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Balade du Capri Sun – Opération Plastic Valley

Je marche le long du ruisseau Caravelle-Aygalades, sur le bord du fossé, je pousse du pied un sachet argenté, brillant comme un diamant. Je le retourne, il me sourit. C’est un sachet de CAPRI SUN tropical cruch, la boisson à la mode, déchet omniprésent de ma rivière préférée. 

Cette marche de Septèmes-Les-Vallons à Marseille invite à découvrir le ruisseau des Aygalades dans le contexte particulier d’une journée de ramassage citoyen des déchets du ruisseau (Calanques propres coordonnée par l’association Mer-Terre).

Plusieurs points de ramassage le long du fleuve côtier ont ainsi été ainsi organisés par diverses associations récemment regroupées en collectif, le collectif des Gammares, pour mener ensemble avec conviction mais aussi avec humour L’Opération Plastic Valley

La balade du Capri Sun relie ainsi les points de collectes de déchets, permet de faire des rencontres et propose de raconter cette action de mobilisation autour du devenir du Ruisseau des Aygalades/Caravelle.

L’action collective

Nous menons cette promenade dans une démarche de dynamique collective.

La situation du ruisseau des Aygalades/Caravelle, très dégradé dans son fonctionnement écologique mais aussi dans les représentations que l’on s’en fait (il est souvent perçu comme inexistant, comme un égout ou au mieux comme un cours d’eau sans véritable fonction) nécessite à la fois de retrouver de la connaissance (pour comprendre ce qu’il est) et de l’imaginaire (pour se motiver à agir).

Nous avons pour cela préparé quelques outils à utiliser ensemble au cours de la balade…

Le « Panini Capri Sun Valley » est un album d’images à coller tout au long de la balade, et qui nous raconte la rivière tout en nous invitant à collectionner des pochettes de Capri sun.

Chaque point de rendez-vous permet ainsi de découvrir un aspect des histoires du ruisseau et de ramasser les Capri suns, grâce à des pinces en canne de Provence fabriquées pour l’occasion.

A la source

A partir du Vallon du Maire on peut choisir de regarder au loin les montagnes où se forme la source ou de s’intéresser à l’eau qui est à nos pieds.

Le Ruisseau Caravelle/Aygalades trouve ses sources dans le Massif de l’Etoile, à la lisère entre Septèmes et Bouc Bel air. Lafarge y exploite une carrière et une cimenterie. Au fil du temps, la carrière a excavé la roche formant peu à peu deux lacs constitués des multiples sources du vallon. Ces lacs sont plus bas que le niveau naturel du ruisseau et ont de fait captés l’eau et fortement bouleversé le débit, l’eau n’étant plus versée dans le lit que par pompage, en fonction des niveaux d’eau de ces bassins de rétention à vocation industrielle.

Quant à l’eau qui coule sous nos yeux, elle est également très liée à un usage industriel, celui de la société SPI Pharma qui fabrique des produits pharmaceutiques notamment à base de sels d’aluminium.

Nous rencontrons dans ce vallon un groupe de jeunes ramasseurs accompagnés par le centre social de la Gavotte-Peyret.

Ils nous racontent leur prise de conscience de l’existence du fleuve notamment en découvrant peu à peu le lit du cours d’eau à proximité de leurs espaces de vie (collège, stade…). Un livre sur le ruisseau est également en préparation avec cette jeune équipe, en lien avec la trame turquoise mise en place par la ville dans le cadre de l’agenda 21.

Nourriture/Energie/Médicaments : un tryptique industriel

Nous nous installons sous les frênes, au bord de l’eau pour écouter la lecture d’une histoire qui raconte les liens étonnant entre SPI Pharma et le Capri Sun, à l’origine de deux pollutions majeures du ruisseau.

Un peu plus haut dans le Vallon du Maire, au-dessus du terrain de pétanque, un filet d’eau coule dans un fossé, en fait, une dérivation du Ruisseau des Aygalades. Il s’écoule depuis l’usine SPI Pharma, dont la grille me barre l’accès. J’imagine que Spi Pharma utilise cette eau pour son processus industriel. En me penchant au-dessus du filet d’eau, j’aperçois le fond couvert de neige. Je tends la main vers le fond de l’eau, c’est solide ! On dirait du sel. Un sel qui aurait pétrifié chaque brindille et transformé le fond de l’eau en paysage polaire.

