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Les chemins de Walter Benjamin à Marseille

Du 16 septembre au 20 novembre 2018 

Tout commence comme un jeu : je suis habitante de Marseille.

Où, quand, comment, aurais-je bien pu rencontrer Walter Benjamin ici ?

En un mot je lui offre l’hospitalité de ma ville en 2018. Il y prend corps. Alors, je me mets à décrypter ses biographies, ses lettres et même ses textes vus d’ici, de Marseille, et je le vois émerger au revers de microscopiques détails. Avec cartes, horoscopes et télescopes ; avec vérifications sur les lieux mêmes ; avec recherches dans les archives ; avec mes pieds, je pense, je raconte jusqu’au cap Pinède et la rue de Lyon. Bref nous co-habitons.

Avec étonnement je vois une réalité enfouie qui s’élève lentement. De 1924 à 1940, Walter Benjamin, l’homme et l’auteur de « Marseille », y vient une quinzaine de fois. Il vit la ville d’abord comme une destination désirée, puis un « passage », puis une philosophie de la perte. En un mot comme une puissante « image de pensée » qu’il va améliorer en venant, en passant, ou en butant là.

Christine Breton

Ce cube, vitrine sans vitre, machine à temps fictifs, s’invente au sein de l’événement « Walter Benjamin à Marseille », coordonné par le musée d’Histoire de Marseille.

A l’invitation du Bureau des guides du GR2013, la conservateur honoraire du patrimoine Christine Breton et les artistes Théo Paolo, Milena Walter et Martine Derain nous ouvrent des chemins pour dessiner notre ville à l’envers, en marchant dans les pas de Walter Benjamin.

Quelques chemins de Walter Benjamin à Marseille est une co-production du Bureau des guides du GR2013, d’Hôtel du Nord en partenariat avec le musée d’Histoire de Marseille,  coordinateur du programme-événement « Walter Benjamin à Marseille ».
Auteur : Christine Breton, avec les complicités de Martine Derain et Jean Cristofol.
Scénographie et mise en espace : Théo Paolo et Milena Walter.
Son : Cyrielle Faure. L’exposition a été complétée d’une série de balades…

La Vitrine du sentier est soutenue par le Département des Bouches du Rhône dans le cadre de la redynamisation du centre-ville de Marseille.

Programme_Walter_Benjamin_a_Marseille

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MÉTROPOLE COMMUNE – Étape 3

Balade le long de l’ancienne voie ferrée de Valdonne (La Bouilladisse-Roquevaire-Aubagne).

Lundi 1er juin 2015 – LA VOIE DE VALDONNE : De la Bouilladisse à Aubagne

De la Bouilladisse à Aubagne, en piémont du massif de l’Etoile, au fil de la vallée de l’Huveaune, le long de la voie ferrée abandonnée de Valdonne – grand vestige industriel bientôt support d’un nouvel équipement de transport métropolitain.

Nous allons marcher à travers les herbes et les ronces, sur les 14 kilomètres des traverses patinées de l’ancienne voie ferrée de Valdonne, qui relie le village de La Bouilladisse à Aubagne. Les architectes, experts et membres de la mission interministérielle pour le projet métropolitain d’Aix-Marseille-Provence, qui explorent le territoire pour leur troisième randonnée, foulent aujourd’hui le béton craquelé de la gare de La Bouilladisse.

Il leur faut imaginer qu’à partir d’ici, en 2020, devrait circuler un tramway. Il desservira la dizaine de localités jalonnant ses rails en moins de trente minutes, pour soulager les 60 000 riverains et décourager une partie des 110 000 automobilistes coincés quotidiennement dans les bouchons entre Aubagne et Marseille. Né de la volonté des communes, porté par le Pays d’Aubagne et de l’Etoile, le projet prend encore plus de sens dans le contexte de la métropole. Avec 18 millions d’euros d’investissement de l’Etat, le «Valtram» devrait recoudre un territoire morcelé, traversé de montagnes, qui s’étend de l’Est marseillais aux terres argileuses d’Aubagne. Et peut-être, qui sait, raccrocher les wagons entre l’intercommunalité d’Aubagne, opposée de longue date à l’idée d’une métropole, et Marseille, farouchement pour.

