Conversation marchée #3

Les Conversations marchées invitent des scientifiques, écologues, botanistes, naturalistes… À éclairer notre regard. Elles nous donnent à voir et à comprendre ce qui constitue nos paysages de proximité, les enjeux qui les traversent et en quoi ils participent d’un écosystème.Pour cette troisième conversation marchée, Christine Robles nous raconte l’importance de la banque de graines du sol à Foresta, les interactions sol-plantes et les mécanismes qui influencent le développement et la circulation des végétaux.

More Informations

Avec Christine Robles . Mercredi 9 octobre 2019 (9h – 12h)

Cette promenade s’inscrit dans un programme de 5 ans du projet Nature 4 City Life (2017-2022) qui veut favoriser une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique. En partenariat avec Yes We Camp dans le cadre du projet Foresta, parc métropolitain.

Récits dessinés

More Informations

Françoise Manson, marcheuse et illustratrice au crayon affuté, a suivi plusieurs balades Nature 4 CityLife : elle nous livre une série de leporellos d’après ses marches…

Le projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.

Sur le GR2013, des marches mensuelles sont proposées par Nicolas Mémain et le collectif SAFI (en alternance), et dans la métropole toulonnaise, par Paul-Hervé Lavessière, en vue de la construction d’un Sentier Métropolitain du Grand Toulon.

Pendant 5 ans, ces trois guides, vont élaborer à partir de ces deux territoires, une petite université populaire d’écologie métropolitaine – une « mission de service public pour penser, marcher, transmettre ».

L’Eygoutier

Le canal de la Rode, été 2018

En même temps qu’il détourne le Las, Vauban en fait de même avec l’Eygoutier qui formait une sorte de petit delta marécageux au niveau de l’actuel Port Marchand et envoyait ses sédiments dans la petite rade. On l’appelle aussi “rivière des amoureux” ce qui serait en fait une déformation de “rivière des muriers”.

L’Eygoutier fut donc dirigé vers l’autre côté de la pointe de la Tour Royale, côté grande rade, d’abord par un chenal au parcours alambiqué qui correspond à l’actuel boulevard Cunéo, puis via un tunnel rectiligne qui passe sous la butte du Mourillon jusqu’à l’une des digues des plages artificielles, entre l’anse de la Source et l’anse Mistral. Rien n’y signale le débouché de ce petit fleuve côtier, qui ne pourrait pas rejoindre la mer plus discrètement.

Ce que beaucoup appellent le canal de la Rode, cette grande tranchée de béton le long de laquelle on trouve des terrains de tennis et de grands immeubles de bureau et d’appartement, est donc un fleuve.

C’est la peur des inondation, et la volonté d’apporter une réponse pragmatique qui ont construit ce paysage, qui n’est pas sans rappeler la Los Angeles River et la fameuse course poursuite à moto de Terminator 2. Le cours d’eau n’était perçu qu’en tant que nuisance ou danger potentiel, une chose à évacuer le plus vite possible.

Actuellement on assiste à un basculement, un glissement, dans tous les domaines qui relèvent de l’aménagement du territoire. On cherche de plus en plus à “faire avec” les éléments naturels, et notamment les cours d’eau, et plutôt que d’accélérer l’écoulement de l’eau pour vite s’en débarrasser, on va de plus en plus chercher à le ralentir, à absorber sa force, notamment avec des berges douces et des ripisylves. On dit en effet qu’un fleuve a la force qu’on lui oppose. C’est donc toute une génération d’ouvrages comme celui-ci, datant pour la plupart du Xxème siècle, qui ont vocation à évoluer vers d’autres formes, des formes qui vont mettre en scène la possibilité d’un dialogue avec le vivant, avec les éléments, avec la Terre, et qui ne seront plus seulement la démonstration d’une volonté de domestication généralisée du monde.

Si les prévisions d’augmentation de la température moyenne annuelle se confirment pour 2100 (+2 à +7°C à Toulon selon le GREC) c’est bientôt nous, humains, qui allons supplier ce type de petits cours d’eau de bien vouloir nous apporter de la fraicheur et de l’ombre par les arbres qu’ils irriguent en chemin.

