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Les récits de Foresta

Prendre le temps d’observer collectivement Foresta…

Il était une fois au nord de Marseille un site exceptionnel, une colline argileuse au dessus de la mer. Longtemps, on y a cultivé la vigne et prélevé la matière première pour des ateliers de poterie. Au XIXe siècle, la colline a renoncé peu à peu à ses activités agricoles et artisanales pour alimenter les tuileries du bassin de Séon et accueillir des quartiers industrieux et populaires.

Le château du Marquis de Foresta surplombait la colline jusqu’à ce que les batteries allemandes du Frioul le bombardent en 1944. L’exploitation de la carrière avait alors cessé et la pinède bastidaire où les familles du quartier venaient pique-niquer le dimanche est devenu un terrain d’aventures entre les ruines.

Quelques décennies plus tard, le projet de centre commercial Grand Littoral redessine les pentes et le paysage. L’espace en contrebas devient “la coulée verte”, identifiée dans les plans d’urbanisme comme grand site à vocation sportive ou de loisirs. Mais le temps semble se suspendre pour ces terrains qui, en dépit de ces intentions, sont depuis des années à la limite de l’abandon.

Par de multiples marches d’exploration, nous prenons le temps de collectivement observer Foresta.

Au travers ses sols, ses arbres, ses paysages, ce site a beaucoup à nous apprendre sur la biodiversité en ville mais aussi sur l’histoire industrielle et sociale de Marseille.  En collectant et racontant ses multiples histoires nous espérons contribuer à prendre soin de ces lieux et à les vivre en commun.


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Les promenades sonores

Des promenades sonores autour du GR2013

Des artistes, des documentaristes et des habitants ont composé ces parcours sonores pour vous faire partager à leur façon, entre exploration d’endroits méconnus et regard décalé du connu, le territoire de Marseille Provence.

Les Promenades sonores se téléchargent librement sur ce site puis s’écoutent in situ, dans un paysage et dans une situation choisie. Ces balades proposent un voyage sonore lié à la marche, à l’arpentage qui permet de ralentir, de changer d’échelle, de se glisser dans les interstices de la ville, dans ses usages, d’observer les traces.

Elles voisinent avec le GR2013, avec qui elles partagent parfois le tracé, mais surtout le dessin ou l’imaginaire d’une métropole invisible : celle des lisières et des usages, entre ville et nature, industries et agriculture, autoroutes et chemins buissonniers.
On y entend ainsi des sons naturels, des voix d’habitants, des personnages de fictions, autant de récits qui documentent, musicalisent ou poétisent la découverte à pied du territoire.

Les Promenades sonores sont nées d’une réflexion de la radio culturelle marseillaise Radio Grenouille à l’annonce du titre de Capitale européenne de la culture attribué à la ville en 2013 :

– Que signifie « valoriser le territoire » ?

– De quels territoires parle t-on dans une capitale européenne de la culturelle?

– A qui s’adresse l’offre culturelle de la future capitale ?

– Comment rendre visible les invisibilités de la ville sans pour autant les faire disparaître par le simple fait de leur révélation ?

– Comment valoriser le rapport et la connaissance des habitants de leur territoire, les impliquer dans de la fabrication de récit collectif à partir des récits singuliers ?

– Comment s’adresser à beaucoup de gens tout en restant dans un art de la discrétion ?

– Comment raconter, quels récits proposer à celui qui vient d’ici, à celui qui vient de loin?

– Qu’est-ce qu’être touriste, pouvons-nous être touriste de notre propre territoire ?

De ces questionnements, est venue l’envie de développer un travail autour de l’écriture de « Promenades sonores » (Soundwalks), susceptibles de proposer une forme pertinente pour inviter un public -de l’habitant au visiteur – à pratiquer de manière à la fois sensible et documentée le territoire local.

Auteurs : Radio Grenouille-Euphonia, Julie de Muer et plus de 30 auteurs (artistes et habitants).

ON CULTIVAIT LES ÉTOILES

Christophe ModicaSainte-MartheMarseille 13014 

L’EFFACEMENT

Xavier Thomas

La Cabucelle

Marseille 13015

LA CROISIÈRE DES SPECTRES

Jean-Pierre Ostende

Pharo, Marseille 13007

WALK MY MEMORIES

Lionel Kasparian et Elodie Presles

Saint-Barnabé, Marseille 13012

PLAN B

Compagnie Amanda Pola

Cité Radieuse, Marseille 13008

MANGER OU ÊTRE MANGÉ

Emmanuelle Bentz et Julien Hô Kim

Châteauneuf-les-Martigues

HIATUS

Par Ce Passage Infranchi

Port-de-Bouc

FICTION CORPORELLE MARSEILLE : SE SENTIR AUX DIMENSIONS DE L’AGGLOMÉRATION

Boris Nordmann

LE SOUFFLEUR

Christophe Perruchi

La Plaine, Marseille 13006

L’OM ET LE BON DIEU

Mehdi Ahoudig (ARTE Radio)

Saint-Julien, Marseille 13012

JOUR OUVRABLE

Ici-Même [Tous Travaux d’Art]

Belsunce, Marseille 13001

EN MARCHE

Julie De Muer

TER_RAZZE !

Natacha Muslera

Noailles, Marseille 13001

L’INSOLITE HISTOIRE DE ZOHRA BENCITRI

André Lévèque

Salon-de-Provence

LES GENS DE LA GARE

Christophe Modica

Cabriès

GRAND PAYSAGE

Agence Touriste (Thierry Lafollie – Mathias Poisson – Virginie Thomas)

LE CAMPEO

Julie De Muer

Martigues

QUARTIERS EST, ENTRE HUVEAUNE ET COLLINES

Rives et Cultures et Nelly Flecher

Vallée de l’Huveaune, Marseille 13011

L’ENTREVUE

Xavier Thomas

Istres

LES FEUX DE SAINT-ANTOINE

Julie De Muer

Saint-Antoine, Marseille 13015

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L’Eygoutier

Le canal de la Rode, été 2018

En même temps qu’il détourne le Las, Vauban en fait de même avec l’Eygoutier qui formait une sorte de petit delta marécageux au niveau de l’actuel Port Marchand et envoyait ses sédiments dans la petite rade. On l’appelle aussi “rivière des amoureux” ce qui serait en fait une déformation de “rivière des muriers”.

