinets artificiels, un moindre mal mais pas si top
Sur les terrains pollués à l’ère industrielle pas si lointaine qui obligent les 88 membres cultivateurs de l’association/collectif d’habitants autour d’un jardin collectif au parc Longchamp, ‘porteur de printemps, de liens, de compost, d’initiatives’ à tout mettre en bac surélevé
Sur les pins dont les feuilles transpirent peu (c’est bien) mais dont l’ombre est chaude (c’est moins bien) et qui ne rendent pas un grand service
Iris, monnaie du pape, espèce endémique, citron végétal. Sous-bois, lisière, gazon.
Plante pariétaire qui s’accroche en grappe à la paroi de nos vieux murs de pierre.
Utile. Et beau.
La vie en rose, jaune, blanc, violet, orange.
Et plein de vert, pas encore cuit, roussin, séché par le soleil parce qu’on n’est qu’au printemps.
Alors, on arrose comment ?
Et le clou de la visite, c’est le récit invisible du sous-sol
L’eau qui circule dans la ville. Tant bien que mal. La goutte, la fuite, l’inondation.
Le cycle sempiternel vers la mer. Redevenir eau salée. Destin incompatible avec nos besoins.
L’eau qui court trop vite sur un sol artificialisé. Coupable celui qui bétonne à outrance.
Les égouts, les cloaques, les eaux usées
La Durance domptée
Les fontaines, piles et éviers.
Les porteurs d’eau, petit métier fort sympathique avant le déploiement de la magnifique ingénierie pour abreuver une Marseille assoiffée.
Faire venir l’eau en abondance
De plus loin, de la Durance
Canal, aqueduc, palais, Espérandieu, Consolat, Montricher, le parc Longchamp
On descend vers le Jarret
Il coule sous la route en fond de vallon
Il fut nauséabond
Et rayé de la vue pour rendre la ville salubre
Il devint autoroute hostile qui coupa le 4-5 en deux
pacifiée depuis peu
par Christine Garcia