On n’en est pas là. Aujourd’hui, pour rallier depuis Marseille le village de La Bouilladisse, il faut d’abord prendre le train jusqu’à Aubagne, puis monter dans un bus jusqu’à l’ancienne gare de La Bouilladisse. A mesure que le TER s’éloigne de Marseille, traverse le bassin industriel de la haute vallée de l’Huveaune, coupée de montagnes lacérées de routes et percées de tunnels pour s’avancer vers les terres plus agricoles, on mesure le problème. Autour des villages, des zones pavillonnaires se sont étalées vers les massifs. Les axes routiers pour gagner Aix ou Marseille déversent un trafic incessant. Dans les véhicules, de nouveaux habitants pourtant venus là pour fuir le vacarme marseillais.

Entre Aubagne et Marseille, plus de 34 000 déplacements s’effectuent chaque jour en voiture. Les bus de l’agglomération sont gratuits depuis 2009 et desservent treize communes jusque dans le Var. Mais ils n’échappent pas aux bouchons. De toute façon, il n’y a actuellement pas assez de voies ferrées pour créer un maillage efficace, c’est-à-dire relié avec les autres transports collectifs.

Un siècle de service

La réhabilitation de la voie ferrée de Valdonne, en site propre, doit permettre à ce territoire d’être connu autrement que comme un dortoir ou un échangeur autoroutier. Réutiliser la vieille ligne, «c’est prolonger, et prolonger, c’est rentabiliser», résume le préfet Laurent Théry. Il va falloir enlever beaucoup de rouille sur ces rails posés en 1868 entre Aubagne et La Barque par la Compagnie de chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée. «Installée pour acheminer le charbon des mines de Fuveau, Peypin ou Auriol et pour alimenter les usines de savon, de soude, les cimenteries et plâtreries de tout le bassin marseillais par la suite, la ligne a rapidement été utilisée par les ouvriers et les habitants», rappelle Claude Iérace, fils et petit-fils de mineur. La fin des mines a entraîné l’arrêt de la ligne après presque un siècle de service.

Bras de fer

A cette évolution de l’économie locale, fatale au rail, se sont ajoutés les affrontements politiques. L’évocation de la métropole réveille la défiance séculaire des communes de la périphérie à l’égard de Marseille. Maire de la cité phocéenne pendant plus de trente ans, Gaston Defferre était engagé dans un bras de fer permanent avec les tenants des bastions communistes qui entouraient sa ville.

Il en reste des traces. En 2010, un référendum sur le Pays d’Aubagne rejetait l’idée d’un Grand Marseille à 93 %. «La métropole risque de revenir sur nos choix de transports alternatifs», justifiait alors le maire communiste d’Aubagne, Daniel Fontaine. Pourtant, le projet du Valtram avait été acté par son prédécesseur. Une élection municipale plus tard, tout était balayé : le projet semblait soudain trop coûteux et la présidente de l’intercommunalité menaçait même de se «coucher sur les rails du tram». Le matériel et les rames avaient été commandés et payés. Ils se sont retrouvés au garage. Devant le quai de la vieille gare de La Bouilladisse, des terrains de tennis ont remplacé les hangars du fret. Le maire, André Jullien, présente ses futurs aménagements – «lycée pour 1 000 élèves, 350 logements dont 30 % sociaux avec un label écoquartier, parking en liaison avec un tram en site propre qui ira un jour jusqu’à Marseille». Mais il avertit d’emblée qu’il arrêtera la marche de l’engin aux limites de sa commune. La présidente de l’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, Sylvia Barthélémy (UDI), était comme lui sur la même ligne anti-tram. Voilà qu’elle a changé d’avis et nous assure maintenant : «Ce grand projet d’aménagement est attendu depuis longtemps. 60 % de la population habite hors Aubagne et le développement se fait surtout sur le nord.»

Le fil vert des boues rouges

Au bord de la voie ferrée, un gros tuyau vert en métal nous accompagne. Destiné l’évacuation des boues rouges de l’usine d’alumine de Gardanne (Alteo), le serpent topaze colle aux rails, et ne nous quittera plus, fil vert de la marche quand disparaîtront rails et traverses. Alteo emploie 500 salariés, et c’est de là que proviennent les composants d’un téléphone portable sur deux dans le monde. Depuis plus d’une décennie, ses boues rouges sont déversées dans une fosse marine au large de Cassis. «On a un milieu naturel remarquable et de belles pépites industrielles. D’ici peu, suite aux décrets pris en préfecture, l’usine ne rejettera plus que des eaux résiduelles dans le parc naturel des Calanques», veut rassurer le député Vert François-Michel Lambert, qui voit dans la métropole «un formidable outil au service des communes». Evoquant les possibilités d’une écologie industrielle, il souligne que «la poussière de l’un doit devenir le ciment de l’autre».