Entre deux Provences

Si le Las prend source au sud du vaste plateau karstique du Siou Blanc et descend vers la mer dans une vallée encaissée aux allures de petite montagne, l’Eygoutier, lui, prend source dans un ancien marais aujourd’hui en grande partie couvert de remblais : l’Estagnol. Le long de l’Eygoutier, on rencontre du schiste, du grès et peu de calcaire.

Remonter ces deux petits fleuves rend bien compte de la charnière à laquelle se trouve la métropole Toulonnaise, entre Provence Cristalline et Provence Calcaire. Et cette distinction géologique se lit partout, dans les vieux murs de la métropole : ponts, maisons, églises, restanques, limites de propriétés, dalages… On a parfois des murs qui mélangent le calcaire et le grès voire le schiste. Toulon est plutôt calcaire, Hyères plutôt schisteuse, le Pradet ou la Crau sont en grande partie de grès mais d’un coin à l’autre, toutes se mélange même si la pierre la plus utilisée au XXeme siècle restera le béton armé.

L’autre tunnel

Au niveau de la porte des Oliviers, ce grand rond-point en forme d’os à moelle qui est aussi l’entrée est du tunnel de Toulon, l’Eygoutier, se couvre pour passer sous l’autoroute, dans le noir, et la longer par en dessous, sur un kilomètre, vers l’est. Des adolescents s’y donnent rendez-vous, s’y font peur et y prennent aussi le frais dans l’obscurité.

Certains remontent le fleuve jusqu’au bout et rejoignent la piste cyclable, celle qui a été aménagée sur l’ancien chemin de fer. Ce train suivait plus ou moins la côte jusqu’à Saint-Tropez en longeant sur les premiers kilomètres le petit fleuve de l’Eygoutier.

Le nouveau déversoir du Pont de la Clue (Le fleuve arrive depuis la droite. Sous le pont en haut à gauche de la photo l’Eygoutier part vers Toulon. En bas, le déversoir vers le tunnel d’évacuation), printemps 2019

Renaissance

Aujourd’hui nous sommes notamment accompagnés de Rudy Nicolau, Directeur du Syndicat de Gestion de l’Eygoutier, et Guirec Quefelou, chef du service Gestion des Milieux Aquatiques et des Zones Humides à la Métropole Toulon Provence Méditerranée.

Ils nous expliquent comment l’Eygoutier était jusqu’à récemment généralement moribond, sauf en période de pluie. Le fond de l’eau était souvent boueux, l’eau quasi stagnante. Cela était dû à un ouvrage, plus en amont, au pont de la Clue, un ouvrage qui dans son ancienne configuration, envoyait l’essentiel de l’Eygoutier directement vers la mer via un tunnel d’évacuation (le tunnel de la Clue). En effet, ce n’était que le trop plein, lors des épisodes de forte pluie, qui partait vers le lit du fleuve, direction Toulon.

Depuis 1984, un batardeau automatique était censé envoyer un débit minimum vers le fleuve mais le système était défaillant et ce n’est que depuis le début de cette année 2019, après des mois de travaux, que l’ouvrage fonctionne enfin comme prévu et que le fleuve a retrouvé un débit minimum. Et ça se voit. L’eau est claire, on voit des poissons, notamment les fameux barbeau méridionaux mais aussi des anguilles. Les sédiments sont à nouveau roulés lentement vers l’aval. Le lit de sable et de gravier s’est éclairci.

L’Eygoutier canalisé au plan de la Garde, printemps 2019

Renaturation

En amont du pont de la Clue, l’Eygoutier traverse le Plan de la Garde, ce vaste espace plan avec ses cultures maraîchères, centres équestres, pâturages et serres horticoles. C’est là que le Département travaille depuis 20 à l’ouverture d’un parc nature de 130 hectares, avec jardins familiaux, plans d’eau, observatoires ornithologiques, et une maison de la nature, encore en construction pour le moment.