L’Eygoutier fut donc dirigé vers l’autre côté de la pointe de la Tour Royale, côté grande rade, d’abord par un chenal au parcours alambiqué qui correspond à l’actuel boulevard Cunéo, puis via un tunnel rectiligne qui passe sous la butte du Mourillon jusqu’à l’une des digues des plages artificielles, entre l’anse de la Source et l’anse Mistral. Rien n’y signale le débouché de ce petit fleuve côtier, qui ne pourrait pas rejoindre la mer plus discrètement.

Ce que beaucoup appellent le canal de la Rode, cette grande tranchée de béton le long de laquelle on trouve des terrains de tennis et de grands immeubles de bureau et d’appartement, est donc un fleuve.

C’est la peur des inondation, et la volonté d’apporter une réponse pragmatique qui ont construit ce paysage, qui n’est pas sans rappeler la Los Angeles River et la fameuse course poursuite à moto de Terminator 2. Le cours d’eau n’était perçu qu’en tant que nuisance ou danger potentiel, une chose à évacuer le plus vite possible.

Actuellement on assiste à un basculement, un glissement, dans tous les domaines qui relèvent de l’aménagement du territoire. On cherche de plus en plus à “faire avec” les éléments naturels, et notamment les cours d’eau, et plutôt que d’accélérer l’écoulement de l’eau pour vite s’en débarrasser, on va de plus en plus chercher à le ralentir, à absorber sa force, notamment avec des berges douces et des ripisylves. On dit en effet qu’un fleuve a la force qu’on lui oppose. C’est donc toute une génération d’ouvrages comme celui-ci, datant pour la plupart du Xxème siècle, qui ont vocation à évoluer vers d’autres formes, des formes qui vont mettre en scène la possibilité d’un dialogue avec le vivant, avec les éléments, avec la Terre, et qui ne seront plus seulement la démonstration d’une volonté de domestication généralisée du monde.

Si les prévisions d’augmentation de la température moyenne annuelle se confirment pour 2100 (+2 à +7°C à Toulon selon le GREC) c’est bientôt nous, humains, qui allons supplier ce type de petits cours d’eau de bien vouloir nous apporter de la fraicheur et de l’ombre par les arbres qu’ils irriguent en chemin.

Entre deux Provences

Si le Las prend source au sud du vaste plateau karstique du Siou Blanc et descend vers la mer dans une vallée encaissée aux allures de petite montagne, l’Eygoutier, lui, prend source dans un ancien marais aujourd’hui en grande partie couvert de remblais : l’Estagnol. Le long de l’Eygoutier, on rencontre du schiste, du grès et peu de calcaire.

Remonter ces deux petits fleuves rend bien compte de la charnière à laquelle se trouve la métropole Toulonnaise, entre Provence Cristalline et Provence Calcaire. Et cette distinction géologique se lit partout, dans les vieux murs de la métropole : ponts, maisons, églises, restanques, limites de propriétés, dalages… On a parfois des murs qui mélangent le calcaire et le grès voire le schiste. Toulon est plutôt calcaire, Hyères plutôt schisteuse, le Pradet ou la Crau sont en grande partie de grès mais d’un coin à l’autre, toutes se mélange même si la pierre la plus utilisée au XXeme siècle restera le béton armé.

L’autre tunnel

Au niveau de la porte des Oliviers, ce grand rond-point en forme d’os à moelle qui est aussi l’entrée est du tunnel de Toulon, l’Eygoutier, se couvre pour passer sous l’autoroute, dans le noir, et la longer par en dessous, sur un kilomètre, vers l’est. Des adolescents s’y donnent rendez-vous, s’y font peur et y prennent aussi le frais dans l’obscurité.

Certains remontent le fleuve jusqu’au bout et rejoignent la piste cyclable, celle qui a été aménagée sur l’ancien chemin de fer. Ce train suivait plus ou moins la côte jusqu’à Saint-Tropez en longeant sur les premiers kilomètres le petit fleuve de l’Eygoutier.

Le nouveau déversoir du Pont de la Clue (Le fleuve arrive depuis la droite. Sous le pont en haut à gauche de la photo l’Eygoutier part vers Toulon. En bas, le déversoir vers le tunnel d’évacuation), printemps 2019

Renaissance

Aujourd’hui nous sommes notamment accompagnés de Rudy Nicolau, Directeur du Syndicat de Gestion de l’Eygoutier, et Guirec Quefelou, chef du service Gestion des Milieux Aquatiques et des Zones Humides à la Métropole Toulon Provence Méditerranée.

Ils nous expliquent comment l’Eygoutier était jusqu’à récemment généralement moribond, sauf en période de pluie. Le fond de l’eau était souvent boueux, l’eau quasi stagnante. Cela était dû à un ouvrage, plus en amont, au pont de la Clue, un ouvrage qui dans son ancienne configuration, envoyait l’essentiel de l’Eygoutier directement vers la mer via un tunnel d’évacuation (le tunnel de la Clue). En effet, ce n’était que le trop plein, lors des épisodes de forte pluie, qui partait vers le lit du fleuve, direction Toulon.

Depuis 1984, un batardeau automatique était censé envoyer un débit minimum vers le fleuve mais le système était défaillant et ce n’est que depuis le début de cette année 2019, après des mois de travaux, que l’ouvrage fonctionne enfin comme prévu et que le fleuve a retrouvé un débit minimum. Et ça se voit. L’eau est claire, on voit des poissons, notamment les fameux barbeau méridionaux mais aussi des anguilles. Les sédiments sont à nouveau roulés lentement vers l’aval. Le lit de sable et de gravier s’est éclairci.

L’Eygoutier canalisé au plan de la Garde, printemps 2019

Renaturation

En amont du pont de la Clue, l’Eygoutier traverse le Plan de la Garde, ce vaste espace plan avec ses cultures maraîchères, centres équestres, pâturages et serres horticoles. C’est là que le Département travaille depuis 20 à l’ouverture d’un parc nature de 130 hectares, avec jardins familiaux, plans d’eau, observatoires ornithologiques, et une maison de la nature, encore en construction pour le moment.