De l’eau à nos moulins

A la lisière de La Destrousse, le rail est interrompu par la RD 45. Un pont-rail, ou l’abaissement de la chaussée, devrait surmonter l’écueil. «Nous mêlons les contraintes autoroutières à celles du charme champêtre», ironise l’urbaniste Christian Devillers en enjambant un ancien aiguillage. Puis, un bruit d’eau vive, une cascade, de la fraîcheur. «Voilà l’Huveaune !»Le groupe dégringole vers les berges pour un providentiel pique-nique. Un béal (petit canal d’irrigation) rappelle la présence d’un des nombreux moulins qui ont jalonné les rives de l’Huveaune. «Il y en a eu jusqu’à 65, rappelleClaude Carbonnel, du collectif Associations Huveaune.Mais la rivière a perdu de son importance en 1848, car l’eau de la Durance est arrivée à Marseille. La vapeur et l’électricité en ont fini avec ces moulins qui tenaient depuis le Moyen Age et ont alimenté les sociétés Rivoire et Carret ou Atochem».

Depuis quelques années, associations et élus se mobilisent pour le fleuve. Un système intercommunal a été mis en place pour gérer les inondations et l’entretien des berges. A Roquevaire, on boit l’eau de l’Huveaune en régie municipale, «autonomie qu’on ne veut pas dissoudre dans la métropole», insiste le maire, «car on pompe à un tarif très avantageux».

A l’ombre des platanes, les urbanistes se prennent à rêver les aménagements autour du futur tram. Faire de la ville autour des stations, avec des aménagements piétons, cyclables ou léger intégrés au cœur des villages.

Après Roquevaire, la voie ferrée descend vers la plaine agricole d’Aubagne. La haute façade de l’exploitation de Jérôme Laplane borde la route. Installé en 1991 sur une partie des terres familiales, l’agriculteur bio vend au détail sur place et approvisionne les marchés marseillais. «J’ai un petit chiffre d’affaire, je fonctionne avec 120 familles clientes»,explique le maraîcher, qui s’étend, en Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), sur cinq hectares. «Il existe une demande sur ce bassin où vivent un million de personnes», mais une partie du zonage agricole «n’est pas remise à disposition car les propriétaires qui n’exploitent plus ne veulent ni vendre ni louer»,déplore-t-il. Laplane lui-même cultive trois hectares avec un bail précaire. «Un quart des terres fertiles a été urbanisé et on se retrouve avec le foncier maraîcher le plus cher du département…»

Le groupe se remet en route vers Aubagne. Dernier stop à l’ancienne gare de Pont-de-l’Etoile. Entre élus et membres du conseil de développement, on fait le point sur l’avenir possible de la voie de Valdonne. Le débat porte sur une question technique : les voyageurs accepteront-ils d’aller en tramway de Marseille à Aubagne pour changer et prendre ensuite un train ? Une étude a montré qu’une correspondance est toujours dissuasive. Pour relier l’Huveaune à Marseille, seul un tram-train ferait l’affaire. Arriver à marier les techniques ferroviaires et les convictions politiques dans un même projet : la naissance de la métropole passera aussi par là.

Un récit de Myriam Guillaume pour Le Bureau des guides du GR 2013 publié dans Libération

Partagez cette balade en écoutant comme si vous y étiez quelques-uns de ces échanges, sur les chemins…

Point 1 – Terminus tram

Point 2 – Ancienne gare

Point 3 – Tuyau boues rouges

Point 4 – Tunnel

Point 5 – Huveaune

Point 6 – Roquevaire

Point 7 – Ferme

Point 8 – Gare de Pont de l’étoile

Co-production Euphonia / Bureau des guides du GR2013. Productrice : Julie de Muer – Réalisation : Jean Baptiste Imbert

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MÉTROPOLE COMMUNE – Étape 4

Balade de Martigues à Port-de-Bouc, en surplomb du chenal de Caronte, dans une zone aux paysages marqués par les vestiges de la pétrochimie.

Mardi 2 juin 2015 – LE CHENAL DE CARONTE : De Martigues à Port-de-Bouc

De la noble Martigues à Port-de-bouc la populaire, le long du chenal de Caronte, un espace urbain et industriel aménagé depuis l’époque romaine – un territoire stratégique entre Marseille et le Rhône.