Il y a des siècles, ce grand marais a été fortement remanié, travaillé, jusqu’à obtenir des terres cultivables parcourues de canaux, un peu comme la plaine du Comtat Venaissin avec les fameuses sorgues. L’Eygoutier dans cette histoire, a été transformé en un grand fossé rectiligne, jusqu’à ce que les aménageurs du parc nature ne décident sa “reméandration” artificielle. On lui a dessiné un parcours en zig zag, pour allonger son cours, l’étirer, tout en le dotant de berges adoucies avec ripisylves. Ce n’est pas vraiment un retour à la situation préalable puisqu’on a pas recréé le marais d’antan, mais une opération humaine visant à atteindre un état écologique et paysager jugé “bon” par le développement plus ou moins spontané d’espèces vivantes (poissons, batraciens, insectes, oiseaux, végétaux). C’est ce qu’on appelle la “renaturation”, un concept ici poussé assez loin puisqu’on a par exemple scalpé la couche supérieure du sol contenant les graines et les bulbes, remodelé le terrain, creusé des bassins et dépollué ce qui devait l’être avant d’épandre à nouveau cette couche de sol sur toute une partie du parc, ce qui a donné plutôt de très bons résultat (explosion de fleurs au printemps 2018 et chaque année depuis).

Le concept n’est pas neuf. Rappelons par exemple que le mont Faron était devenu totalement chauve jusqu’à ce qu’on ne le reboise pendant la seconde partie du XIXeme siècle, en semant des graines de pins dans de grands trous creusés dans la pierre à la pioche. On cherchait ainsi à limiter l’érosion du Faron qui aurait pu contribuer à ensabler la rade (toujours cette même crainte). La renaturation du plan de la Garde, elle, a plutôt une vocation paysagère et pédagogique.

L’ancien marais de l’Estagnol, été 2019

Trouver la source

Plus en amont encore, l’Eygoutier reprend son profil de canal rectiligne, il devient de plus en plus difficile à suivre et on le perd parfois. Il va repasser sous l’autoroute, longer la Zone d’Activité de Gavary où se côtoient notamment un parc d’attraction pour enfants, un important ferrailleur et l’une des églises des frères de Plymouth. Puis c’est enfin l’Estagnol, ce marais, qu’on pourrait décrire comme un col. Un col excessivement plat, entre le bassin versant de l’Eygoutier à l’ouest et celui du Roubaud à l’est. L’Estagnol était donc ce marais, cette éponge qui donnait naissance à deux petits fleuves côtiers symétriques.

Traversé par la voie de chemin de fer de Hyères, bordé au nord par l’autoroute A570 et le canal Jean Natte (XVeme siècle), c’est un espace qu’on a toujours cherché à combler, à assécher, à remblayer. Une partie importante du site sert de dépôt de produit de chantiers (sables, graviers), on y a installé une déchetterie puis plus récemment des terrains de sport. On a même pensé un moment y construire un grand centre logistique Carrefour avec embranchement ferré, avant de renoncer.

Lorsque l’on se promène à pied sur le terrain à l’est du fossé stagnant de l’Eygoutier, on reconnaît différents matériaux dans ce sol aride : restes de potelets en béton, gravier, parpaings, pierres de parement, sable, plâtre. Des projets de renaturation sont également à l’étude, comme au plan de la Garde, mais dans un version sans doute moins accessible au public. Des questions se posent : faut-il remettre le site dans son état initial avant les remblais si tant est que cela soit possible? Que faire avec les espèces protégées qui ont fini par pousser sur les remblais?

Au sud de l’Estagnol, sur le flanc nord de la colline du Paradis, à l’arrière des lotissements du quartier de la Moutonne, on découvre entre les hautes herbes, dans un creux, sous les chênes verts, un petit filet d’eau qui s’écoule d’un tuyau dans un ouvrage modeste en béton formant un petit nymphée. C’est cette petite source, qui tourne le dos à la mer, que l’on considère donc comme l’origine de l’Eygoutier.

La source de l’Eygoutier à la Moutonne, été 2019

More Informations

Ce récit de Paul-Hervé Lavessière est tiré de promenades que s’inscrivent dans le programme de 5 ans du projet européen Nature 4 City Life (2017-2022) qui favorise une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique.