Il y a des siècles, ce grand marais a été fortement remanié, travaillé, jusqu’à obtenir des terres cultivables parcourues de canaux, un peu comme la plaine du Comtat Venaissin avec les fameuses sorgues. L’Eygoutier dans cette histoire, a été transformé en un grand fossé rectiligne, jusqu’à ce que les aménageurs du parc nature ne décident sa “reméandration” artificielle. On lui a dessiné un parcours en zig zag, pour allonger son cours, l’étirer, tout en le dotant de berges adoucies avec ripisylves. Ce n’est pas vraiment un retour à la situation préalable puisqu’on a pas recréé le marais d’antan, mais une opération humaine visant à atteindre un état écologique et paysager jugé “bon” par le développement plus ou moins spontané d’espèces vivantes (poissons, batraciens, insectes, oiseaux, végétaux). C’est ce qu’on appelle la “renaturation”, un concept ici poussé assez loin puisqu’on a par exemple scalpé la couche supérieure du sol contenant les graines et les bulbes, remodelé le terrain, creusé des bassins et dépollué ce qui devait l’être avant d’épandre à nouveau cette couche de sol sur toute une partie du parc, ce qui a donné plutôt de très bons résultat (explosion de fleurs au printemps 2018 et chaque année depuis).

Le concept n’est pas neuf. Rappelons par exemple que le mont Faron était devenu totalement chauve jusqu’à ce qu’on ne le reboise pendant la seconde partie du XIXeme siècle, en semant des graines de pins dans de grands trous creusés dans la pierre à la pioche. On cherchait ainsi à limiter l’érosion du Faron qui aurait pu contribuer à ensabler la rade (toujours cette même crainte). La renaturation du plan de la Garde, elle, a plutôt une vocation paysagère et pédagogique.

L’ancien marais de l’Estagnol, été 2019

Trouver la source

Plus en amont encore, l’Eygoutier reprend son profil de canal rectiligne, il devient de plus en plus difficile à suivre et on le perd parfois. Il va repasser sous l’autoroute, longer la Zone d’Activité de Gavary où se côtoient notamment un parc d’attraction pour enfants, un important ferrailleur et l’une des églises des frères de Plymouth. Puis c’est enfin l’Estagnol, ce marais, qu’on pourrait décrire comme un col. Un col excessivement plat, entre le bassin versant de l’Eygoutier à l’ouest et celui du Roubaud à l’est. L’Estagnol était donc ce marais, cette éponge qui donnait naissance à deux petits fleuves côtiers symétriques.

Traversé par la voie de chemin de fer de Hyères, bordé au nord par l’autoroute A570 et le canal Jean Natte (XVeme siècle), c’est un espace qu’on a toujours cherché à combler, à assécher, à remblayer. Une partie importante du site sert de dépôt de produit de chantiers (sables, graviers), on y a installé une déchetterie puis plus récemment des terrains de sport. On a même pensé un moment y construire un grand centre logistique Carrefour avec embranchement ferré, avant de renoncer.

Lorsque l’on se promène à pied sur le terrain à l’est du fossé stagnant de l’Eygoutier, on reconnaît différents matériaux dans ce sol aride : restes de potelets en béton, gravier, parpaings, pierres de parement, sable, plâtre. Des projets de renaturation sont également à l’étude, comme au plan de la Garde, mais dans un version sans doute moins accessible au public. Des questions se posent : faut-il remettre le site dans son état initial avant les remblais si tant est que cela soit possible? Que faire avec les espèces protégées qui ont fini par pousser sur les remblais?

Au sud de l’Estagnol, sur le flanc nord de la colline du Paradis, à l’arrière des lotissements du quartier de la Moutonne, on découvre entre les hautes herbes, dans un creux, sous les chênes verts, un petit filet d’eau qui s’écoule d’un tuyau dans un ouvrage modeste en béton formant un petit nymphée. C’est cette petite source, qui tourne le dos à la mer, que l’on considère donc comme l’origine de l’Eygoutier.

La source de l’Eygoutier à la Moutonne, été 2019

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Conversation marchée #2

Portrait de Patrick Bayle
Portrait de Patrick Bayle

Le vent s’est levé ce matin sur Foresta et Patrick Bayle est notre invité. Naturaliste de formation, il a participé à la rédaction de fiches d’observation pour l’Atlas des oiseaux à Marseille, a travaillé au Musée d’Histoire Naturelle de Marseille et à la ville où il est aujourd’hui en charge de la biodiversité. Il nous prévient, pour l’observation des oiseaux le vent, l’horaire tardif, il est 9 h 30, et le groupe ne sont pas des conditions favorables. Mieux vaut se déplacer au petit matin ou au coucher du soleil, en solitaire ou en petit nombre. Nous partons donc simplement en quêtes des écosystèmes qui pourraient abriter des oiseaux et des traces qui nous indiquerait leurs présences.   Le Grèbe castagneux, la façade maritime et le bassin de rétentionComme les autres oiseaux migrateurs, le Grèbe castagneux aborde Marseille par la façade maritime. Après une traversée transméditerranéenne, il arrive sur les côtes épuisé et découvre à Foresta une halte rare, avec des habitats, de la nourriture et peu de prédateurs (moins que dans les iles.) Foresta est structuré autour de deux bassins de rétention d’eau. Malgré leur caractère artificiel ces bassins, dont la qualité première est de ne pas avoir été bétonné, ont évolué en roselière. Ce sont des zones humides, assez uniques à Marseille, qui attirent des espèces aquatiques pour s’y reproduire ou pour une halte migratoire. En 2014, Le Grèbe a été aperçu en période de reproduction dans ces bassins.

