La ZUP verte d’Encagnane, la ZAC de Jas-de-Bouffan, les rives de l’Arc : cette exploration des zones de croissance d’Aix-en-Provence propose de découvrir différents motifs aixois des relations ville-nature, autour de l’échangeur A8/A51.
De l’extrémité de la gare routière, on voit les travaux du futur BHNS « Aixpress », et une grande affiche qui annonce le doublement des plantations d’arbres (« 600 arbres et 40 000 arbustes dans le trame verte de l’Aixpress »).
On part vers l’ouest sur l’avenue de l’Europe, et on traverse l’avenue Max Juvénal, une parkway des années 1960 : une route sans trottoir, uniquement pour les voitures, interdite aux piétons, mais dont la pelouse porte des « lignes de désirs » témoignant du passage de piétons. On arrive dans la ZUP d’Encagnane, et on peut marcher à l’ombre car les bâtiments sont loin des voies de circulation, avec une double rangée d’arbre. On voit des jardinières artisanales des Incroyables comestibles (face à l’épicerie du Coing, qui vient de mettre la clé sous la porte).
On continue avenue de l’Europe, en faisant un petit détour par la bastide de la Maréschale. On voit des parterres à la française, restes de l’ancien parc de la bastide. On passe sous le pont de la voie ferrée, toujours par l’avenue de l’Europe, qui doit passer l’autoroute A51 et la passe par en dessous : c’est un point bas – il y a eu de fortes inondations, comme le 23 septembre 1993, tous les RDC avaient été inondés (images du journal de la 2 sur l’INA).
On passe en dessous de la bastide de Jas-de-Bouffan, qui a été habitée par Paul Cézanne. Dans dans les années 1880, il partait d’ici vers le Sud-Est, comme nous, pour aller peindre sur le motif. L’avenue de l’Europe où nous nous trouvons a été décaissée pour passer sous l’autoroute : il faut donc imaginer Cézanne marchant dans le ciel, quelques mètres plus haut. Après être passés sous le pont de l’autoroute, on tourne à gauche par des petites sentes piétonnes (le chemin des Flâneurs), on aperçoit un camp de gitans, et on entre dans la ZAC de Jas-de-Bouffan.
On traverse la ZAC par le parc Gilbert Vilers, aménagé à partir de 1978, 5 ha, les immeubles sont de plain-pied avec le parc, avec de forts mouvements de sol qui offrent des vues dégagées notamment sur la Sainte-Victoire. Un grand bassin est laissé en partie en roseaux, et le théâtre de verdure est adossé à une colline, probablement issue des remblais des fondations des immeubles. On quitte la ZAC vers le sud, on passe devant une résidence étudiante postmoderne avec un incroyable jardin méditerranéen (résidence La Verdière, années 1990), 3 corps de bâtiments en U avec un jardin intérieur, qui est le toit de bureaux en sous-sol. On traverse une petite bastide en sortant, on emprunte un petit escalier qui témoigne des anciens jardins.
La route de Valcros va nous permettre de quitter la ZAC et la ville. Passé le pont sur l’autoroute A8, on apprécie le front urbain net entre la ville et la campagne. La route de Valcros traverse en zigzaguant ce qui reste de campagne aixoise. Toutes les propriétés sont cachées dans des terrains clôturés. La bastide de la Constance est reconvertie en centre équestre. C’est là qu’on commence à voir les premiers champs de blé. Le blé de la campagne aixoise est très réputé, c’est un blé dur très riche en protéine, qui sert à faire tourner les semouleries marseillaises. Dans cette campagne proche de la ville, l’activité est si rentable qu’elle arrive à concurrencer le marché immobilier.
Le blé est vert et en épis.
La route va faire un grand virage à droite puis à gauche, pour passer sur le ruisseau de la Thumine. Le vallon est très prononcé, les versants du vallon sont boisés. On devine de très belles propriété avec tennis et piscine, murs de sécurité, caméra, panneaux « Interdit aux promeneurs ». Les voitures sont rares mais roulent vite dans cette toute étroite. On prend à droite un petit chemin agricole classé dans le domaine public, pour pique-niquer à 100 m de la route, à l’ombre d’un chêne blanc. Au loin, on voit la ligne du massif de l’Etoile, et la cheminée de Gardanne.
On reprend la route de Valcros et au numéro 1907 on a fait un petit détour par des chemins agricoles où l’on voit une ancienne bastide qui est en train d’être reconvertie en logements. Devant la bastide, de gros platanes, et une allée plantée de jeunes arbres. Au bout de la rue de Valcros, on passe sous la voie ferrée d’Aix à Rognac, où autrefois il y avait des départs de chemin qui sont aujourd’hui fermés. On est à l’extrémité de la ZAC de la Constance qui propose de recréer depuis ici des continuités modes doux.
Sur la droite, une maison abandonnée, on comprend que c’était une exploitation agricole car des escaliers montent directement au premier étage, le RDC étant consacré à l’exploitation – une histoire de la campagne qui mute en ville, doucement.