Au milieu de cet étrange paysage une botte de paille, je m’interroge.

La récente étude de l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale a révélé et mesuré la présence d’ions d’aluminium et d’arsenic dans la rivière. Les mesures effectuées à la source ont affiché une conductivité entre 400 et 1000 microsiemens/ cm, en aval de l’effluent les mesures sont entre 8 000 et 16 000 microsiemens/cm et sur l’effluent lui-même le capteur a saturé à 40 000 microsiemens/cm.

SPI Pharma a évoqué 1,6 millions euros de dépenses en 3 ans pour la gestion de l’environnement.

Mais alors… La botte de paille ?
Serait-ce une réponse frugale, fragile, de l’entreprise face à son problème de filtration des eaux usées ?

SPI Pharma fabrique des anti- acides, des adjuvants pour les vaccins, des poudres pour comprimés et notamment une poudre d’aluminium hydroxide.

Spi pharma est une branche d’ABF Ingrédients, une holding qui regroupe des industriels qui produisent des adjuvants alimentaires ou industriels :

À travers ses filiales ABF Ingrédients produit des céréales soufflées, des aliments extrudés, des saveurs de synthèses, des émulsifiant, des lubrifiants, des adjuvants pour médicaments et du carburant bio éthanol à partir de sucre.  Le triptyque nourriture, énergie et médicament est en place.

Là réapparaît la petite poche d’aluminium, aperçut plus tôt, dans et aux abords de la rivière,  le CAPRI SUN, brillant comme un diamant dans la rivière.

Cette boisson à base de jus de fruit qu’un chimiste Allemand Rudolf Wild, appelons le Mr «Sauvage», a inventé en 1969. Il est fabriqué sans édulcorants, sans arômes artificiels, sans colorants et sans conservateurs, mais bourré de sucre – 19 gr par poche.

Le succès auprès des enfants lui vaut de vendre en 2014 plus de 6 milliards de poches dans les 119 pays – une par habitant de la planète. La NASA qui adore la pochette argentée fabriquée à base de polyester, d’aluminium et de polyéthylène a collaboré en 2011 avec les ingénieurs et mis au point une poche à envoyer dans l’espace.  En 2014 Wild flavors, fabricant du Capri Sun est racheté par la holding Archer Daniel Midland(ADM) une entreprise qui produit du sucre, des colorants, des saveurs de synthèse des émulsifiants, des levures pour l’alimentation et la médecine mais aussi et du bio carburant à base de sucre.

Ce trio gagnant : médicament, nourriture et pétrole, cela vous dit quelque chose ?

SPI Pharma qui fabrique Gaviscon, ABF Ingredients qui fabrique Capri Sun…

Se pourrait-il que derrière cette drôle d’association, Capri Sun et Gaviscon, on trouve un monde agroalimentaire globalisé qui viendrait, pour rentabiliser ses excédents, échouer ses déchet dans les nos rivières, nous laissant seul prendre en charge le coût de leurs bénéfices ?

Peu après dans le lit du ruisseau, nous rencontrons l’Espace Jeune de Septèmes-Les-Vallons. Une équipe composée notamment de très jeunes habitants se mobilise sur le nettoyage du lit. Un jeune garçon nous explique ce qu’est un bassin versant et pourquoi fleuve et mer dialoguent ensemble. Une fois encore on constate que la présence du ruisseau, longeant la route mais encaissé, est peu perceptible dans les usages urbains habituels. C’est en allant à sa rencontre, ici les pieds dans l’eau, qu’on mesure sa présence, sa fraicheur et qu’on se rend mieux compte de son rôle.

Inventaire

A la lisière de Marseille nous rencontrons le groupe organisé par l’AESE (Action Environnement Septèmes et Environs).