  Ces bassins sont gérés comme des ouvrages techniques, aujourd’hui nous constatons que le bassin est vidangé, sans doute par souci de maintenance, par méconnaissance de sa valeur écologique et paysagère ou pour lutter contre le moustique tigre. Mais maintenu en eau et géré comme un écosystème vivants le bassin n’offrirait pas d’habitat propice au Moustique tigre, qui préfère largement les coupelles d’eau stagnante oubliées au fond du jardin… Une meilleure gestion offrirait aux oiseaux un point d’eau douce et un refuge rare sur les côtes littorales. Il nous semble donc important d’élargir la conversation, et pourquoi pas d’aller à la rencontre des gestionnaires ?   Le Geai, le Pigeon, la Grive et la barre rocheuseJuste sous la petite barre rocheuse en dessous du lycée professionnel de la Viste, quelques chênes pubescents forment une chênaie, relique de l’ancien domaine de Foresta. 

La forêt de chênes pubescents

Ces arbres hébergent le Geai des chênes, un beau corbeau bleu qui se régale de glands qu’il amasse, cache et oubli, jardinant ainsi les forets de demain. En chemin, nous trouvons également des os de pigeons parfaitement nettoyés, Patrick Bayle nomme et situe chacun d’entre eux : un bassin, des os de pattes, d’aile, un os d’épaule et un autre situé au niveau du sternum, qui n’existe que chez les oiseaux.

Les os du pigeon près de la barre rocheuse

En grimpant un peu dans la forêt, dans la barre rocheuse, se cache une grotte, à l’intérieur, plusieurs variétés de coquilles d’escargot brisées indiquent l’emplacement d’une forge. La forge est utilisée par des oiseaux comme la grive musicienne, entendue ce matin, ils coincent les coquilles entre deux cailloux pour les maintenir et les briser à coup de bec. C’est donc un peu l’atelier de cuisine de la grive…  

Le Serin et le PinDans les milieux ouverts qui composent une grande partie de Foresta, il y a beaucoup de pins isolés. Depuis celui-ci, le chant puissant et virtuose du Serin cini se fait entendre. Le serin chante son territoire, et le marque. Aux mâles, il signifie ainsi sa présence : ne viens pas, je suis chez moi… Aux femelles il signifie tout autant sa présence avec une nuance : rejoins-moi, je suis chez moi…

Un milieu ouvert avec des arbres isolés

Le Goéland et la villeAu début du XXe siècle, un naturaliste britannique s’extasiait au cours d’une « expédition » sur les iles marseillaises de la centaine de couples de goélands qui y nichait. Aujourd’hui, c’est des milliers de couples de Goéland leucophée qui résident à Marseille. Surnommés éboueurs, ils sont des indicateurs de nos modes de vie si producteurs de déchets. Comme quoi la nature bouge, les milieux évoluent, d’autant plus quand ils sont fortement anthropisés, les espèces ne sont pas figées dans leur devenir. Ce qui est abondant peu devenir rare et vice-versa. 

La forêt d’arbustes

Les arbustes et la FauvetteAu début du Vallon nous conduisant vers le Parc Brégante, on retrouve la colline non remblayée et ses sources. La densité d’arbustes très importante offre des caches et des habitats propices à toutes une série d’oiseaux merle, rossignol, mésange… Nous entendons le cri d’alarme de la fauvette mélanocéphale, la seule des cinq fauvettes méditerranéennes à vivre en milieu urbain.Écoutons là, car jamais nous ne la verrons. Elle fait partie de ces oiseaux avec lesquels nous vivons, que nous entendons, mais qui jamais ne se montrent à nos yeux.  A Foresta déjà 76 espèces oiseaux ont été observées.    

Une façade maritime hospitalière

Pour aller plus loin ou transmettre vos observations Atlas des oiseaux nicheurs de Marseille, coordonné par Eric Barthelemy, Delachaux et Niestlé 2015https://www.faune-paca.org/Dessins : Stéphane Brisset (SAFI)Photos : Robert Duband (un habitant participant)

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Trame verte pratiquée

24 mars, trame verte pratiquée #2 Départ

Nous marchons sur une piste végétale à la recherche du pollen. Cette poussière mystérieuse, à peine perceptible et à l’origine de la reproduction d’une grande partie des végétaux. En ce début de printemps elle est incrustée dans l’asphalte, elle nous indique le chemin. Nous allons suivre cette piste en portant notre attention sur ceux qui la pratiquent et la composent…

LE GRAIN DE POLLEN

Comme son nom l’indique il est un véhicule ! “Pollen” vient du grec ancien palúnō « je répands, je diffuse».

Il transporte les cellules végétales mâles jusqu’à l’ovule femelle. Mais c’est un véhicule un peu particulier qui ne sait pas se déplacer par lui-même…

Pour relier les plantes les unes aux autres et leur permettre de se reproduire il doit se laisser aller aux vents de passage, ou faire du stop auprès de certains insectes. Pour le vent c’est plutôt simple, mais pas forcément le plus efficace, il beaucoup de grains lancés pour que certains arrivent à bon port. Pour les insectes, les plantes ont fait un petit pacte avec eux: fécondation contre nourriture. Ils trouvent à manger dans la plante et au passage embarquent le pollen. Mais au-delà de ce pacte autour de la nourriture, les plantes sont quand même obligées de les piéger un peu: couleurs, formes adaptées pour être confondues avec un autre insecte, odeurs… Toute cette inventivité permet d’attirer plus facilement les insectes et d’aider les grains de pollen à voyager!

LA TRAME VERTE

La trame verte est une idée, une démarche humaine et une circulation nécessaire du vivant. Elle est issue du Grenelle de l’Environnement à la fin des années 2000.

Elle est la piste du pollen et de toutes ses interactions avec les insectes et le vent.

Son rôle est de relier ce qui reste d’îlots de nature dans la ville et de permettre à tous les êtres vivants de circuler, s’alimenter, de se reproduire, se reposer… de vivre!

On appelle ces voies qui relient des corridors écologiques. Le pollen est une poussière éclaireuse, elle révèle la trame à tous…

Collectif SAFI – Lecture apis melifèra – Dessin réalisé en marchant par Françoise Manson

L’ABEILLE SAUVAGE

Nous sommes inquiets de la chute massive du nombre d’insectes pollinisateurs (40% sont en déclin). Nous avons raison de l’être mais parfois nous simplifions un peu les questions, par exemple en ne nous intéressant qu’à celui le plus connu!

Dans la famille des abeilles il y a 20 000 espèces d’insectes solitaires ou sociaux.