Le soleil tombe à la verticale sur nos crânes. Vus du ciel, nous sommes une trentaine de bipèdes immobiles, tous tournés dans la même direction. Après avoir gravi la draille qui serpente dans la pinède, nous voici, randonneurs de la mission interministérielle pour le projet métropolitain Aix-Marseille-Provence, arrivés au point culminant de notre marche, sur les hauteurs de la ville de Martigues. Dans notre dos se dresse la chapelle Notre-Dame-des-Marins, qu’une main semble avoir posée au sommet de la colline. Mais ce n’est pas elle qui nous intéresse.

Nos yeux glissent vers un spectacle plus grandiose. Depuis les rives de l’étang de Berre, d’où nous sommes partis ce matin, Martigues s’étale le long d’un canal qui court sous de vastes zones industrielles pour se jeter dans la Méditerranée. «Vous voyez, là-bas, à droite, Stalingrad sur la mer ? C’est Port-de-Bouc !» lâche Nicolas Mémain, artiste marcheur, l’un des guides de notre exploration.

Pour le moment, comme en lévitation au-dessus de l’immense mer intérieure que forme l’étang de Berre, se dessine à l’horizon le fantôme de la Sainte-Victoire. A droite de la montagne, le regard est saisi par le contraste que provoque, dans ce panorama, la forêt de cheminées et de torchères des usines pétrochimiques. Certaines, à larges bandes rouges et blanches «ressemblent à la fusée de Tintin sur la Lune», remarque encore Nicolas Mémain qui, avec son bout de tissu blanc sur la tête, a des airs de capitaine Haddock au Pays de l’or noir. Sur le dessin de la table d’orientation, aucune mention des usines de Croix-Sainte et des raffineries de Lavéra qui se dressent pourtant devant nous. Un mirage ? Non, c’est bien un paysage façonné par l’industrie qui se déploie sous nos yeux – une industrie en plein déclin.

Utopies métropolitaines

Chapeau mou vissé sur la tête, David Mangin a rangé son carnet de croquis dans son sac et fait comme le reste de la troupe : il se laisse absorber par la vue. Associé de l’agence Seura, il pilote l’une des trois équipes d’urbanistes sélectionnées pour la consultation urbaine Aix-Marseille-Provence. Bien qu’avouant détester la randonnée, il n’est pas mécontent de cette réunion champêtre itinérante qu’il juge «plus stimulante que les restitutions académiques en Power Point du Grand Paris».

Nous sommes ici au cœur du «Far West» de Marseille. A une quarantaine de kilomètres, au nord-ouest de la ville, l’étang de Berre et ses environs furent convoités dès le début du XXe siècle. A l’époque, les élites marseillaises étaient persuadées que la «conquête de l’Ouest»serait le ticket gagnant pour connecter Marseille à la France et à l’Europe. On rêvait alors d’une ouverture vers le Rhône, et du Rhône vers le Rhin. «C’est avec cette idée d’un « Grand Marseille » ouvert sur l’étang de Berre qu’est née au début du siècle dernier la première utopie métropolitaine», explique René Borruey, historien et architecte.

Mais si l’idée d’un développement vers l’Ouest est venue de Marseille, sa réalisation s’est faite sans elle. A la fin des années 60, une seconde utopie métropolitaine a vu le jour, fondée sur une autre illusion : celle d’une expansion de la ville mère sur «sa» région. Un échec, là encore. «Marseille est la seule grande ville de France à ne pas être reconnue comme un centre par sa périphérie», résume René Borruey. Si on fait le compte, avec la métropole, Marseille en est donc à sa troisième utopie métropolitaine… qui peine toujours à se réaliser. Et dans l’opposition historique des communes au projet métropolitain, les deux villes communistes que sont Martigues et Port-de-Bouc figurent en bonne place. Deux villes rouges, mais que tout oppose.

D’un côté Martigues, ancienne cité gallo-romaine, riche et orgueilleuse, surnommée la «Venise provençale». De l’autre, Port-de-Bouc, construite au XIXe siècle, industrielle et dont les chantiers navals ont attiré des ouvriers de toute la Méditerranée. Les joignant comme un trait d’union : le chenal de Caronte, passage naturel entre la mer de Berre et la Méditerranée, a été creusé davantage dans l’entre-deux-guerres pour laisser passer les pétroliers. Depuis 2011, les deux villes cohabitent dans une communauté d’agglomérations de façade. Assises au bord d’un même canal, elles se regardent en fait en chiens de faïence.