Ils ont ramassé toute la matinée et viennent de finir de catégoriser les déchets amassés. Chaque point de collecte le long du ruisseau utilise les mêmes outils pour comptabiliser les déchets. On distingue ainsi les matériaux (plastique, verre, caoutchouc…), les natures de certains objets identifiables (bouteilles, vêtements, pneus…), on repère les marques des produits, on pèse…

Pour ce point de collecte où les habitants on ramassé environ 3h on trouve donc 150 kg de déchets et un inventaire plutôt poétique…

1 Iphone 7

2 rameurs

1 rasoir électriqure

1 porte vélo

1 grille-pain

1 fer à repasser

1 moteur

1 valise

Des jarres en terre

Du Polystyrène

De très nombreux emballages de mozzarella

Des urnes mortuaires

Des tuyaux d’arrosage

Des pots de peintures

198 canettes de bière Heineken

46 kg déchets divers

12kg de vêtements

9kg de plastiques

16 kg de carton

30 kg de métal

… et des colonies de Capri Sun

Inventer le chemin

Arrivés à Saint Antoine nous retrouvons quelques membres du Comité d’Intérêt de Quartier de Saint Antoine. Ici le ramassage s’arrête car le CIQ nous raconte la relation travaillée de longue date et avec persévérance avec les services de la ville et qui permet d’effectuer régulièrement des nettoyages.

Nous voyons toutefois ici et là des sacs poubelles et des cartons de pizza.

Ce qui nous préoccupe ici c’est de pouvoir marcher le long des berges. Aucun trottoir ne nous permet de suivre le fil de la rivière. La chasse au Capri Sun se transforme en exploration des abords pour finalement inventer un chemin nous permettant de garder la rivière à l’oeil.

Le récit dessiné

A la cascade de la Cité des arts de la rue où plus de 80 personnes de tous âges se sont mobilisés pour le ramassage, on en est aussi à la caractérisation avec 1 tonne de déchets ramassés !

A l’ombre des figuiers qui bordent le ruisseau, les participants de la balade racontent à tous les initiatives rencontrées et les questions abordées au cours de ce grand voyage au fil de l’eau. Stéphane dessine à partir des récits de chacun, révélant peu à peu l’image commune de cette première opération collective à l’échelle du ruisseau pour défendre et prendre soin du fleuve, de sa vallée et de la mer Méditerranée.

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ZUP et ZAC entre 2 collines

Dimanche 10 novembre 2019 – La Seyne

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Entre serres et restanques

Mercredi 30 octobre 2019 – La Crau

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Les coulisses horticoles de l’Ouest

Dimanche 13 Octobre 2019 – Toulon

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Remonter l’Eygoutier et le petit ru

Dimanche 22 mars 2020 – Toulon [REPORTÉ]

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Marche ou rêve

Du 17 octobre 2019 au 6 février 2020 

« I shall be gone and live or stay and die. »
Shakespeare

Loin des salles d’étude, des cartes, des chiffres et des données, quarante étudiants s’immergent dans une performance sensible qui leur permet d’explorer avant de penser, de percevoir et de ressentir le chemin et la vie. Surprise, étonnement, enchantement : les paysages sont là, comme surgis de nulle part, réalistes et fantasmagoriques. Il y a la fatigue, il y a les yeux fermés et les empreintes signifiantes récoltées pour les restituer, en interroger la profondeur, les distordre, en expurger la magie et la philosophie ; autant de dispositifs et de créations qui proposent aux visiteurs une exploration sensorielle de la marche en le ramenant aux gestes d’un rapport au monde que nous avons besoin de redécouvrir pour renouer avec. 

Marcher pour affirmer sa liberté d’homme et de femme, s’ancrer dans l’espace, fuir les villes, les clôtures et les écrans pour être partie intégrante de la nature et mettre en scène ce roman du territoire.

Le 14 Novembre 2018, les étudiants de DSAA ESDM (Ecole Supérieure de Design de Marseille) marchent de Port-de-Bouc à Istres en compagnie du Collectif SAFI, de Julie Demuer et Loïc Magnant du Bureau des guides du GR2013. Ensemble, ils parcourent à pied plus de 12km d’une grande variété de paysages et d’expériences. À travers cette exposition, ils partagent leur voyage.