L’abeille domestique – Apis mellifera- est celle qui s’adapte le mieux à la vie en ruche.  Elle fournit, le miel, la cire, le pollen, la propolis… et participe à la pollinisation des plantes sauvages et de 80 % des plantes cultivées. Elle a développé une technique que ne pratiquent pas les abeilles sauvages: La danse de communication. Une fois que l’une d’entre elles a trouvé un bonne ressource de nourriture elle prévient ainsi ses collègues. En tant qu’abeilles plus solitaires,  les sauvages sont moins productives mais elles pollinisent des sources plus nombreuses et variées. Si leurs cousines apis meliffera sont trop nombreuses elles peuvent indirectement les chasser de leurs territoires. Nous devons veiller à cet équilibre et ne pas percevoir comme un danger leurs habitats qui ne ressemblent pas forcément à une ruche !

LE PARC

Un parc est jardiné quotidiennement pour satisfaire les usages et les représentations souvent visuelles des humains. Mais d’autres espèces vivent là ou s’y rendent tous les jours, pour se protéger et se reposer mais aussi pour se nourrir dans des plantes “attractives”. Une plante est attractive lorsque sa fleur contient du nectar ou du pollen abondant, nutritif ou appétissant. Elle peut ensuite jouer son rôle dans la circulation des insectes. Soit elle attire les insectes de manière massive et permet au passage la pollinisation d’espèces moins attractives, ou au contraire elle capte tous les insectes disponibles et diminue les chances des plantes moins attractives (ce peut être le cas d’une plante nouvellement introduite par exemple).

Du point de vue des insectes pollinisateurs, un parc n’est donc pas attractif que par son abondance de fleurs. La qualité du nectar qu’on y trouvera est déterminant c’est pourquoi il est important de jardiner en plantant des fleurs nectarifères et bien adaptées à l’écosystème en place.

Et pour finir cette expérience physique de la trame verte, nous descendons tout le massif de la Nerthe chaussés de lunettes à “vision insecte” pour suivre les flux qui les guident et mieux en comprendre les enjeux. La vision des insectes est cinématographique, elle est adaptée au mouvement et permet une netteté d’images à 30 km/heure. Les insectes ont un spectre coloré différent du nôtre et perçoivent nettement l’ultraviolet.  Souvent, les fleurs jaunes pures comme le genêt réfléchissent l’ultraviolet.

Elles deviennent alors des signaux dans le paysage, facile à identifier pour l’insecte et aujourd’hui pour l’humain à lunettes que nous sommes !

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Une monographie du quartier Thiers

Une monographie du quartier Thiers autour des rues Senac, Curiol et Thiers par Nicolas Mémain.

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MÉTROPOLE COMMUNE – Étape 2

Balade du centre commercial de Plan-de-Campagne à celui de Grand Littoral (Les Pennes-Mirabeau, Septêmes-les-Vallons, Marseille).

Mardi 21 avril 2015 – LE GRAND NORD : Du centre commercial de Plan-de-Campagne au centre commercial Grand Littoral

D’une zone commerciale à l’autre, de la frontière communale Cabriès / Les Pennes-Mirabeau à Marseille à travers Septèmes-les- Vallons, de CPA à MPM, du coeur de la métropole à l’entrée de grande ville, des bords du plateau de l’Arbois à la vallée des Aygalades, à travers les autoroutes, le canal et les lignes à haute tension.

A cette altitude-là, le dôme de pollution grisâtre qui colle à Marseille se repère avant le rivage . Puis des zébrures laissées par les sillages de toujours plus de navires rayent la mer qui soudain laisse place à la terre – plutôt au béton d’ailleurs. Le couloir de migration méditerranéen ramène au printemps les canards partis hiverner en Afrique. Depuis la rive, il ne leur faut pas cinq minutes pour atteindre le centre commercial de Plan-de-Campagne, qu’ils laisseront derrière eux pour aller se poser sur les premiers lacs des Alpes, loin des mouvements des hommes. Derrière un coteau, sur fond de campagne d’Aix-en-Provence, apparaissent d’immenses boîtes plates et colorées posées sur du goudron noir.

Au musée des temps modernes

Le car dépose les randonneurs de la mission interministérielle pour le projet métropolitain Aix-Marseille-Provence sur un rond-point, entre Leclerc et Leroy-Merlin. Le centre commercial est le musée d’une époque, l’actuelle, où rien n’est encore assez vieux pour faire œuvre d’art et où l’on s’approvisionne de tout, surtout de trucs à faire et à raconter. Marseille et son pourtour compte d’ailleurs bien plus de centres commerciaux que de musées. On pourrait faire ici le musée des centres commerciaux tant leur évolution y est sédimentée.

Le plus ancien est Plan-de-Campagne. Dans cette forêt de panneaux publicitaires, les voitures se déversent par le torrent de l’avenue centrale jusqu’aux grands lacs de bitume des parkings. A 20 km de Marseille, l’une des plus grandes zones commerciales de France est née en 1960 sur le modèle américain, par l’investissement de quelques pieds-noirs, sur d’anciens terrains maraîchers entourés de marécages où elle n’a ensuite pas cessé de s’étendre.

La troupe de marcheurs traverse la zone comme des géologues parcourent un gisement de foraminifères en haute altitude : avec la fascination contenue des experts. Les clients du centre commercial habitent Port-de-Bouc, Martigues, Bouc-Bel-Air, Vitrolles, toutes ces villes nouvelles périphériques et industrielles où les ouvriers plongeaient dans le rêve pavillonnaire des années 70, à l’époque du tout voiture. Parmi les fidèles, il y a aussi ces Marseillais des quartiers pavillonnaires du nord qui ne veulent pas fréquenter le même centre que ceux vivant dans les cités qu’ils ont quittées. Consommateurs et salariés : la foule urbaine de Plan-de-Campagne ne vit que le jour dans cette ville postiche. «Il y a eu un urbanisme commercial spontané, bête noire de la DDE [Direction départementale de l’équipement, ndlr] qui a puni cet endroit en mettant des autoroutes partout», plaisante Laurent Couture, de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise. La stratégie récente est plutôt de «réinvestir massivement dans une offre de centre-ville à Marseille». Sans parler de l’impact certain du e-commerce. «Il y a deux fois plus de création de mètres carrés commerciaux que de besoins de pouvoir d’achat. Il y aura des morts, c’est une fuite en avant»,tranche Vincent Fouchier le directeur de la mission interministérielle. La victime sera un centre commercial. Lequel ? Quand ? Les duels ont toujours lieu à la fin des westerns.