Conversation marchée #2

Portrait de Patrick Bayle
Portrait de Patrick Bayle

Le vent s’est levé ce matin sur Foresta et Patrick Bayle est notre invité. Naturaliste de formation, il a participé à la rédaction de fiches d’observation pour l’Atlas des oiseaux à Marseille, a travaillé au Musée d’Histoire Naturelle de Marseille et à la ville où il est aujourd’hui en charge de la biodiversité. Il nous prévient, pour l’observation des oiseaux le vent, l’horaire tardif, il est 9 h 30, et le groupe ne sont pas des conditions favorables. Mieux vaut se déplacer au petit matin ou au coucher du soleil, en solitaire ou en petit nombre. Nous partons donc simplement en quêtes des écosystèmes qui pourraient abriter des oiseaux et des traces qui nous indiquerait leurs présences.   Le Grèbe castagneux, la façade maritime et le bassin de rétentionComme les autres oiseaux migrateurs, le Grèbe castagneux aborde Marseille par la façade maritime. Après une traversée transméditerranéenne, il arrive sur les côtes épuisé et découvre à Foresta une halte rare, avec des habitats, de la nourriture et peu de prédateurs (moins que dans les iles.) Foresta est structuré autour de deux bassins de rétention d’eau. Malgré leur caractère artificiel ces bassins, dont la qualité première est de ne pas avoir été bétonné, ont évolué en roselière. Ce sont des zones humides, assez uniques à Marseille, qui attirent des espèces aquatiques pour s’y reproduire ou pour une halte migratoire. En 2014, Le Grèbe a été aperçu en période de reproduction dans ces bassins.

  Ces bassins sont gérés comme des ouvrages techniques, aujourd’hui nous constatons que le bassin est vidangé, sans doute par souci de maintenance, par méconnaissance de sa valeur écologique et paysagère ou pour lutter contre le moustique tigre. Mais maintenu en eau et géré comme un écosystème vivants le bassin n’offrirait pas d’habitat propice au Moustique tigre, qui préfère largement les coupelles d’eau stagnante oubliées au fond du jardin… Une meilleure gestion offrirait aux oiseaux un point d’eau douce et un refuge rare sur les côtes littorales. Il nous semble donc important d’élargir la conversation, et pourquoi pas d’aller à la rencontre des gestionnaires ?   Le Geai, le Pigeon, la Grive et la barre rocheuseJuste sous la petite barre rocheuse en dessous du lycée professionnel de la Viste, quelques chênes pubescents forment une chênaie, relique de l’ancien domaine de Foresta. 

La forêt de chênes pubescents

Ces arbres hébergent le Geai des chênes, un beau corbeau bleu qui se régale de glands qu’il amasse, cache et oubli, jardinant ainsi les forets de demain. En chemin, nous trouvons également des os de pigeons parfaitement nettoyés, Patrick Bayle nomme et situe chacun d’entre eux : un bassin, des os de pattes, d’aile, un os d’épaule et un autre situé au niveau du sternum, qui n’existe que chez les oiseaux.

Les os du pigeon près de la barre rocheuse

En grimpant un peu dans la forêt, dans la barre rocheuse, se cache une grotte, à l’intérieur, plusieurs variétés de coquilles d’escargot brisées indiquent l’emplacement d’une forge. La forge est utilisée par des oiseaux comme la grive musicienne, entendue ce matin, ils coincent les coquilles entre deux cailloux pour les maintenir et les briser à coup de bec. C’est donc un peu l’atelier de cuisine de la grive…  

Le Serin et le PinDans les milieux ouverts qui composent une grande partie de Foresta, il y a beaucoup de pins isolés. Depuis celui-ci, le chant puissant et virtuose du Serin cini se fait entendre. Le serin chante son territoire, et le marque. Aux mâles, il signifie ainsi sa présence : ne viens pas, je suis chez moi… Aux femelles il signifie tout autant sa présence avec une nuance : rejoins-moi, je suis chez moi…

Un milieu ouvert avec des arbres isolés

Le Goéland et la villeAu début du XXe siècle, un naturaliste britannique s’extasiait au cours d’une « expédition » sur les iles marseillaises de la centaine de couples de goélands qui y nichait. Aujourd’hui, c’est des milliers de couples de Goéland leucophée qui résident à Marseille. Surnommés éboueurs, ils sont des indicateurs de nos modes de vie si producteurs de déchets. Comme quoi la nature bouge, les milieux évoluent, d’autant plus quand ils sont fortement anthropisés, les espèces ne sont pas figées dans leur devenir. Ce qui est abondant peu devenir rare et vice-versa. 