Avec les étudiants : Marie Cribaillet, Tayssir Dallagi, Lola Liccia, Maëva Martins, Théo Renoux, Elise Retiere, Pauline Roman, Lucile Teyssier, Maïlys Tudury, Alexis Vallin, Justine Boudeville, Fannie Chanavat, Gaëlle Choquet, Clara Cottenceau, Blandine Degearier, Lucile Dubrana, Océane Gardet-Pizzo, Maxime Guyomarch, Nicolas Jacoutot, Amandine Long, Léa Mauffrey, Sevan Papazian, Morgane Aguilar, Blandine Albera, Élodie Bricout, Mathilde Castel, Marie Jarniac, Margot Laudoux, Emma Moutet, Pauline Schuster, Mylène Vielzeuf, Loïs Weiskopff, Éloïse Anglada, Yesmin Ben Hassen, Allan Berthelot, Marion Caccia, Romane Chabal, Jean-Rémy Fabre, Kévin Guegan, Agnès Humbert, Morgane Landreau, Rémy Marlhioud,  Anaïs Metzger, Nolwenn Morellet, Claire Philippe.

Et leurs professeurs : Bruno Espinosa, Luc Mattei, Régis Mazzon, Guillaume Monsaingeon , Gilles Muller et Anne Munch.


« Marche ou rêve » est une exposition proposée par l’École supérieure de Design de Marseille et Le Bureau des Guides – GR 2013 en partenariat avec The Camp et le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le cadre de l’évènement “Des marches, démarches”. La Vitrine du sentier est soutenue par le Département des Bouches-du-Rhône dans le cadre de la redynamisation du centre-ville de Marseille.

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Récits dessinés

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L’Eygoutier

Le canal de la Rode, été 2018

En même temps qu’il détourne le Las, Vauban en fait de même avec l’Eygoutier qui formait une sorte de petit delta marécageux au niveau de l’actuel Port Marchand et envoyait ses sédiments dans la petite rade. On l’appelle aussi “rivière des amoureux” ce qui serait en fait une déformation de “rivière des muriers”.

L’Eygoutier fut donc dirigé vers l’autre côté de la pointe de la Tour Royale, côté grande rade, d’abord par un chenal au parcours alambiqué qui correspond à l’actuel boulevard Cunéo, puis via un tunnel rectiligne qui passe sous la butte du Mourillon jusqu’à l’une des digues des plages artificielles, entre l’anse de la Source et l’anse Mistral. Rien n’y signale le débouché de ce petit fleuve côtier, qui ne pourrait pas rejoindre la mer plus discrètement.

Ce que beaucoup appellent le canal de la Rode, cette grande tranchée de béton le long de laquelle on trouve des terrains de tennis et de grands immeubles de bureau et d’appartement, est donc un fleuve.

C’est la peur des inondation, et la volonté d’apporter une réponse pragmatique qui ont construit ce paysage, qui n’est pas sans rappeler la Los Angeles River et la fameuse course poursuite à moto de Terminator 2. Le cours d’eau n’était perçu qu’en tant que nuisance ou danger potentiel, une chose à évacuer le plus vite possible.

Actuellement on assiste à un basculement, un glissement, dans tous les domaines qui relèvent de l’aménagement du territoire. On cherche de plus en plus à “faire avec” les éléments naturels, et notamment les cours d’eau, et plutôt que d’accélérer l’écoulement de l’eau pour vite s’en débarrasser, on va de plus en plus chercher à le ralentir, à absorber sa force, notamment avec des berges douces et des ripisylves. On dit en effet qu’un fleuve a la force qu’on lui oppose. C’est donc toute une génération d’ouvrages comme celui-ci, datant pour la plupart du Xxème siècle, qui ont vocation à évoluer vers d’autres formes, des formes qui vont mettre en scène la possibilité d’un dialogue avec le vivant, avec les éléments, avec la Terre, et qui ne seront plus seulement la démonstration d’une volonté de domestication généralisée du monde.