Jean-Christophe Robert, président de l’association Filière paysanne, verrait bien Plan-de-Campagne revenir à la campagne, avec «des cultures pour une politique alimentaire territoriale». Mais une gare est dans les tuyaux. «Si on fait la gare, c’est pour assumer l’urbanisation», fait remarquer Vincent Fouchier.

Les marcheurs traversent en file le parking principal, grand comme quatre terrains de foot. Deux femmes se disputent pour une histoire de priorité. La nuit, de grandes manifestations de tuning ont lieu ici un vendredi par mois – sauvages mais tolérées. Des courses de voitures imitent celles des films américains, des filles y donnent le départ, comme des pom-pom girls marseillaises. Des transactions sont parfois effectuées la nuit entre voyous, dans le calme du début de semaine.

«Far West»

Le groupe s’enfonce dans des herbes hautes. La sortie de Plan-de-Campagne se fait sur une colline chatouillée par l’autoroute. Sous les «piliers en proue de bateau et les rambardes transatlantiques» du pont autoroutier que nous montre Nicolas Mémain, «street jockey», co-concepteur du sentier GR 2013 qui traverse la métropole, le flux incessant des voitures passe, indifférent comme l’écume.

De la ligne de crête qui marque la frontière entre la communauté du pays d’Aix et la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, l’urbaniste David Mangin voit une ville prendre ici la place du «Far West». On plisse les yeux et on imagine une ville dense, lumineuse, avec quelques toits végétalisés ; dans le ciel, des ballons dirigeables transporteurs de grosses charges comme ceux qui seront développés bientôt autour de l’étang de Berre.

Etirée par groupes de discussion, la troupe progresse vers Marseille en traversant des champs, des pins, puis une série de maisons identiques placées comme les spectateurs d’un théâtre – autoconstruction coopérative des Castors.

Avec l’autoroute à ses pieds, on peut d’ici aller travailler vers Aix aussi bien que vers Marseille ou l’étang de Berre. Un facteur sans casque roule d’une maison à une autre. C’est une vie de village, sans église ni mairie, mais avec des terrains de tennis, une école et un bon réseau de fibre optique.

L’ambiance fait place à une nouvelle quiétude pavillonnaire. Ce lotissement années 30 est un ensemble spontané où se logea la main-d’œuvre fabriquant les tuiles mécaniques provençales. Une immigration italienne et espagnole dont les boîtes aux lettres portent encore la trace. Déménager n’a pas été nécessaire aux héritiers pour assouvir une ascension sociale : le délitement immuable des structures sociales des quartiers Nord de Marseille tout proches a fortifié leur statut social. Derrière les portails videosurveillés, de gros aboiements de molosses laissent deviner aux promeneurs de passage l’état d’esprit probable des gens d’ici : la peur du déclassement.

Enfilade de cités

C’est au bout d’une descente bucolique à travers les herbes hautes et les iris mauves que saute aux yeux ce contre quoi on se protégeait plus haut : Marseille. Le quartier Notre-Dame-Limite, sur l’autre rive de l’autoroute, et derrière, Kallisté, cité très dégradée.

Succession de maisons de ville, familiales, pour certaines même avec de grands jardins, et des potagers collectifs. Un parc linéaire aménagé au-dessus du canal de Marseille borde pergolas et maisons de style colonial, on croise les promeneurs du quartier. Passés le moulin et un pont ferroviaire à voûte biseautée, la troupe pénètre le premier noyau villageois avec ses maisons sur deux à trois étages, son église et ses commerces de proximité. Puis elle effleure le ruisseau des Aygalades avant de s’élever vers la cité du Plan d’Aou, en passant par la Gare Franche, lieu culturel installé dans une de ces grandes bastides du temps de l’industrie florissante.

Pique-nique avalé, les marcheurs s’enfoncent dans la cité, où des types réparent une voiture, des jeunes vaquent à leur trafic illégal, des mères de famille font courir leurs marmots et des papas s’affrontent à la pétanque. La vue se dégage sur la mer en fond, le port et ses navires, grues et ponts tournants, puis une enfilade de cités : la Castellane, la Bricarde et le Plan d’Aou. «L’ambition publique est de relier les morceaux entre eux», explique Thierry Durousseau, architecte et urbaniste spécialiste du patrimoine marseillais du XXe siècle. Ici sera construite une route, là un chemin piéton, ces bâtiments seront détruits et ceux-là rénovés.

La batterie de DCA allemande placée sur cette falaise esquintée par les bombardements américains en fit une zone interdite ; le propriétaire vendit à la commune qui y construisit des logements pour la main-d’œuvre des industries du quartier, puis, avec la fin de la guerre d’Algérie, de grands ensembles normalisés de la même époque que la Bricarde et la Castellane, en contrebas.

Centre de vie

«Avec la main-d’œuvre coloniale, commence une intégration. Chaque population est progressivement remplacée par une immigration plus lointaine, avec de la concurrence au travail», raconte la sociologue Samia Chabani. La concurrence se fait désormais sur l’habitat. Ceux qui le peuvent rejoignent les villes nouvelles en périphérie, les autres s’entassent dans ces cités qui se détériorent.

Un centre commercial a néanmoins été posé là, immense. La troupe longe le flanc de colline pour le rejoindre. Grand Littoral a été édifié sur un bidonville, la Parette, le dernier à avoir été résorbé à Marseille, en 1995. De là-haut, la vue embrasse toute la rade nord de la ville dans une belle couleur argentée.