Balcon sur la chimie

L’assemblée se disperse, chacun reprend sa marche. Après plusieurs lotissements, nos pieds passent en quelques mètres du bitume à une terre rocailleuse. Nous arrivons au plateau du Campeou, sorte de colline recouverte de garrigue et de buissons de genêts, traversée par une étroite voie de chemin de fer. C’est là, à quelques enjambées de la petite gare abandonnée de Croix-Sainte, en surplomb du chenal de Caronte, que nous nous installons pour le pique-nique.

«Pendant la Première Guerre mondiale, les usines chimiques ont poussé comme des champignons ici», raconte Philippe Mioche, historien de l’industrie, pendant que circulent poulpes, pois chiches, poutargues. Parallèlement, le chenal est devenu un port pétrolier autour duquel s’installeront plusieurs raffineries. Encore visibles aujourd’hui, elles ne seront bientôt que des vestiges. Entamée dans les années 70, la désindustrialisation s’est accentuée ces dernières années au gré des fermetures de raffineries et des plans sociaux. Entre-temps, le territoire aura bien trinqué. «Nous nous trouvons ici dans un des lieux les plus pollués d’Europe du Sud», assure Philippe Mioche. En haut du podium : Azur Chimie, à l’entrée de Port-de-Bouc, une de nos prochaines étapes.

Industrie du cinéma

Le vacarme d’un train de marchandises à wagons-citernes nous tire de notre torpeur digestive. Nous nous remettons en marche. La vue qui s’offre à nous désormais est une superposition de rectangles monochromes, à la Nicolas de Staël : l’azur du ciel, le vert de la végétation, le brun des entrepôts, la ligne grise d’un pipeline et l’émeraude du chenal.

L’aménagement des berges est un dossier épineux pour la ville de Martigues : le site de Lavéra, côté sud, compte à lui seul onze usines classées Seveso. Côté nord, où nous nous trouvons, une grande friche de 22 hectares est en cours de réhabilitation. «Martigues accompagne un ambitieux projet autour de l’industrie du cinéma», explique Sophie Bertran de Balanda, architecte de la ville. «Des studios de cinéma sont en construction dans les anciennes usines Eternit qui longent le canal […]. Nous recevons beaucoup de propositions d’investisseurs privés… Un cinéma d’art et essai pourrait aussi s’implanter ici», poursuit-elle, provoquant chez David Mangin quelques murmures glissés à l’oreille de son voisin.

«Cette longue bande au bord de l’eau est assez convoitée par des promoteurs immobiliers qui rêveraient d’en faire une marina, explique-t-il. L’aménagement des rives de ce canal est un cas typique d’enjeu métropolitain car c’est le port autonome de Marseille qui est propriétaire du foncier. Si une offre culturelle se développe, il faudra songer au transport. Pourquoi pas une vedette sur le canal, de Marignane à Port-de-Bouc ? Ce qui est certain, c’est que Martigues ne pourra pas faire son projet toute seule dans son coin, elle aura forcément besoin de la métropole.»

Périple postapocalypse

Un avion déchire le ciel. Bientôt le Campeou va disparaître derrière nous. Une route, un palmier, nous voici à l’entrée du chantier de démolition du site d’Azur Chimie, ancienne usine spécialisée dans le traitement du brome. Ses portes ont fermé en 2010. Séverine Mignot, architecte de la ville de Port-de-Bouc, nous ouvre l’accès à cet immense no man’s land. Bitume balafré, mélanges informes de terre et de cailloux, deux gros talus de pierre grise, des bouts de ferrailles dans des bouquets d’herbes sauvages et un pan de mur recouvert de graffitis qui manque de s’écrouler : un périple post-apocalypse. Avant d’être démoli, le site a été entièrement dépollué – pour 2,5 millions d’euros. La ville de Port-de-Bouc envisage d’y installer des entreprises, probablement dans le secteur de la réparation de bateaux. «Peu importe, du moment que ça apporte du travail et que ça ne pollue pas», affirme Séverine Mignot.

En tout, ce sont neuf kilomètres de littoral que la ville de Port-de-Bouc souhaite aménager et développer. Dans les négociations, que ce soit pour l’achat des terrains ou pour leur aménagement, la municipalité doit faire avec l’établissement public du port de Marseille, le GPMM (Grand Port maritime de Marseille) qui, comme à Martigues, occupe une partie du littoral.