Si les prévisions d’augmentation de la température moyenne annuelle se confirment pour 2100 (+2 à +7°C à Toulon selon le GREC) c’est bientôt nous, humains, qui allons supplier ce type de petits cours d’eau de bien vouloir nous apporter de la fraicheur et de l’ombre par les arbres qu’ils irriguent en chemin.

Entre deux Provences

Si le Las prend source au sud du vaste plateau karstique du Siou Blanc et descend vers la mer dans une vallée encaissée aux allures de petite montagne, l’Eygoutier, lui, prend source dans un ancien marais aujourd’hui en grande partie couvert de remblais : l’Estagnol. Le long de l’Eygoutier, on rencontre du schiste, du grès et peu de calcaire.

Remonter ces deux petits fleuves rend bien compte de la charnière à laquelle se trouve la métropole Toulonnaise, entre Provence Cristalline et Provence Calcaire. Et cette distinction géologique se lit partout, dans les vieux murs de la métropole : ponts, maisons, églises, restanques, limites de propriétés, dalages… On a parfois des murs qui mélangent le calcaire et le grès voire le schiste. Toulon est plutôt calcaire, Hyères plutôt schisteuse, le Pradet ou la Crau sont en grande partie de grès mais d’un coin à l’autre, toutes se mélange même si la pierre la plus utilisée au XXeme siècle restera le béton armé.

L’autre tunnel

Au niveau de la porte des Oliviers, ce grand rond-point en forme d’os à moelle qui est aussi l’entrée est du tunnel de Toulon, l’Eygoutier, se couvre pour passer sous l’autoroute, dans le noir, et la longer par en dessous, sur un kilomètre, vers l’est. Des adolescents s’y donnent rendez-vous, s’y font peur et y prennent aussi le frais dans l’obscurité.

Certains remontent le fleuve jusqu’au bout et rejoignent la piste cyclable, celle qui a été aménagée sur l’ancien chemin de fer. Ce train suivait plus ou moins la côte jusqu’à Saint-Tropez en longeant sur les premiers kilomètres le petit fleuve de l’Eygoutier.

Le nouveau déversoir du Pont de la Clue (Le fleuve arrive depuis la droite. Sous le pont en haut à gauche de la photo l’Eygoutier part vers Toulon. En bas, le déversoir vers le tunnel d’évacuation), printemps 2019

Renaissance

Aujourd’hui nous sommes notamment accompagnés de Rudy Nicolau, Directeur du Syndicat de Gestion de l’Eygoutier, et Guirec Quefelou, chef du service Gestion des Milieux Aquatiques et des Zones Humides à la Métropole Toulon Provence Méditerranée.

Ils nous expliquent comment l’Eygoutier était jusqu’à récemment généralement moribond, sauf en période de pluie. Le fond de l’eau était souvent boueux, l’eau quasi stagnante. Cela était dû à un ouvrage, plus en amont, au pont de la Clue, un ouvrage qui dans son ancienne configuration, envoyait l’essentiel de l’Eygoutier directement vers la mer via un tunnel d’évacuation (le tunnel de la Clue). En effet, ce n’était que le trop plein, lors des épisodes de forte pluie, qui partait vers le lit du fleuve, direction Toulon.

Depuis 1984, un batardeau automatique était censé envoyer un débit minimum vers le fleuve mais le système était défaillant et ce n’est que depuis le début de cette année 2019, après des mois de travaux, que l’ouvrage fonctionne enfin comme prévu et que le fleuve a retrouvé un débit minimum. Et ça se voit. L’eau est claire, on voit des poissons, notamment les fameux barbeau méridionaux mais aussi des anguilles. Les sédiments sont à nouveau roulés lentement vers l’aval. Le lit de sable et de gravier s’est éclairci.

L’Eygoutier canalisé au plan de la Garde, printemps 2019

Renaturation

En amont du pont de la Clue, l’Eygoutier traverse le Plan de la Garde, ce vaste espace plan avec ses cultures maraîchères, centres équestres, pâturages et serres horticoles. C’est là que le Département travaille depuis 20 à l’ouverture d’un parc nature de 130 hectares, avec jardins familiaux, plans d’eau, observatoires ornithologiques, et une maison de la nature, encore en construction pour le moment.