Un jeune homme vient y manger tous les jours, dans sa voiture, sur le parking, face à la vue exceptionnelle sur la mer. Il prend toujours, dans l’hypermarché du centre commercial, une fougasse fromage-lardons, des chips et deux tartes aux fraises au rayon frais. Dans le bidonville, des cabanes de tôles et de planches posées les unes contre les autres, au fur et à mesure que les les familles se sont agrandies. Chacun faisait son petit commerce. Les gens de la Castellane, quand ils vont à Grand Littoral, disent qu’ils descendent «en ville». Quand ils rejoignent avec difficulté l’hypercentre autour du Vieux-Port, ils disent «venir à Marseille». Grand Littoral est leur centre de vie. Sur une pente artificielle de déblais, trois chèvres s’agrippent comme des chamois. Elles appartiennent à des gitans de la résidence de la Nouvelle Laurette, construite pour eux juste en dessous.

On poursuit le chemin entre les ronces, les spigaous (herbes sèches), le long d’un canal désaffecté en surplomb de terrains inconstructibles et de la dernière tuilerie, pour sortir par un petit parc méconnu sur l’avenue de la Viste. Que veulent les gamins ici ? Ceux dont le seul luxe est l’insolence regardent passer les promeneurs d’un air rigolard. Ils mettent tout leur fric dans leurs chaussures. Comme pour fouler des pieds les richesses mises devant leur nez. Sans boulot, le rêve est de «devenir un Frédéric». Un Frédéric ? «Oui, un Français quoi, avec un crédit, une femme, une maison, une bonne bagnole…» Pour aller ensuite traîner à Plan-de-Campagne.

Un récit de Philippe Pujol pour Le Bureau des guides du GR 2013 publié dans Libération

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Point 1 – Plan de Campagne

Point 2 – De Barnéoud à la ville franchiséePoint 3 – Lecture de strates

Interlude – Friche agricole

Point 4 – St-Antoine Gare Franche

Interlude – Traversée du Plan d’Aou

Point 5 – Les 4000Point 6 – Bassin de séon

Point 7 – French deconnexion

Point 8 – Paysage Consolat

Point 9 – Grand littoral

Co-production Euphonia / Bureau des guides du GR2013. Productrice : Julie de Muer – Réalisation : Jean Baptiste Imbert

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MÉTROPOLE COMMUNE – Étape 3

Balade le long de l’ancienne voie ferrée de Valdonne (La Bouilladisse-Roquevaire-Aubagne).

Lundi 1er juin 2015 – LA VOIE DE VALDONNE : De la Bouilladisse à Aubagne

De la Bouilladisse à Aubagne, en piémont du massif de l’Etoile, au fil de la vallée de l’Huveaune, le long de la voie ferrée abandonnée de Valdonne – grand vestige industriel bientôt support d’un nouvel équipement de transport métropolitain.

Nous allons marcher à travers les herbes et les ronces, sur les 14 kilomètres des traverses patinées de l’ancienne voie ferrée de Valdonne, qui relie le village de La Bouilladisse à Aubagne. Les architectes, experts et membres de la mission interministérielle pour le projet métropolitain d’Aix-Marseille-Provence, qui explorent le territoire pour leur troisième randonnée, foulent aujourd’hui le béton craquelé de la gare de La Bouilladisse.

Il leur faut imaginer qu’à partir d’ici, en 2020, devrait circuler un tramway. Il desservira la dizaine de localités jalonnant ses rails en moins de trente minutes, pour soulager les 60 000 riverains et décourager une partie des 110 000 automobilistes coincés quotidiennement dans les bouchons entre Aubagne et Marseille. Né de la volonté des communes, porté par le Pays d’Aubagne et de l’Etoile, le projet prend encore plus de sens dans le contexte de la métropole. Avec 18 millions d’euros d’investissement de l’Etat, le «Valtram» devrait recoudre un territoire morcelé, traversé de montagnes, qui s’étend de l’Est marseillais aux terres argileuses d’Aubagne. Et peut-être, qui sait, raccrocher les wagons entre l’intercommunalité d’Aubagne, opposée de longue date à l’idée d’une métropole, et Marseille, farouchement pour.

On n’en est pas là. Aujourd’hui, pour rallier depuis Marseille le village de La Bouilladisse, il faut d’abord prendre le train jusqu’à Aubagne, puis monter dans un bus jusqu’à l’ancienne gare de La Bouilladisse. A mesure que le TER s’éloigne de Marseille, traverse le bassin industriel de la haute vallée de l’Huveaune, coupée de montagnes lacérées de routes et percées de tunnels pour s’avancer vers les terres plus agricoles, on mesure le problème. Autour des villages, des zones pavillonnaires se sont étalées vers les massifs. Les axes routiers pour gagner Aix ou Marseille déversent un trafic incessant. Dans les véhicules, de nouveaux habitants pourtant venus là pour fuir le vacarme marseillais.

Entre Aubagne et Marseille, plus de 34 000 déplacements s’effectuent chaque jour en voiture. Les bus de l’agglomération sont gratuits depuis 2009 et desservent treize communes jusque dans le Var. Mais ils n’échappent pas aux bouchons. De toute façon, il n’y a actuellement pas assez de voies ferrées pour créer un maillage efficace, c’est-à-dire relié avec les autres transports collectifs.

Un siècle de service

La réhabilitation de la voie ferrée de Valdonne, en site propre, doit permettre à ce territoire d’être connu autrement que comme un dortoir ou un échangeur autoroutier. Réutiliser la vieille ligne, «c’est prolonger, et prolonger, c’est rentabiliser», résume le préfet Laurent Théry. Il va falloir enlever beaucoup de rouille sur ces rails posés en 1868 entre Aubagne et La Barque par la Compagnie de chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée. «Installée pour acheminer le charbon des mines de Fuveau, Peypin ou Auriol et pour alimenter les usines de savon, de soude, les cimenteries et plâtreries de tout le bassin marseillais par la suite, la ligne a rapidement été utilisée par les ouvriers et les habitants», rappelle Claude Iérace, fils et petit-fils de mineur. La fin des mines a entraîné l’arrêt de la ligne après presque un siècle de service.

Bras de fer

A cette évolution de l’économie locale, fatale au rail, se sont ajoutés les affrontements politiques. L’évocation de la métropole réveille la défiance séculaire des communes de la périphérie à l’égard de Marseille. Maire de la cité phocéenne pendant plus de trente ans, Gaston Defferre était engagé dans un bras de fer permanent avec les tenants des bastions communistes qui entouraient sa ville.