A partir du rond-point, on est dans la zone commerciale de la Pioline. L’ancien chemin de la Pioline est une deux fois deux voies. Un bâtiment commercial est entouré d’une nappe de parkings. Un restaurant présente vers la route une terrasse ombragée de parasols, qui ne nous autorise pas à boire un café. Sur la gauche, il y a une belle rangée de pins. Tout de suite, le terrain descend vers la rivière de l’Arc. On poursuit la promenade jusqu’au point de la Pioline sur l’Arc, ce qui permet de voir l’exutoire de la station des eaux usées. La moitié du débit du plus grand fleuve côtier des Bouches du Rhône est constituée des effluents des eaux usées d’Aix en Provence.
On revient sur nos pas pour passer de l’autre côté de la voie ferrée dans les collines des domaines de la Constance et de Bellevue. Les versants de la colline sont en pinède, les deux premiers plateaux qu’on croise sont en oliveraie, et on se repère aux pylônes d’une ligne à haute tension. On traverse sans chemin tracé des campagnes abandonnées depuis une dizaine d’années, car les terrains sont gelés pour le projet de ZAC de la Constance. Ces campagnes ont été arpentées par Cézanne, et c’est de là qu’il a dégagé ses vues sur la Sainte-Victoire. A partir de l’analyse des photos aériennes anciennes, on arrive à savoir où étaient les restanques, ce qui était en vigne, en blé et en olivier. La pinède, mal entretenue, avec les arbres tombés au sol, on se demande s’ils sont tombés avec les dernières chutes de neige en 2009, ou bien suite à la grande tempête de 1999.
Le projet de ZAC a été gagné par Christian Devillers en 2016 ou 2017. Les grandes lignes du projet, c’est, dans l’axe Nord-Sud, de conserver la Thumine et un de ses petits affluents, en soulignant avec avec des passerelles en hauteur ses ravins existants, transformés en parc paysager, vont servir de bassin d’orage. Dans dans le sens Est-Ouest, la composition est structurée par de grands axes vides qui pointent sur la Sainte Victoire, pour recréer les tableaux de Cézanne.
Pour sortir de ces campagnes abandonnées, il a fallu rouvrir un chemin pour franchir le ravin de pas de Goule par un pontet envahi de mauvaises herbes. On arrive au golf d’Aix, où des gens puttent vers la Sainte-Victoire sous un ciel blanc. Au loin dans le virage, un petit bidonville de roms est toléré là par la ville. Avant le bidonville, on pique à droite dans les déblais du chantier de la future Smac (salle de musiques actuelles). En quittant le chantier, on passe dans la zone d’entrepôt des futurs abribus du bus Aixpress. On arrive chemin des Aubépines, on passe dans la résidences Les Hameaux de Martelly (relogement pour les gens du voyage). On entend les coqs. Les arrières de la résidence servent de bassin d’orage. Le chemin des Aubépines passe sous l’autoroute A8, on voit la fondation Vasarély qu’on longe par le chemin des Flâneurs. On tourne à droite sous les voies ferrées dans ce no mans land entre le rail et l’autoroute, où se loge encore un bidonville. Une passerelle sur l’autoroute A51 nous permet de rentrer dans la ZUP d’Encagnane.
Cette ZUP fin 60s début 70s dessinée par l’urbaniste Raymond Lopez avec dès le départ une volonté d’îlot ouvert plantés à l’intérieur et entourés de voies avec alignements d’arbre. Les documents d’époque nous disent que 40 000 m3 de terre végétale décapées avant la construction ont été conservées et remises en place pour les plantations. La liste des essences d’arbres est la suivante : cèdres bleues, pins noirs d’Autriche, pins parasol, cyprès bleus, cyprès verts, sapins, platanes, tilleuls, acacias besson, peupliers pyramidaux, saules concorta et catalpas. 5000 arbres qui ont aujourd’hui en moyenne 50 ans et sont tous à maturité. C’est une vraie ZUP verte. La traversée d’Encagnane va se faire par un grand détour. On suit d’abord la longue promenade parallèle à l’autoroute derrière le mur antibruit – jeux de boules, aire de jeux pour enfants, cour d’école. Au carrefour de l’A8 et de l’A51, la vie est rendue possible par cette promenade en longueur protégée des nuisances. Après un premier petit jardin partagé qui règle des problèmes de bas d’immeuble, on trouve une fontaine abandonnée puis on suit l’ancienne allée d’arbres de la bastide d’Encagnane (arbres plus que centenaire) et on atteint à l’extrémité sud de la ZUP le jardin partagé de Lou Grillet. On apprécie comment la rénovation de la ZUP se fait avec des jardinières, des plantations et le respect de plantation existantes. On traverse la ZUP, rue Camus on passe par des arrières d’immeubles frais et en arbres. Avenue du 8 mai, on voit des jardinières partagées. Rue des Frères-Vallon, les pins plantés devant les barres d’immeubles R+4 arrivent à maturité, tous les balcons sont dans la canopée des pins dont les troncs s’inclinent, pour s’éloigner des bâtiments et occuper le volume de la rue.
On quitte la ZUP par la grande place du Marché. Là encore, des projets de fontaines aujourd’hui à sec. Les arbres souffrent du marché et de son nettoyage. On reprend l’avenue de l’Europe en faisant un petit détour par le parterre du Pasino, pelouse rase et puis en topiaire : on apprécie le contraste extrême avec tout ce qu’on a vu depuis ce matin.
More Informations
Ce récit est tiré de promenades que s’inscrivent dans le programme de 5 ans du projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) qui favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.