La forêt d’arbustes

Les arbustes et la FauvetteAu début du Vallon nous conduisant vers le Parc Brégante, on retrouve la colline non remblayée et ses sources. La densité d’arbustes très importante offre des caches et des habitats propices à toutes une série d’oiseaux merle, rossignol, mésange… Nous entendons le cri d’alarme de la fauvette mélanocéphale, la seule des cinq fauvettes méditerranéennes à vivre en milieu urbain.Écoutons là, car jamais nous ne la verrons. Elle fait partie de ces oiseaux avec lesquels nous vivons, que nous entendons, mais qui jamais ne se montrent à nos yeux.  A Foresta déjà 76 espèces oiseaux ont été observées.    

Une façade maritime hospitalière

Pour aller plus loin ou transmettre vos observations Atlas des oiseaux nicheurs de Marseille, coordonné par Eric Barthelemy, Delachaux et Niestlé 2015https://www.faune-paca.org/Dessins : Stéphane Brisset (SAFI)Photos : Robert Duband (un habitant participant)

More Informations

Conversation marchée à Foresta #2 – Mercredi 13 Mars 2019

Avec Patrick Bayle, naturaliste et responsable du pôle Biodiversité à Marseille.
Les Conversations marchées invitent des scientifiques, écologues, botanistes, naturalistes… à éclairer notre regard. Elles nous donnent à voir et à comprendre ce qui constitue nos paysages de proximité, les enjeux qui les traversent et en quoi ils participent d’un écosystème.
Pour cette deuxième Conversation marchée, Patrick Bayle notre invité nous propose de découvrir les oiseaux qui nichent ou traversent le parc de Foresta. Il nous invite à observer les éléments qui conditionnent la venue de cette avifaune, les facteurs limitant ou favorisant leur développement et à suivre les indices qui nous laissent deviner leur présence sur le terrain.

Cette promenade s’inscrit dans un programme de 5 ans du projet Nature 4 City Life (2017-2022) qui veut favoriser une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique. En partenariat avec Yes We Camp dans le cadre du projet Foresta, parc métropolitain.

Trame verte pratiquée

24 mars, trame verte pratiquée #2 Départ

Nous marchons sur une piste végétale à la recherche du pollen. Cette poussière mystérieuse, à peine perceptible et à l’origine de la reproduction d’une grande partie des végétaux. En ce début de printemps elle est incrustée dans l’asphalte, elle nous indique le chemin. Nous allons suivre cette piste en portant notre attention sur ceux qui la pratiquent et la composent…

LE GRAIN DE POLLEN

Comme son nom l’indique il est un véhicule ! “Pollen” vient du grec ancien palúnō « je répands, je diffuse».

Il transporte les cellules végétales mâles jusqu’à l’ovule femelle. Mais c’est un véhicule un peu particulier qui ne sait pas se déplacer par lui-même…

Pour relier les plantes les unes aux autres et leur permettre de se reproduire il doit se laisser aller aux vents de passage, ou faire du stop auprès de certains insectes. Pour le vent c’est plutôt simple, mais pas forcément le plus efficace, il beaucoup de grains lancés pour que certains arrivent à bon port. Pour les insectes, les plantes ont fait un petit pacte avec eux: fécondation contre nourriture. Ils trouvent à manger dans la plante et au passage embarquent le pollen. Mais au-delà de ce pacte autour de la nourriture, les plantes sont quand même obligées de les piéger un peu: couleurs, formes adaptées pour être confondues avec un autre insecte, odeurs… Toute cette inventivité permet d’attirer plus facilement les insectes et d’aider les grains de pollen à voyager!

LA TRAME VERTE

La trame verte est une idée, une démarche humaine et une circulation nécessaire du vivant. Elle est issue du Grenelle de l’Environnement à la fin des années 2000.