Il en reste des traces. En 2010, un référendum sur le Pays d’Aubagne rejetait l’idée d’un Grand Marseille à 93 %. «La métropole risque de revenir sur nos choix de transports alternatifs», justifiait alors le maire communiste d’Aubagne, Daniel Fontaine. Pourtant, le projet du Valtram avait été acté par son prédécesseur. Une élection municipale plus tard, tout était balayé : le projet semblait soudain trop coûteux et la présidente de l’intercommunalité menaçait même de se «coucher sur les rails du tram». Le matériel et les rames avaient été commandés et payés. Ils se sont retrouvés au garage. Devant le quai de la vieille gare de La Bouilladisse, des terrains de tennis ont remplacé les hangars du fret. Le maire, André Jullien, présente ses futurs aménagements – «lycée pour 1 000 élèves, 350 logements dont 30 % sociaux avec un label écoquartier, parking en liaison avec un tram en site propre qui ira un jour jusqu’à Marseille». Mais il avertit d’emblée qu’il arrêtera la marche de l’engin aux limites de sa commune. La présidente de l’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, Sylvia Barthélémy (UDI), était comme lui sur la même ligne anti-tram. Voilà qu’elle a changé d’avis et nous assure maintenant : «Ce grand projet d’aménagement est attendu depuis longtemps. 60 % de la population habite hors Aubagne et le développement se fait surtout sur le nord.»

Le fil vert des boues rouges

Au bord de la voie ferrée, un gros tuyau vert en métal nous accompagne. Destiné l’évacuation des boues rouges de l’usine d’alumine de Gardanne (Alteo), le serpent topaze colle aux rails, et ne nous quittera plus, fil vert de la marche quand disparaîtront rails et traverses. Alteo emploie 500 salariés, et c’est de là que proviennent les composants d’un téléphone portable sur deux dans le monde. Depuis plus d’une décennie, ses boues rouges sont déversées dans une fosse marine au large de Cassis. «On a un milieu naturel remarquable et de belles pépites industrielles. D’ici peu, suite aux décrets pris en préfecture, l’usine ne rejettera plus que des eaux résiduelles dans le parc naturel des Calanques», veut rassurer le député Vert François-Michel Lambert, qui voit dans la métropole «un formidable outil au service des communes». Evoquant les possibilités d’une écologie industrielle, il souligne que «la poussière de l’un doit devenir le ciment de l’autre».

De l’eau à nos moulins

A la lisière de La Destrousse, le rail est interrompu par la RD 45. Un pont-rail, ou l’abaissement de la chaussée, devrait surmonter l’écueil. «Nous mêlons les contraintes autoroutières à celles du charme champêtre», ironise l’urbaniste Christian Devillers en enjambant un ancien aiguillage. Puis, un bruit d’eau vive, une cascade, de la fraîcheur. «Voilà l’Huveaune !»Le groupe dégringole vers les berges pour un providentiel pique-nique. Un béal (petit canal d’irrigation) rappelle la présence d’un des nombreux moulins qui ont jalonné les rives de l’Huveaune. «Il y en a eu jusqu’à 65, rappelleClaude Carbonnel, du collectif Associations Huveaune.Mais la rivière a perdu de son importance en 1848, car l’eau de la Durance est arrivée à Marseille. La vapeur et l’électricité en ont fini avec ces moulins qui tenaient depuis le Moyen Age et ont alimenté les sociétés Rivoire et Carret ou Atochem».

Depuis quelques années, associations et élus se mobilisent pour le fleuve. Un système intercommunal a été mis en place pour gérer les inondations et l’entretien des berges. A Roquevaire, on boit l’eau de l’Huveaune en régie municipale, «autonomie qu’on ne veut pas dissoudre dans la métropole», insiste le maire, «car on pompe à un tarif très avantageux».

A l’ombre des platanes, les urbanistes se prennent à rêver les aménagements autour du futur tram. Faire de la ville autour des stations, avec des aménagements piétons, cyclables ou léger intégrés au cœur des villages.

Après Roquevaire, la voie ferrée descend vers la plaine agricole d’Aubagne. La haute façade de l’exploitation de Jérôme Laplane borde la route. Installé en 1991 sur une partie des terres familiales, l’agriculteur bio vend au détail sur place et approvisionne les marchés marseillais. «J’ai un petit chiffre d’affaire, je fonctionne avec 120 familles clientes»,explique le maraîcher, qui s’étend, en Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), sur cinq hectares. «Il existe une demande sur ce bassin où vivent un million de personnes», mais une partie du zonage agricole «n’est pas remise à disposition car les propriétaires qui n’exploitent plus ne veulent ni vendre ni louer»,déplore-t-il. Laplane lui-même cultive trois hectares avec un bail précaire. «Un quart des terres fertiles a été urbanisé et on se retrouve avec le foncier maraîcher le plus cher du département…»

Le groupe se remet en route vers Aubagne. Dernier stop à l’ancienne gare de Pont-de-l’Etoile. Entre élus et membres du conseil de développement, on fait le point sur l’avenir possible de la voie de Valdonne. Le débat porte sur une question technique : les voyageurs accepteront-ils d’aller en tramway de Marseille à Aubagne pour changer et prendre ensuite un train ? Une étude a montré qu’une correspondance est toujours dissuasive. Pour relier l’Huveaune à Marseille, seul un tram-train ferait l’affaire. Arriver à marier les techniques ferroviaires et les convictions politiques dans un même projet : la naissance de la métropole passera aussi par là.

Un récit de Myriam Guillaume pour Le Bureau des guides du GR 2013 publié dans Libération

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Point 1 – Terminus tram

Point 2 – Ancienne gare

Point 3 – Tuyau boues rouges

Point 4 – Tunnel

Point 5 – Huveaune

Point 6 – Roquevaire

Point 7 – Ferme

Point 8 – Gare de Pont de l’étoile

Co-production Euphonia / Bureau des guides du GR2013. Productrice : Julie de Muer – Réalisation : Jean Baptiste Imbert

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