Il y a des siècles, ce grand marais a été fortement remanié, travaillé, jusqu’à obtenir des terres cultivables parcourues de canaux, un peu comme la plaine du Comtat Venaissin avec les fameuses sorgues. L’Eygoutier dans cette histoire, a été transformé en un grand fossé rectiligne, jusqu’à ce que les aménageurs du parc nature ne décident sa “reméandration” artificielle. On lui a dessiné un parcours en zig zag, pour allonger son cours, l’étirer, tout en le dotant de berges adoucies avec ripisylves. Ce n’est pas vraiment un retour à la situation préalable puisqu’on a pas recréé le marais d’antan, mais une opération humaine visant à atteindre un état écologique et paysager jugé “bon” par le développement plus ou moins spontané d’espèces vivantes (poissons, batraciens, insectes, oiseaux, végétaux). C’est ce qu’on appelle la “renaturation”, un concept ici poussé assez loin puisqu’on a par exemple scalpé la couche supérieure du sol contenant les graines et les bulbes, remodelé le terrain, creusé des bassins et dépollué ce qui devait l’être avant d’épandre à nouveau cette couche de sol sur toute une partie du parc, ce qui a donné plutôt de très bons résultat (explosion de fleurs au printemps 2018 et chaque année depuis).

Le concept n’est pas neuf. Rappelons par exemple que le mont Faron était devenu totalement chauve jusqu’à ce qu’on ne le reboise pendant la seconde partie du XIXeme siècle, en semant des graines de pins dans de grands trous creusés dans la pierre à la pioche. On cherchait ainsi à limiter l’érosion du Faron qui aurait pu contribuer à ensabler la rade (toujours cette même crainte). La renaturation du plan de la Garde, elle, a plutôt une vocation paysagère et pédagogique.

L’ancien marais de l’Estagnol, été 2019

Trouver la source

Plus en amont encore, l’Eygoutier reprend son profil de canal rectiligne, il devient de plus en plus difficile à suivre et on le perd parfois. Il va repasser sous l’autoroute, longer la Zone d’Activité de Gavary où se côtoient notamment un parc d’attraction pour enfants, un important ferrailleur et l’une des églises des frères de Plymouth. Puis c’est enfin l’Estagnol, ce marais, qu’on pourrait décrire comme un col. Un col excessivement plat, entre le bassin versant de l’Eygoutier à l’ouest et celui du Roubaud à l’est. L’Estagnol était donc ce marais, cette éponge qui donnait naissance à deux petits fleuves côtiers symétriques.

Traversé par la voie de chemin de fer de Hyères, bordé au nord par l’autoroute A570 et le canal Jean Natte (XVeme siècle), c’est un espace qu’on a toujours cherché à combler, à assécher, à remblayer. Une partie importante du site sert de dépôt de produit de chantiers (sables, graviers), on y a installé une déchetterie puis plus récemment des terrains de sport. On a même pensé un moment y construire un grand centre logistique Carrefour avec embranchement ferré, avant de renoncer.

Lorsque l’on se promène à pied sur le terrain à l’est du fossé stagnant de l’Eygoutier, on reconnaît différents matériaux dans ce sol aride : restes de potelets en béton, gravier, parpaings, pierres de parement, sable, plâtre. Des projets de renaturation sont également à l’étude, comme au plan de la Garde, mais dans un version sans doute moins accessible au public. Des questions se posent : faut-il remettre le site dans son état initial avant les remblais si tant est que cela soit possible? Que faire avec les espèces protégées qui ont fini par pousser sur les remblais?

Au sud de l’Estagnol, sur le flanc nord de la colline du Paradis, à l’arrière des lotissements du quartier de la Moutonne, on découvre entre les hautes herbes, dans un creux, sous les chênes verts, un petit filet d’eau qui s’écoule d’un tuyau dans un ouvrage modeste en béton formant un petit nymphée. C’est cette petite source, qui tourne le dos à la mer, que l’on considère donc comme l’origine de l’Eygoutier.

La source de l’Eygoutier à la Moutonne, été 2019
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