Elle est la piste du pollen et de toutes ses interactions avec les insectes et le vent.

Son rôle est de relier ce qui reste d’îlots de nature dans la ville et de permettre à tous les êtres vivants de circuler, s’alimenter, de se reproduire, se reposer… de vivre!

On appelle ces voies qui relient des corridors écologiques. Le pollen est une poussière éclaireuse, elle révèle la trame à tous…

Collectif SAFI – Lecture apis melifèra – Dessin réalisé en marchant par Françoise Manson

L’ABEILLE SAUVAGE

Nous sommes inquiets de la chute massive du nombre d’insectes pollinisateurs (40% sont en déclin). Nous avons raison de l’être mais parfois nous simplifions un peu les questions, par exemple en ne nous intéressant qu’à celui le plus connu!

Dans la famille des abeilles il y a 20 000 espèces d’insectes solitaires ou sociaux.

L’abeille domestique – Apis mellifera- est celle qui s’adapte le mieux à la vie en ruche.  Elle fournit, le miel, la cire, le pollen, la propolis… et participe à la pollinisation des plantes sauvages et de 80 % des plantes cultivées. Elle a développé une technique que ne pratiquent pas les abeilles sauvages: La danse de communication. Une fois que l’une d’entre elles a trouvé un bonne ressource de nourriture elle prévient ainsi ses collègues. En tant qu’abeilles plus solitaires,  les sauvages sont moins productives mais elles pollinisent des sources plus nombreuses et variées. Si leurs cousines apis meliffera sont trop nombreuses elles peuvent indirectement les chasser de leurs territoires. Nous devons veiller à cet équilibre et ne pas percevoir comme un danger leurs habitats qui ne ressemblent pas forcément à une ruche !

LE PARC

Un parc est jardiné quotidiennement pour satisfaire les usages et les représentations souvent visuelles des humains. Mais d’autres espèces vivent là ou s’y rendent tous les jours, pour se protéger et se reposer mais aussi pour se nourrir dans des plantes “attractives”. Une plante est attractive lorsque sa fleur contient du nectar ou du pollen abondant, nutritif ou appétissant. Elle peut ensuite jouer son rôle dans la circulation des insectes. Soit elle attire les insectes de manière massive et permet au passage la pollinisation d’espèces moins attractives, ou au contraire elle capte tous les insectes disponibles et diminue les chances des plantes moins attractives (ce peut être le cas d’une plante nouvellement introduite par exemple).

Du point de vue des insectes pollinisateurs, un parc n’est donc pas attractif que par son abondance de fleurs. La qualité du nectar qu’on y trouvera est déterminant c’est pourquoi il est important de jardiner en plantant des fleurs nectarifères et bien adaptées à l’écosystème en place.

Et pour finir cette expérience physique de la trame verte, nous descendons tout le massif de la Nerthe chaussés de lunettes à “vision insecte” pour suivre les flux qui les guident et mieux en comprendre les enjeux. La vision des insectes est cinématographique, elle est adaptée au mouvement et permet une netteté d’images à 30 km/heure. Les insectes ont un spectre coloré différent du nôtre et perçoivent nettement l’ultraviolet.  Souvent, les fleurs jaunes pures comme le genêt réfléchissent l’ultraviolet.

Elles deviennent alors des signaux dans le paysage, facile à identifier pour l’insecte et aujourd’hui pour l’humain à lunettes que nous sommes !

More Informations

Trame verte pratiquée –  Samedi 23 mars 2019
Du massif de la Nerthe au parc métropolitain de Foresta.

 

Une tentative d’exploration pédestre d’un sentier écologique et cohérent qui nous invite à observer les stratégies de dispersion du pollen, des graines, des insectes pollinisateurs et à imaginer ces flux comme des cheminements possibles d’un milieu à l’autre.

 

Cette promenade proposée par SAFI s’inscrit dans un programme de 5 ans du projet Nature 4 City Life (2017-2022) qui veut favoriser une meilleure intégration de la nature dans le projet urbain dans un contexte de changement climatique. En partenariat avec Yes We Camp dans le cadre du projet Foresta, parc métropolitain.