Nous continuons à longer le canal. Des rouleaux de filets de pêche traînent entre deux conteneurs. De grandes cuves à pétrole occupent tout l’espace de la rive opposée. Objet métropolitain par excellence, grand comme Paris intra-muros, le port de Marseille représente 43 000 emplois indirects. Et le foncier constitue un enjeu de plus en plus important pour le premier port de France. Encore faut-il savoir qu’en faire. Et qui s’en occupera.

Un récit de Lucie Geffroy pour Le Bureau des guides du GR 2013 publié dans Libération

Partagez cette balade en écoutant comme si vous y étiez quelques-uns de ces échanges, sur les chemins…

Point 1 – Plage de Martigues

Point 2 – Maritima Avaricorum

Point 3 – Tunnel du Rove

Point 4 – Notre-Dame des marins

Point 5 – Martigues – Port-de-bouc

Point 6 – Campeo

Point 7 – Lavera

Point 8 – Azur Chimie – Port-de-bouc

Co-production Euphonia / Bureau des guides du GR2013. Productrice : Julie de Muer – Réalisation : Jean Baptiste Imbert

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Fouillez vos greniers !

Dimanche 26 janvier 2020 – Marseille / Un ciné-portrait de Marseille par ses habitants

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A la recherche de l’ombre à Martigues

Mercredi 24 juillet 2019 – Martigues

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SUR LES RIVES

de Mai à juin 2019 – Une série de marches exploratoires sur les rives de l’Étang-de-Berre

 

EXPLORER : Cycle de conversations marchées autour de l’Étang-de-Berre

Quatre journées de découverte des rives de la lagune, quatre excursions guidées par des explorateurs contemporains dans les paysages caractéristiques des différents milieux écologiques de l’étang.

Au cours de ces conversations avec les auteurs invités, nous nous interrogerons ensemble sur nos manières d’observer le monde aujourd’hui.

☞ C’est quoi une conversation marchée ? ☜
Une “conversation marchée” c’est l’opportunité d’écouter ou de prendre part à des conversations portant sur des choses savantes – mais dites dites simplement – tout en explorant un bout de territoire par une courte marche.

Soit un petit cours d’exploration en quatre chapitres :

Avec la botanique et l’herborisation en compagnie de la paysagiste Véronique Mure et de Christophe Modica, le dimanche 16 juin 2019 dans le Parc de la Poudrerie de Saint-Chamas.

Accompagnés par la botaniste Véronique Mure, cette traversée du parc de l’ancienne poudrerie royale sera l’occasion d’herboriser quelques terrains humides et secs, à l’écart des roselières, habités par les peupliers blancs et les frênes à feuilles étroites, les peupliers noirs, les chênes, érables et cyprès-chauves, et sur les hauteurs par les cistes et les genêts. Sous les séquoias, les ifs et les chênes pédonculés, il y a sur ces sols dépollués traversés d’eaux claires et saumâtres, un microcosme peuplé de colverts, de tadornes de Bélon, de foulques macroule, de grèbes huppées et de grands cormorans, de flamants roses, de busards des roseaux et de rolliers d’Europe. En défaisant ce monde et avec de la chance nous y verrons un couple de cigognes, des sangliers, quelques renards et des ragondins.

Avec la littérature et l’esthétique en compagnie de l’écrivain Matthieu Duperrex, Christelle Gramaglia, Claire Dutrait et Emmanuel Moreira pour Radio-Grenouille le samedi 22 juin 2019 sur le Chenal de Caronte.

Depuis des années l’artiste et théoricien Matthieu Duperrex s’intéresse aux paysages du delta du Rhône et aux histoires sédimentaires qui le constitue. Entre philosophie marchée et littérature in situ, il nous convie à l’exploration des milieux méditerranéens entre enquête scientifique et récit écologique. Pour s’aventurer au-delà d’une approche littérale des désordres environnementaux et réapprendre à aimer nos littoraux altérés…

Avec la cartographie et l’histoire en compagnie de l’historien Jean-Marc Besse et Eric Giraud (Opera Mundi), le dimanche 30 juin 2019 autour des Salins de Berre.

En partant du souvenir des explorateurs-géographes qui, au XXème siècle et à l’initiative d’Albert Kahn, sont partis collecter la mémoire de certains peuples avant leur disparition – constituant ainsi le fonds des “archives de la planète”- nous nous questionnerons sur ce qui nous amène aujourd’hui à partir à la découverte d’un monde qui disparaît.

Avec la philosophie et l’écologie, en compagnie du philosophe Augustin Berque, Eric Giraud et Baptiste Lanaspèze le dimanche 07 juillet 2019 au Jaï.

À la lumière du rapport que les Japonais entretiennent avec la nature, le géographe Augustin Berque a élaboré depuis plusieurs décennies une philosophie singulière, qui constitue une contribution majeure aux humanités écologiques, aujourd’hui en pleine effervescence. En deçà de la distinction occidentale entre ces deux abstractions que sont “le sujet” (forcément humain) et “l’objet” (forcément naturel), Berque propose de voir dans le trajet l’acte concret fondamental par lequel le monde existe. Cette philosophie, qu’il a baptisée “mésologie” (science du milieu) permet notamment de comprendre pourquoi l’acte de marcher fabrique littéralement des mondes ; pourquoi il est vital de marcher précisément entre ville et nature ; et enfin pourquoi le GR2013 est un poème.

Ce cycle de conversations marchées est organisé par le Le Bureau des Guides- GR 2013 dans le cadre de l’expédition Pamparigouste et en partenariat avec Opéra Mundi et Radio Grenouille, avec le soutien de la Fondation de France -Programme Littoral.

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Un Dimanche En Durance !

Observer la Durance et découvrir son histoire.

Édition 2019
Édition 2022

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8 Questions sur des sujets urbains

Du 26 mai au 11 octobre 2019 

Un rajeunissement de la typologie du 3 fenêtres sauvera t-il Noailles ?

Peut-on unir les syndicats de copropriété de Noailles et envisager une rénovation collective ?

Les coopératives d’habitants sont-elles le futur de la ville solidaire ?

Doit-on démolir un quartier pour en faire un autre ?

Maintenir l’existant n’est-il pas l’acte de développement durable le plus puissant ?

La ville doit-elle se faire en un jour ?

Ne devrait-on pas construire plus de logements sociaux que d’en détruire ?

Et si le Grand Ensemble était finalement la forme d’habitat la plus salubre ?

À la suite d’un semaine d’exploration in situ avec le Bureau des guides, les étudiants du Master en Projet Urbain (MAS Urban Design) de l’Ecole Polytechnique de Zurich (ETHZ ) ont formulé ces quelques questions et pistes de réflexion tantôt naïves, tantôt inspirées, tantôt provocatrices et espèrent contribuer à la conversation en cours.

Ces 8 questions sont adressées dans les projets ici présentés et en soulèvent bien d’autres, plus ou moins sérieuses : Le Grand Ensemble doit-il mourir pour revivre ? Pourtant, de ta barre, n’as-tu pas la plus belle vue de Marseille ? Un(e) architecte peut-il/elle être contre toute démolition pour rester crédible ? Qui entretient ton immeuble ? …

Nourris de situations d’écoute et d’échanges sur le terrain avec habitants et acteurs, usagers et administrations, activistes et professionnels, les étudiants urbanistes suisses se sont interrogés sur quelques sujets urbains contemporains de Marseille et ont porté un regard critique sur trois sites marseillais : le quartier de Noailles, la phase 2 du projet Euroméditerranée et les copropriétés du Parc Kallisté.

Avec les étudiants du MAS 2018-2019 : Eirini Afentouli, Jassim Alnashmi, Simran Bansal, Georgia Gkotsopoulou, Andrea Gonzalez Palos, Dhruv Gusain, Akash Joshi, Stefania Kontinou Chimou, Ornpailin Leelasiriwong, Beatrice Meloni, Caitanya Patel, Rima Patel, Chrysoula Pierrakou, Kalliopi Sakellaropoulou, Mariana Vargas Mondragon, Alexandra Zachariadi, Yihan Zhan.

Une exposition proposée par le MAS Urban Design (Professeur Marc Angélil, Département d’Architecture, ETHZ) dirigée par Charlotte Malterre-Barthes et Something Fantastic en collaboration avec le Bureau des guides du GR2013 suite au workshop “Marseille inclusive“ réalisé  du 18 au 22 mars 2019.

La Vitrine du sentier est soutenue par le Département des Bouches-du-Rhône dans le cadre de la redynamisation du centre-ville de Marseille.

https://futurearchitecturelibrary.org/book/migrant-marseille/
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